Alors que le Festival d’Avignon (du 5 au 26 juillet) se profile à l’horizon, le rideau se lève sur 260 œuvres réparties entre dix sites, du palais des Papes au musée Lapidaire, en passant par les bains Pommer. Ce projet prend racine dans une commande de la cité des Papes à l’artiste académicien.

Mais aussi dans la rencontre, en 1337, de l’écrivain Pétrarque avec Laure de Sade, héroïne de 366 poèmes : « Mes œuvres sont comme des fragments de ces odes qui en ont inspiré d’autres, tels que Michel-Ange, Shakespeare ou Pasolini », explique celui qui porte l’habit vert et l’épée depuis 2021. Intitulée « OTHONIEL COSMOS ou Les Fantômes de l’Amour », son exposition reflète l’étendue de ses passions, pour la littérature, le patrimoine, l’astrologie, les fleurs, les fontaines…

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Othoniel, directeur artistique

Organiques, brillantes et énigmatiques, les sculptures en obsidienne d’Othoniel, inspirées des roches volcaniques des îles Éoliennes, contrastent avec les œuvres minimalistes de la Collection Lambert – ici <em>Invisibility Face #1</em> (2015) devant <em>Wall Drawing #538</em> (1987) de Sol Lewitt. Pourtant, une même épure s’en dégage.

Organiques, brillantes et énigmatiques, les sculptures en obsidienne d’Othoniel, inspirées des roches volcaniques des îles Éoliennes, contrastent avec les œuvres minimalistes de la Collection Lambert – ici Invisibility Face #1 (2015) devant Wall Drawing #538 (1987) de Sol Lewitt. Pourtant, une même épure s’en dégage.

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© Photo François Deladerrière

Dans le cadre de ce vaste projet, Jean-Michel Othoniel a également joué le rôle de directeur artistique ; ce qui se ressent particulièrement dans les salles de la Collection Lambert, dont il a choisi des pièces à mettre en regard avec ses créations. Le mariage entre ses briques de verre bleues montées en escalier et un dallage géométrique de Carl André apparaît comme une évidence.

S’il est, a priori, impossible d’installer quoi que ce soit dans la salle entièrement peinte par Sol LeWitt (Wall Drawing #538 : On Four Walls, Continuous with Color Ink Washes Superimposed (1987)), Othoniel est l’exception qui confirme la règle : sa sculpture en obsidienne reflète le mural, créant ainsi une troisième œuvre à contempler.

Unique vestige du couvent où Pétrarque rencontra Laure de Sade, la chapelle Sainte-Claire a servi de point de départ à Jean-Michel Othoniel, conquis par la plume de l’humaniste italien : « Comme une perle blanche, sertie d’or / rampant ou marchant d’un pas hésitant / elle rendait vert, clair / et doux, le bois, l’eau, la terre et la pierre. » Derrière une grille, que l’académicien a fait repeindre en doré, se dresse un cœur monumental en verre rouge, symbole d’un amour inaccessible : sa muse était mariée.

Jean-Michel Othoniel, « La Croix des Bateliers » à Avignon

Jean-Michel Othoniel, « La Croix des Bateliers » à Avignon

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© François Deladerriere

Le cœur battant du projet n’en demeure pas moins, ne serait-ce que par son étendue, le palais des Papes, dont 15 lieux et chambres abritent 106 œuvres inédites, sur 133 au total. Dans le cloître créé sous le pontificat de Benoît XII, se dresse une pièce de 10 mètres intitulée L’Astrolabe. Les briques en inox poli-miroir qui habillent l’œuvre Yardang (terme qui désigne une crête rocheuse formée dans un milieu désertique) se fondent discrètement dans le décor de la chambre antique du camérier. Poissons ? Bélier ?

Levez la tête et cherchez votre signe astrologique parmi les douze sculptures suspendues au plafond de la chambre de parement. Ce parcours dans le parcours, c’est aussi l’occasion pour Othoniel de dévoiler au public une soixantaine de peintures à l’encre inspirées de son herbier merveilleux, série dont les dernières pièces sont actuellement montrées au centre d’art La Malmaison, à Cannes.

Parlant herbier, celui du naturaliste français Esprit Requien (1888–1951), conservé dans l’hôtel de Raphélis de Soissan, compterait entre 150 et 300 000 plantes. Dans ce charmant écrin se trouve une salle rouge garance (la fleur d’Avignon) ; et dans cet espac des dessins préparatoires, des maquettes, des planches enluminées de l’artiste dialoguent avec les plus beaux exemplaires des collections du musée. L’ode à la nature se poursuit, un numéro plus loin, dans la cour et le jardin du musée Calvet, à travers des architectures en perles géantes dont la forme évoque des fleurs.

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Coup de foudre au musée du Petit Palais – Louvre en Avignon

<em>Le Tombeau de l’amour</em> (2025), cénotaphe d’acier et de verre indien miroité bleu glacier et champagne, est présenté dans la chapelle Saint-Martial.

Le Tombeau de l’amour (2025), cénotaphe d’acier et de verre indien miroité bleu glacier et champagne, est présenté dans la chapelle Saint-Martial.

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© Photo François Deladerrière

Métaphore des sentiments débordants, l’eau traverse l’exposition, à l’instar du Rhône qui irrigue avec puissance la ville. Inaugurés le 20 juin, les bains Pommer, musée qui retrace l’évolution des pratiques hygiénistes de la Belle Époque aux années 1970, accueille douze fontaines de verre dans autant d’ex-cabines de soins. Nombre de rencontres amoureuses se cristallisent au bord d’un bassin. Avec sa Fontaine des délices encastrée dans la fontaine au griffon, commandée en 1345 par Clément VI au pied de la tour du Pape, Jean-Michel Othoniel surfe poétiquement sur ce topos romantique.

Coup de foudre, de notre côté, pour l’accrochage déployé au musée du Petit Palais – Louvre en Avignon, qui abrite l’un des ensembles de peintures italiennes les plus cohérents d’Europe en dehors de l’Italie. « Je vois dans la tête nimbée d’un saint comme une éclipse. J’ai toujours rêvé d’explorer ce motif », confie le plasticien qui a imaginé des disques de verre finement soufflés et incrustés d’or, dont la fragilité contraste avec la corporalité de ses Precious Stonewalls ou Wonder Blocks. La disposition de chaque groupe reprend la composition d’une toile voisine. Les correspondances ne sautent pas toujours aux yeux, ce qui rend la quête d’autant plus séduisante. « À force, vous ne verrez plus que des auréoles dans les tableaux alentour ». L’artiste dit vrai…

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Othoniel – Cosmos ou les fantômes de l’amour

Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026
Dans tout Avignon

othoniel-cosmos.com