Les tensions continuent de monter après la décision soudaine du Centre Pompidou-Metz, révélée le 17 juin dernier, d’annuler l’exposition « Van lévé. Visions souveraines des Amériques et de l’Amazonie créoles et marronnes » – événement qui devait s’y tenir du 31 octobre 2026 au 5 avril 2027, et promettait de brosser un panorama inédit des scènes artistiques antillaises et guyanaises.
Ce 3 juillet dans le journal Le Monde, 70 artistes et personnalités du monde de l’art d’origines diverses, et pour certains extérieurs au projet, ont dénoncé cette mise à la trappe intempestive dans une lettre ouverte, où ils affirment leur soutien à la commissaire de l’exposition, la Guadeloupéenne Claire Tancons, qui a vécu près de 20 ans entre les Caraïbes et les États-Unis. Comme elle, tous disent ne pas croire à l’argument budgétaire avancé par l’établissement.
« Une exposition manifeste »
« En accueillant également des artistes d’autres horizons, de renommée internationale, en croisant les générations autour d’un projet scientifique solide, ‘Van lévé’ (‘le vent se lève’ en créole) a été pensée comme une exposition manifeste de la puissance de nos créations et de la rigueur de notre travail […], ayant pour ambition d’affirmer la capacité des artistes et auteurs de nos régions de produire eux-mêmes […] des visions d’avenir. En un mot, raconter dans nos termes et avec nos formes, nos histoires, nos mémoires et nos manières d’être au monde », déplore le texte, signé entre autres par le directeur du Campus caribéen des arts Henry Santenac, le réalisateur Jean-Claude Barny, et de nombreux artistes dont Raphaël Barontini, Minia Biabiany, Ernest Breleur, Olivier Marbœuf, Tabita Rezaire, Zineb Sedira et Laura Henno.
Des raisons budgétaires avancées par le musée
Claire Tancons à Art Basel Miami en 2016
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© Matteo Prandoni / BFA / REX / Shutterstock / Sipa
Tout a commencé lorsque la commissaire Claire Tancons, en visite de travail au musée en mai 2025, s’étonne de découvrir dans le forum la sculpture monumentale de Maurizio Cattelan, L.O.V.E – un doigt d’honneur de onze mètres de haut, installé dans le cadre de la rétrospective de l’artiste italien visible à Metz jusqu’en 2027. Alors que la liste d’œuvres de « Van lévé » est à 90 % terminée, et qu’elle est déjà en train de penser l’accrochage, l’historienne de l’art demande quand la sculpture doit être retirée, son contrat prévoyant une surface d’exposition de 1 550 m², qui inclut le forum de 430 m². Une personne travaillant à la programmation lui répond que « finalement, Maurizio veut laisser son œuvre ici ». La commissaire apprend que près d’un tiers de la surface de l’exposition lui a été retiré sans préavis…
Claire Tancons fait immédiatement part de son mécontentement à la directrice de l’établissement, Chiara Parisi. Deux semaines plus tard, le secrétaire général du musée lui annonce que l’exposition est annulée. Pour des raisons budgétaires et rien d’autre, assure l’établissement. « Le projet de Claire est un très beau projet, mais il s’est densifié avec le temps. Nous avons vu le budget peu à peu augmenter et nous ne pouvions plus suivre », justifie la directrice dans Télérama.
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Il n’est pas rare que des expositions soient annulées pour des raisons purement pratiques, notamment financières, ou de conflits de calendrier. Mais la commissaire et les signataires de la lettre ouverte ne croient pas à cette explication. « L’argument du budget, soudain manquant, ne tient pas. Je ne sais pas comment qualifier l’impulsivité d’un musée mettant brutalement à mal un projet au long cours et un financement considérable et prestigieux », affirme dans Télérama Claire Tancons, qui dit avoir pourtant apporté en mécénat 500 000 dollars, soit près de la moitié du budget de l’exposition. « Je crois que les équipes du Centre Pompidou-Metz n’étaient pas pleinement mobilisées. Il y avait d’autres échéances, dont les quinze ans de l’institution et l’exposition Cattelan. ‘Van lévé’ n’était pas une priorité », regrette la curatrice, qui a fait appel à un avocat.
« Une commissaire d’exposition guadeloupéenne sera toujours trop ambitieuse », fulminent les signataires de la lettre publiée le 3 juillet. « Nous partageons son ambition […], qui est à la hauteur du respect que nous attendons à l’égard des récits que nous portons ». Les artistes gardent cependant espoir pour la suite. « Nous sommes convaincus que cette exposition aura lieu, concluent-ils, dans des lieux qui sauront lui apporter l’hospitalité, l’écoute et le soin qu’elle mérite ».
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