Son chant ne résonnera plus, mais son cri, lui, aura été entendu par la justice. Quelques jours avant la date fatidique de son procès, le coq Ricco, jugé trop bruyant par une voisine, est mort à l’âge de 7 ans. Une fin tragique pour l’animal, odieusement emporté par l’appétit vorace d’un renard de passage, rapporte le Dauphiné libéré. Sa disparition n’aura pas empêché la justice de pondre une décision en sa faveur, ce vendredi 4 juillet. Si le tribunal de Bourgoin-Jallieu (Auvergne-Rhône-Alpes) a estimé que l’affaire ne relevait pas de sa compétence, il a toutefois condamné la plaignante, qui accusait l’animal de chanter trop fort, à verser 2 000 euros pour réparer le préjudice moral des propriétaires. Elle devra également leur rembourser leur frais d’avocat, à hauteur de 1 500 euros.

«C’est une victoire pour Ricco, un hommage après sa mort, mais aussi un symbole pour tous les autres. Avec cette décision, tous les coqs de France pourront chanter un peu plus en paix», se félicite auprès de Libé l’un des propriétaires de Ricco, Franck Charreton. Il espère qu’à l’avenir, «les gens réfléchiront à deux fois avant de porter plainte» contre ce qui est l’emblème du milieu rural. «C’est bien dommage que Ricco ne soit plus là pour voir ça.»

Depuis quatre ans, cette voisine volait dans les plumes du coq isérois. Importunée par les vocalises matinales du gallinacé, elle avait assigné en justice ses deux propriétaires, Franck et Alexia Charreton, en septembre. L’énième et ultime étape d’une guerre intestine semant la zizanie dans le hameau de Boussieu, où le fringant mâle coulait jusqu’ici des jours paisibles. Depuis, l’affaire avait pris en ampleur et Ricco, bien malgré lui, était devenu un symbole : celui de la résistance d’une faune ayant – quoi qu’en disent les humains – le droit d’exister. Ainsi que la liberté de chanter.

Dévoués à la cause, Franck et Alexia Charreton écrivaient encore une lettre au juge quelques jours avant que le verdict ne tombe. Le couple craignait alors de voir la procédure finir en queue de poisson du fait du décès de leur compagnon et réclamait un jugement «à titre posthume». «Il avait sa place auprès de nous et dans notre cour. Il nous faut une réponse : est-ce qu’il avait le droit d’être là ? On espère que l’affaire sera jugée pour mettre fin à ces attaques», clamaient-ils. Avant d’ajouter, le deuil peut-être un peu trop rapide : «Et qu’on sache, dans l’hypothèse où on en reprend un.»

L’impensable s’est passé un soir de semaine. Alors que, été faisant, le soleil rechignait à décliner. Pour cette fois, juste pour cette fois, le duo a pris la décision de décaler la fermeture de son poulailler. Après tout, on pouvait bien laisser la volaille profiter, non ? Amers regrets. Quelques heures plus tard, c’est une scène d’horreur qu’ils ont découverte.

«Mon mari a retrouvé [Ricco] presque en morceaux devant le poulailler le matin», racontent Franck et Alexia Charreton. Deux poules aussi manquaient à l’appel. Une autre «ensanglantée et choquée» s’était dans un élan de survie réfugiée à l’intérieur de son abri. Encore aujourd’hui, la femelle demeure sous le choc. Au point de pondre ses œufs debout. Les propriétaires, eux aussi, peinent à s’en remettre : «On aimait Ricco, il avait une histoire.»

Avant lui, un autre coq avait défendu son droit au cocorico en justice : Maurice. Le poulet oléronnais avait remporté la prise de bec avec brio en 2019. Ses détracteurs ayant même dû lui verser 1 000 euros de dommages et intérêts. Ricco ne pourra pas savourer de son vivant une telle victoire. Mais de sa patte, il aura marqué l’histoire… et les mémoires.

Par le passé, plus de 35 000 personnes avaient signé une pétition en sa faveur. Sous la publication annonçant son décès sur sa page Facebook, les hommages de ses supporteurs abondent encore. «RIP», écrit un internaute. «Aucun mot vous enlèvera la douleur de cette perte», se désole une autre, adressant ses condoléances aux propriétaires. Enfin, dans un énième message, un homme salue : «Ayant également un voisin qui ne supporte pas mon coq, j’admire le combat que vous avez mené».

Alors, pour célébrer la victoire de son poulailler et la crier sur tous les toits, Franck Charreton annonce qu’il organisera d’ici à quelques jours «une omelette géante» dans son jardin. Le festin sera partagé avec tous les voisins. Les poules, elles, ne seront pas loin. Pas rancunier, l’Isérois observe : «Même cette voisine, la plaignante, sera la bienvenue si elle veut !»

Mise à jour à 18 h 35 avec la condamnation du tribunal