La citation date de 1992, mais, trente-trois ans après, elle semble plus actuelle que jamais. « Le Moyen-Orient a son pétrole, la Chine a ses terres rares », se réjouissait l’ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping. « Terres rares » : il faut préciser que le nom est impropre, car elles ne sont pas rares, précisément. « Cette dénomination s’explique, car elles sont présentes partout sur Terre mais sont disséminées en très faible quantité, à l’inverse de certains métaux », explique la chercheuse Émilie Janots dans un article du CNRS. L’extraction et le raffinage nécessitent donc un processus très coûteux en eau et en énergie, et extrêmement polluant.

Surtout, on confond souvent les terres rares, au nombre de 17 éléments du tableau périodique, avec les matières premières stratégiques. Ces dernières englobent l’ensemble des éléments cruciaux (y compris les terres rares, donc) pour la transition énergétique et les secteurs du numérique, des énergies éolienne et solaire, du médical et de l’armement. Le cobalt, le lithium, le nickel ou le manganèse, par exemple, ne sont pas des terres rares, mais des métaux stratégiques. Tous, cependant, sont aujourd’hui au centre de la géopolitique mondiale.

La Chine

Initiée dans les années 1990, la stratégie chinoise a porté ses fruits : avec 69 % de la production mondiale de terres rares, elle est ultradominante. Dans une note publiée pour l’Institut français des relations internationales, le chercheur John Seaman rappelle que « la domination de la Chine illustre la compétition qui se joue aujourd’hui autour des ressources minérales dans un monde toujours plus axé sur le numérique et le bas-carbone ».

C’est en 1995 que la Chine est devenue la première productrice mondiale de terres rares, avec un pic à 95 % de la production au début des années 2000, au prix d’un forage intensif et de normes environnementales quasi inexistantes. Ce qui lui a permis de développer son industrie de pointe, mais également de jouer ensuite de cette hégémonie. En 2000, sous la présidence de Jiang Zemin, le pays réduit ses exportations de 40 %, provoquant une envolée des prix, puis institue des taxes sur ces exportations en 2010. C’est à cette occasion que les États-Unis et l’Union européenne ont pris conscience de cette dépendance.

A contrario, la Chine reste relativement dépendante en ce qui concerne le nickel ou le cobalt, éléments principaux des fameuses batteries électriques pour les voitures. Même si elle en produit de plus en plus, elle a assuré son approvisionnement en signant des contrats avec d’autres pays : Indonésie et Nouvelle-Calédonie pour le nickel, République démocratique du Congo (RDC) pour le cobalt.

Les États-Unis

Les récentes déclarations de Donald Trump sur les ressources de l’Ukraine ou du Groenland ont braqué les projecteurs sur ces minerais stratégiques. En réalité, cette question sous-tend l’ensemble de la politique du président nationaliste : c’est son fameux « Drill, baby, drill » (Fore, bébé, fore). Le fait est peu connu, mais jusqu’aux années 1980, les États-Unis étaient le premier producteur mondial de terres rares.

Cependant, à l’époque, leur importance était bien moindre qu’aujourd’hui, à tel point que l’Institut géologique états-unien (USGS) a relancé récemment les prospections à travers le pays. En 2023, les États-Unis étaient toutefois le deuxième producteur mondial de terres rares, avec 12 % du total. Mais en volume, ils restent très dépendants, notamment de la Chine. D’où la volonté de Donald Trump de s’approvisionner tous azimuts, y compris en tordant le bras des pays producteurs ou futurs producteurs : Canada, Groenland, Ukraine, RDC…

Sur l’ensemble des minerais stratégiques, les États-Unis sont ultra-dépendants. Là encore, Trump vise notamment l’Ukraine, dont le sous-sol est un enjeu de l’éventuel accord de paix. Quant au nickel, dont il est le premier importateur mondial, il se fournit surtout au Canada, en Australie et en Nouvelle-Calédonie : en 2021, un contrat a été signé entre l’usine du Sud, à 100 kilomètres de Nouméa, et… Elon Musk.

L’Europe

L’intérêt des pays de l’UE pour les minerais stratégiques et les terres rares date du début des années 2000. En 2022, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, alertait sur le fait que « le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants que le pétrole et le gaz ». Le continent est extrêmement dépendant, notamment de la Chine : en 2021, 98 % de sa consommation de terres rares provenaient du géant asiatique.

Ce 25 mars, l’UE a passé la vitesse supérieure : la Commission a lancé un appel à candidatures pour des projets d’extraction et de transformation minières. Quarante-sept ont déjà été retenus et vont bénéficier de permis d’exploitation et de prêts pour un montant de 2 milliards d’euros. La politique de l’Europe est tournée vers trois axes : sécuriser ses approvisionnements, les diversifier et réduire la dépendance en améliorant le recyclage de ces matières stratégiques.

En 2023, l’UE avait adopté le Critical Raw Material Act, texte qui définit la stratégie européenne sur le sujet. Il anticipe notamment une explosion de la demande de minerais cruciaux d’ici 2050 : + 3 500 % pour le lithium, + 2 600 % pour le dysprosium, + 330 % pour le cobalt. L’Europe n’avait pas hésité à signer un accord avec le Rwanda sur plusieurs matériaux, dont le tungstène, l’or ou le tantale. Lesquels sont pour la plupart pillés en RDC voisine…

Paradoxalement, la France est le seul pays de l’Union européenne, hormis la Suède, à disposer potentiellement de minerais critiques. Mais dans les colonies ultramarines, notamment en Nouvelle-Calédonie pour le nickel et en Guyane et en Polynésie pour les terres rares. Dans ces deux derniers territoires, Paris fait face à l’opposition ferme des peuples locaux. En Guyane, les gisements seraient en plein cœur de la forêt amazonienne, et, dans l’archipel du Pacifique, au fond des océans. Le gouvernement local comme Emmanuel Macron sont opposés à toute extraction minière du plancher océanique. Dans l’Hexagone, quelques projets sont sur les rails, notamment l’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier. De quoi produire 34 000 tonnes par an, soit le nécessaire pour 700 000 véhicules électriques. Le débat est aujourd’hui d’ordre écologique : pour le journaliste Guillaume Pitron, auteur de « la Guerre des métaux rares » (Les liens qui libèrent, 2018), la relocalisation est sans doute salvatrice : « Nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en coûte réellement de nous proclamer modernes, connectés et écolos », écrivait-il. Et de réfléchir ainsi à nos modes de consommation.

Paradoxalement, la France est le seul pays de l’Union européenne, hormis la Suède, à disposer potentiellement de minerais critiques. Mais dans les colonies ultramarines, notamment en Nouvelle-Calédonie pour le nickel et en Guyane et en Polynésie pour les terres rares. Dans ces deux derniers territoires, Paris fait face à l’opposition ferme des peuples locaux. En Guyane, les gisements seraient en plein cœur de la forêt amazonienne, et, dans l’archipel du Pacifique, au fond des océans. Le gouvernement local comme Emmanuel Macron sont opposés à toute extraction minière du plancher océanique. Dans l’Hexagone, quelques projets sont sur les rails, notamment l’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier. De quoi produire 34 000 tonnes par an, soit le nécessaire pour 700 000 véhicules électriques. Le débat est aujourd’hui d’ordre écologique : pour le journaliste Guillaume Pitron, auteur de « la Guerre des métaux rares » (Les liens qui libèrent, 2018), la relocalisation est sans doute salvatrice : « Nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en coûte réellement de nous proclamer modernes, connectés et écolos », écrivait-il. Et de réfléchir ainsi à nos modes de consommation.

Paradoxalement, la France est le seul pays de l’Union européenne, hormis la Suède, à disposer potentiellement de minerais critiques. Mais dans les colonies ultramarines, notamment en Nouvelle-Calédonie pour le nickel et en Guyane et en Polynésie pour les terres rares. Dans ces deux derniers territoires, Paris fait face à l’opposition ferme des peuples locaux. En Guyane, les gisements seraient en plein cœur de la forêt amazonienne, et, dans l’archipel du Pacifique, au fond des océans. Le gouvernement local comme Emmanuel Macron sont opposés à toute extraction minière du plancher océanique. Dans l’Hexagone, quelques projets sont sur les rails, notamment l’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier. De quoi produire 34 000 tonnes par an, soit le nécessaire pour 700 000 véhicules électriques. Le débat est aujourd’hui d’ordre écologique : pour le journaliste Guillaume Pitron, auteur de « la Guerre des métaux rares » (Les liens qui libèrent, 2018), la relocalisation est sans doute salvatrice : « Nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en coûte réellement de nous proclamer modernes, connectés et écolos », écrivait-il. Et de réfléchir ainsi à nos modes de consommation.

Sous la pression, le 13 février dernier, le Parlement européen a adopté une résolution pour que la Commission européenne suspende cet accord en raison du conflit dans l’est de la RDC, dans lequel est impliqué le Rwanda. Sans réponse pour l’instant.

L’Europe pourrait cependant bénéficier de quelques gisements de métaux précieux : au Groenland, qui reste un territoire dépendant du Danemark, et dans l’Arctique. En janvier 2023, l’entreprise suédoise LKAB a annoncé la découverte du « plus grand gisement connu » de terres rares dans le nord du pays, en Laponie suédoise. Il renfermerait plus de 1 million de tonnes, soit 1 % des réserves mondiales connues. Mais son exploitation ne débutera pas avant au moins quinze à vingt ans.

Le Groenland

Les 60 000 habitants n’avaient rien demandé : pourtant, du 27 au 29 mars, une délégation états-unienne menée par Usha Vance, la femme du vice-président, s’est invitée sur le territoire. Et pas pour pêcher sur la banquise : il s’agissait bien de poser les jalons de l’accaparement des minéraux stratégiques contenus dans le sous-sol du Groenland, comme l’avait évoqué Donald Trump. « Désormais, son seul objectif est de s’emparer de notre pays, sans nous consulter », a tonné Mute Egede, le premier ministre sortant du Groenland.

Les États-Unis ne sont pas seuls sur les rangs : l’Union européenne et la Chine lorgnent aussi le territoire inuit. En 2023, Ursula von der Leyen s’y est rendue, à l’invitation du Groenland : « Nous savons que 73 % de tout ce dont l’UE a besoin en matière de terres rares peuvent être trouvés au Groenland », avait alors déclaré Aaja Chemnitz, une parlementaire danoise et inuite. Mais, pour l’heure, le Groenland a gelé toute exploitation, notamment en adoptant un cadre très strict en matière de respect de l’environnement.

L’Ukraine

Un soutien militaire et financier américain en échange d’un accès aux terres rares, au lithium ou encore au graphite présents dans le sol ukrainien : c’est l’objet du fameux accord exigé par Donald Trump, et que Volodymyr Zelensky n’a eu d’autre choix que d’accepter. L’Ukraine disposerait de 21 matières critiques pour un volume d’environ 5 % des réserves mondiales, selon une estimation de l’ONU qui date de 2022.

Mais 20 % d’entre elles se trouvent en territoire actuellement occupé par la Russie. L’UE a entamé depuis plusieurs années des discussions avec l’Ukraine au sujet de ses minerais critiques. Et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, de reconnaître que la France dialoguait elle aussi avec le pays en guerre « depuis le mois d’octobre 2024 ».

La RDC

Depuis plusieurs années maintenant, le pillage des minerais critiques de l’est de la RDC, région minée par les guerres depuis trente ans, est relativement bien documenté. Avec une erreur : lier l’un à l’autre, expliquer les conflits par la seule prédation des ressources minières.

Or, si elle en est un élément, cette prédation seule ne permet pas d’analyser les causes de ces guerres. Reste que cette région est la plus riche du monde en minerais. Or, coltan, tantale, étain, tungstène, cuivre, cobalt : les réserves de la RDC sont estimées à 24 000 milliards de dollars.

Ce qui explique l’appétit des milices et groupes armés, lesquels se financent souvent par le commerce illégal de ces minerais. Ils ne sont pas les seuls : les officiers corrompus de l’armée congolaise s’enrichissent allègrement. Depuis plusieurs années, Kinshasa tente d’obtenir le soutien de la Chine ou de l’UE en échange d’accords sur les minerais.

Mais également, et c’est moins connu, des États-Unis : le 6 mars, une délégation congolaise menée par la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Wagner, s’est rendue chez l’Oncle Sam pour discuter d’un deal avec l’administration Trump : un soutien militaire et financier contre l’accès aux minerais congolais. Il se murmure que le président américain est intéressé. Comme c’est étonnant…

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