À l’arrière du musée Granet, dans le vieil Aix, une vingtaine de journalistes ont été conviés le 11 juin à 11 heures précises. L’installation de l’exposition Cezanne au Jas de Bouffan, qui démarre le 28 juin et se prolonge jusqu’au 12 octobre 2025, bat son plein. Dans les salles encore vides, des caisses, des outils, des tables de travail et du matériel de scénographie sont disséminés. Le compte à rebours est lancé. Au total, 250 journalistes français et étrangers couvriront cette exposition événement.
L’installation des quelque 130 tableaux attendus s’est étalée sur trois semaines, au rythme des arrivées des œuvres prêtées par des musées et des collectionneurs privés. Selon Bruno Ély, directeur et conservateur en chef du musée Granet, elles proviennent « de 15 pays différents environ ». Cet historien de l’art ajoute que les premières sont arrivées début juin.
Les caisses contenant les œuvres de Paul Cezanne stockées dans l’une des salles du musée Granet d’Aix-en-Provence, en attendant leur installation sur les cimaises, le 11 juin 2025. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
Dans la première salle, un ensemble de caisses est stocké. Stéphanie Lardez, régisseuse des œuvres du musée Granet, explique qu’elles ne sont jamais ouvertes immédiatement : « Les prêteurs demandent au minimum 24 heures d’acclimatation au nouvel environnement, parfois plus lorsque les toiles ont voyagé en avion. Cela peut aller de 48 à 72 heures. »
Elle raconte que « deux à trois peintures maximum » peuvent être transportées dans chacune des caisses, enveloppées dans plusieurs couches de mousses protectrices. La régisseuse estime que le musée accueillera « une centaine de caisses au total, car il y a peu de prêteurs à prêts multiples, excepté le musée parisien d’Orsay qui en envoie cinq ». Elle ajoute que la plus lourde « pèse près de 150 kg et vient de Berne en Suisse ». Cette malle au trésor contient un tableau d’une valeur inestimable représentant la Montagne Sainte-Victoire, chère à Cezanne.
Ouverture d’une caisse en provenance du musée d’Orsay à Paris contenant un autoportrait du peintre Paul Cezanne.
(VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
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Nous aurons la chance de voir sortir de son écrin une autre perle de l’exposition prêtée par le musée d’Orsay : le Portrait de l’artiste au fond rose, peint par Cezanne vers 1875. L’Aixois a réalisé de nombreux autoportraits, tout au long de sa vie. « Il ne sourit jamais », précise Bruno Ély. Pour lui, l’art, c’est du sérieux.
Au rez-de-chaussée du musée, deux installateurs de la société Chenue, spécialisée dans le transport et l’accrochage d’œuvres d’art, ouvrent délicatement la caisse en bois. Équipés de gants blancs, ils ôtent les protections qui recouvrent le tableau puis le soulèvent et le déposent à plat sur une grande table. Matthieu Leverrier, régisseur des collections du musée d’Orsay, prend alors la relève avec l’aide d’une restauratrice indépendante, Sylvie Ozenne.
Équipés d’une petite lampe et de lunettes loupes, ils inspectent méthodiquement la surface du tableau. « Nous procédons à un constat d’état, qui se veut contradictoire, entre le départ du musée d’Orsay et l’arrivée ici, explique-t-il, pour voir si l’œuvre a subi quelques désagréments pendant le transport. Normalement, il ne devrait pas y avoir de modifications ». Le constat d’état est l’équivalent d’un état des lieux pour la location d’un appartement.
Les deux experts se réfèrent à un document, établi au moment de l’emballage du tableau à Paris, pour contrôler une à une toutes les zones de fragilité signalées. « On vérifie si des altérations ont pu évoluer pendant le transport » précise Matthieu Levernier. Fort heureusement, l’autoportrait « est en parfait état ». Les mêmes opérations se renouvellent pour l’ouverture à l’étage d’une autre caisse venue du musée d’Orsay. Elle abrite une toile iconique : les fameux Joueurs de cartes peints par Cezanne vers 1893-1896.
Matthieu Leverrier, régisseur des collections au musée d’Orsay, procède au constat d’état du tableau de Paul Cezanne, « Les joueurs de cartes », le 11 juin 2025, au musée Granet d’Aix-en-Provence. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
Après ces vérifications obligatoires, l’accrochage peut commencer. Les experts de la société Chenue utilisent un appareil de visée au laser pour déterminer le point précis où fixer le tableau. Une fois qu’il est au mur, ils vérifient avec un niveau s’il est bien « d’équerre ». Le directeur du musée, Bruno Ély, surveille attentivement ces opérations et leur demande de le descendre de quelques millimètres sur la droite. Il explique que le contour des cadres anciens est parfois irrégulier et qu’il préfère se fier à son œil.
Revoir ces œuvres, « dans ce lieu où Cezanne a appris à peindre et à dessiner », l’émeut beaucoup. À ses côtés, l’arrière-petit-fils du peintre, Philippe Cezanne, partage ce sentiment. Il regrette cependant que « trois tableaux manquent dans l’exposition », leurs détenteurs ayant refusé de les prêter : « une toile de Minneapolis, [reproduite en grand, sous forme de papier peint, dans l’escalier du musée], le portrait d’Hortense dans la serre et l’autoportrait à la palette, qu’on n’a jamais vu ici ».
La salle la plus étonnante est une reconstitution du Grand salon du Jas de Bouffan, propriété familiale de Paul Cezanne. « C’est quelque chose qui ne s’est jamais fait et qui ne se fera peut-être plus jamais, car les œuvres sont dispersées dans le monde entier », s’enthousiasme Bruno Ély. À la mi-juin, quatre longues toiles, Les Quatre Saisons, venues du Petit Palais à Paris, étaient déjà installées. Ne manquait que le portrait du père de Cezanne, prêté par la National Gallery de Londres pour compléter l’alcôve située au fond de cette pièce rectangulaire.
Sur les côtés, des originaux se superposent, par fragments, à des reproductions. La scénographie permet de se projeter dans le Grand salon, tel qu’il était vers 1870. On peut notamment admirer le grand nu au rocher, tableau de 1,67 mètre de hauteur prêté par le musée de Norfolk (États-Unis). C’est le fragment d’un vaste ensemble réalisé sur les murs de cette pièce qui fut pour Cezanne un laboratoire. L’organisation de cette exposition a permis de retrouver des pièces manquantes de ce grand puzzle. « Environ 70% des œuvres du Grand salon seront réunies à Aix », estime Bruno Ély.
La reconstitution du Grand salon du Jas de Bouffan, en cours d’installation au musée Granet d’Aix-en-Provence pour l’exposition consacrée à Paul Cezanne, le 11 juin 2025. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
L’espace d’exposition temporaire du musée Granet a été agrandi, passant « d’environ 700 m2 à 1000 m2, selon son directeur. Un lieu de repos permet de consulter le catalogue raisonné en ligne des œuvres de Cezanne. On peut aussi admirer des photographies prises par de grands admirateurs du peintre : Lionello Venturi dans les années 1930 ou encore Robert Doisneau dans les années 1950.
Ancien directeur du musée Granet, Denis Coutagne dit avoir eu l’idée d’une exposition sur Cezanne au Jas de Bouffan dès la fin des années 1980. « Cela fait plus de trente ans que j’en rêve », avoue-t-il. La voir se réaliser aujourd’hui, c’est une émotion continue ». Paysages, portraits, natures mortes, dessins, aquarelles… vous avez jusqu’au 12 octobre pour admirer le monde de Cezanne. L’enfant prodige d’Aix-en-Provence rentre à la maison.
Teaser présentant les différents lieux ouverts au public et les événements organisés à Aix-en-Provence dans le cadre de l’année Cezanne 2025.
(VILLE D’AIX-EN-PROVENCE)
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Exposition « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet d’Aix-en-Provence
Ouverte du lundi au dimanche de 9h à 19h sauf le jeudi de 12h à 22h
Réservations sur le site Cezanne2025.com
Plein tarif à 18 euros et tarif réduit à 16 euros, pas de billet combiné avec les autres sites cezanniens