ENTRETIEN – Chanteur à la voix hors norme selon son coach Florent Pagny, le Franco Sénégalais de 35 ans qualifié pour les battles nous raconte son parcours fait de passion et de spiritualité.
Lors des auditions à l’aveugle de la saison 14 de « The Voice », Gabriel Nabi Gueye avait enchanté les coachs avec sa sublime reprise de Say something de Great Big World et ce n’est qu’à 5 secondes de la fin de sa prestation que Florent Pagny puis Patricia Kaas s’étaient retournés. « Vous avez une voix hors norme, avait souligné le premier. Vous allez être ce que vous êtes. »
Chez Florent Pagny, Gabriel Gueye a partagé le titre Proud Mary avec Tifany B. et Théo Bellanca dans un tableau joyeux et dynamique lors de la phase des groupes. « Tu as une voix et une prestance incroyables », lui a déclaré Zaz. Le chanteur de 35 ans originaire de Cannes s’est qualifié pour la prochaine phase des battles.
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LE FIGARO. – Comment vous êtes-vous retrouvé engagé dans cette saison de « The Voice » ?
Gabriel Nabi GUEYE. – J’avais chanté pour l’anniversaire d’une cliente à Deauville qui avait adoré ma prestation et qui avait indirectement fait suivre mon contact à un membre de l’équipe de casting. Au départ, j’avais peur de me lancer parce que je ne comprenais pas l’intérêt du jugement et de l’élimination. C’était peut-être lié à l’angoisse du rejet et au syndrome de l’abandon. C’était extrêmement angoissant. Je chante dans des contextes légers pour des raisons profondes. Pour moi, la musique est un destin, une caste sociale. C’est ma nature, ma communauté et mon histoire. Je ne percevais pas la pertinence d’un tel concours. Je sous-estimais tout le côté médiatique qui pouvait être favorable à l’artiste et à son œuvre. J’ai beaucoup de gratitude et de bonheur d’avoir pu participer à cette émission.
Pour comprendre votre état d’esprit, votre spiritualité, il faut connaître votre histoire. Quel est votre parcours ?
La spiritualité, c’est mon contexte de naissance puisque je suis né avec des parents qui étaient tous deux de fervents disciples Mourides, une confrérie religieuse spirituelle issue du soufi. Maman était issue d’une famille artistique, elle était chanteuse comme mon grand-père. Quand elle a rencontré mon père, elle a un peu délaissé cette carrière pour une vie plus sédentaire, plus religieuse et plus familiale. Par ce reformatage de la pensée, mes parents n’ont pas toujours été très favorables à ce que je réalise une carrière musicale. Donc, j’ai fait des études de droit à Aix-en-Provence et à Paris. À 25 ans, j’ai pris une année sabbatique et je me suis mis à chanter.
À quel moment la musique est-elle devenue un métier à part entière ?
Au bout de trois mois, j’ai été repéré dans un bar à Cannes pour chanter pour Monsieur Bernard Arnault, patron de LVMH, à Courchevel à Cheval Blanc un 17 décembre, pour les fêtes de Noël. À partir de là, le groupe m’a signé pour plusieurs années pour tous les événements de Dior et de Fendi via l’agence artistique Salt in Bank présidé par Bruno Cheno que je remercie pour ce beau chapitre de mon parcours. Cela a été un début de carrière dans l’animation de fêtes jet-set et mondaines en Europe.
« Je n’étais pas conscient des raisons pour lesquelles je chantais »
Gabriel Nabi Gueye
Qu’est-ce qui vous a amené à vous installer au Sénégal en 2021 ?
J’ai vécu le syndrome du retour. J’étais épuisé par une carrière qui se résumait à l’animation de soirées et qui avait engendré une forme de frustration intellectuelle et artistique. Je n’étais pas conscient des raisons pour lesquelles je chantais. J’avais besoin d’une qualité d’écoute. Malgré cette énergie qui est la mienne, j’aspirais à un échange intellectuel et spirituel avec mon public.
Avez-vous eu la volonté de créer vos propres chansons et d’avoir vos propres concerts ?
C’est ce que j’ai mis du temps à décider parce que j’ai toujours pensé que cela viendrait naturellement. Je croyais au scénario de : « On va te rencontrer, on va te découvrir et on va te prendre en charge ». Mais ce rendez-vous n’est jamais arrivé alors j’ai continué et le temps est passé vite. J’ai enchaîné les années, les contrats, les hivers à Courchevel et les étés à Saint-Tropez ou à Mykonos. Je me suis laissé embarquer par ce mode de vie. En 2021, j’ai ressenti ce besoin de simplicité et de repos dans un contexte beaucoup plus désurbanisé.
À quoi ressemble votre vie au Sénégal ?
Je viens m’y ressourcer. C’est un peu devenu mon ancre, mon temple. J’étudie dans un daara, une école, près de Diourbel, le village natal de mes parents. C’est un endroit au milieu d’une steppe aride où il n’y a pas électricité et juste un point d’eau. J’y pratique la lecture de textes anciens religieux et philosophiques. Par ce biais-là, je renforce ma foi, ma culture générale et les choses qui sont censées me réconcilier avec ma génération et l’idée de vivre dans ce monde.
« Mes amis m’ont dit que si Florent Pagny venait à se retourner, il fallait aller dans son équipe »
Gabriel Nabi Gueye
Comment vous êtes-vous senti dans le processus de « The Voice » ?
Très bien dans la mesure où j’ai senti une bienveillance sincère de toute l’équipe de production. Pendant les auditions à l’aveugle, à 20 secondes de la fin, j’étais convaincu que personne n’allait se retourner. J’ai pensé à mes amis qui s’étaient déplacés, j’ai eu un sentiment de tristesse pour eux. Mais j’avais la satisfaction d’être resté fidèle à ce que je suis, d’avoir proposé quelque chose d’authentique. J’ai très vite compris que, quoi qu’il arrive, j’aurai très peu de regrets.
Qu’avez-vous pensé de la réaction des coachs ?
J’ai un proverbe qui dit : « La différence entre la réalité et la fiction, c’est que la réalité est vérifiable ». Je ne comprends pas toujours ce qui peut se cacher dans la psychique des gens. Je pars du principe qu’il y a chez eux quelque chose qui est de l’ordre du mystère. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils n’aiment pas ou parce qu’ils ne comprennent pas tout de suite. Ce qu’ils entendent pose à réfléchir et c’est la satisfaction que j’en tire. L’artiste aime cette idée de faire quelque chose qui ne ressemble qu’à lui. J’ai aimé que Florent Pagny dise que ma proposition était particulière.
Pourquoi avoir choisi Florent Pagny plutôt que Patricia Kaas ?
Mes amis m’ont dit que si Florent Pagny venait à se retourner, il fallait aller dans son équipe et je ne voulais pas les décevoir. Je n’ai pas cherché à savoir pourquoi et je l’ai fait. C’est vrai qu’aujourd’hui, quand je prends le temps de m’intéresser au parcours et à la personnalité des différents coachs de « The Voice », je vois que j’ai plus d’affinités avec Patricia Kaas. Toute ma vie, j’ai toujours été plus complice avec les femmes qu’avec les hommes parce qu’il y a cette féminité qui est en moi, qui est palpable. Je suis plus sensible à certaines chansons de Patricia que celles de Florent.
« J’ai été abordé par plusieurs personnes et deux maisons de disques qui ont envie de produire quelques chansons et quelques clips »
Gabriel Nabi Gueye
Comment avez-vous vécu cette étape des groupes aux côtés de Tifany B. et Théo Bellanca ?
J’ai adoré leur personnalité. Théo est un garçon tellement passionné. Il y a quelque chose de très pur chez lui parce qu’on sent qu’il aime sa musique, son chant et son personnage pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la gloire. Tifany est, tout comme moi, plus familière avec certains automatismes du spectacle et avec la notion de carrière. Pour moi, c’était le trio idéal. J’ai adoré la chanson et l’ambiance qu’il y a eues pendant cette étape. Notre complicité était imperturbable.
Auriez-vous accepté si Florent Pagny vous avait proposé de former un trio pour la suite de la compétition comme il l’a fait avec Il Cello ?
Je n’aurais jamais refusé une telle proposition. Je sais qu’une des candidates de Patricia Kaas a refusé et a fini par être éliminée. Je n’ai pas compris ce geste. Il ne faut pas penser que la fusion va vous empêcher d’exister individuellement. Tifany et Théo sont des artistes que j’adore donc j’aurais accepté. C’est dans mon état d’esprit, j’aime l’esprit d’équipe, les orchestrations et la vie en communauté en général.
La diffusion de votre audition à l’aveugle, et son succès sur YouTube, vous a-t-elle apporté de nouvelles opportunités ?
Je viens de terminer un marathon de dates et je me consacre désormais à l’écriture de mes propres chansons. J’ai été très inspiré par tous ces jeunes talents de « The Voice » qui ont déjà des projets. Ils ont trouvé le courage, la force, la confiance et le temps pour créer des choses. J’ai été abordé par plusieurs personnes et deux maisons de disques qui ont envie de produire quelques chansons et quelques clips. C’est en cours de négociation. Je n’ai pas de plan B dans mon existence, je ne fais pas tout ça pour la célébrité mais parce que c’est en moi. J’ai la conviction de vouloir m’épanouir auprès d’un public. Les analyses pertinentes d’un artiste aussi accompli que monsieur Florent Pagny me laissent uniquement concentrés et occupés par la nature très enrichissante, bénéfique et salvatrice de son accompagnement. Un grand merci à lui.
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