Si la première saison de The Last of Us, la série de HBO, a connu en 2023 un beau succès à la fois public et critique, elle était surtout vraiment intéressante dans la manière dont elle contrastait avec la concurrence. Certes on parlait d’une apocalypse zombie, mais on était très loin du nihilisme rentre-dedans de The Walking Dead. Dans la première saison de The Last of Us, l’adaptation de la célébrissime franchise de jeux vidéo par Craig Mazin et Neil Druckmann. La noirceur était partout, tout le temps, mais l’espoir et l’humanité parvenaient à s’infiltrer par les fissures : la série s’accordait de longues digressions pour offrir toute l’épaisseur nécessaire à ses personnages secondaires ; et en son centre, le lien de plus en plus fort entre Joël (Pedro Pascal) et Ellie (Bella Ramsey) réchauffait les cœurs.
C’était de la bonne télévision, qui s’appuyait sur ce qui était considéré comme l’un des jeux vidéo les mieux écrits et les plus sophistiqués sur le plan narratif de son époque. Le deuxième jeu de la franchise avait été un peu moins bien accueilli, et il est donc peut-être logique qu’il en soit de même pour la saison 2 de la série (qui débutera le 14 avril sur Max). Car hélas, The Last of Us rate un peu la marche avec cette nouvelle volée d’épisodes. Certes, suspense et rebondissements y abondent, mais l’essentiel de ce qui faisait sa singularité manque cruellement à l’appel et, trop souvent, on a le sentiment d’être devant un énième survival dystopique. La grâce, les nuances et la texture de la première saison ? Envolées.
Les showrunners n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour répéter la formule de la première saison. Nous faisons la connaissance de nouveaux personnages par le biais de flashbacks et de circonvolutions, comme ce chef de faction à poigne, joué par Jeffrey Wright, ou cette autre, incarnée par une surprenante et remarquable Alanna Ubach. Dans la paix relative du hameau fortifié de Jackson Hole, où Joel et Ellie se sont installés cinq ans après les évènements de la première saison, Ellie a trouvé une amoureuse, Dina (Isabela Merced), et Catherine O’Hara interprète une psy au bout du rouleau au passé tragique (ce qui ne dit pas grand-chose, j’imagine : tout le monde dans la série a un passé tragique). On découvrira aussi une nouvelle adversaire, complexe, jouée par Kaitlyn Dever avec une séduisante intensité.
Tous ces personnages ont leurs moments, et grâce à leur présence, on parvient parfois à toucher du doigt la dimension épique et expansive de la première saison. Las, ces nouveaux épisodes se concentrent essentiellement sur une mission, qui nous emmène dans un Seattle en ruine, où une guerre fait rage entre une milice brutale et une secte religieuse revenue aux vieilles méthodes des arcs et des flèches. La violence ornementale des deux groupes rappelle beaucoup (trop ?) The Walking Dead, une série qui devenait de plus en plus trash au fil des saisons, compensant sa vacuité par une surenchère tripière. Espérons que The Last of Us saura éviter cet écueil, même si cette deuxième saison nous donne de bonnes raisons de nous inquiéter.
Comme une impression de déjà-vu
Bien sûr, c’est une série de zombies, on ne va pas s’étonner d’un certain niveau de violence. Et peut-être après tout que mon problème avec cette nouvelle saison relève simplement d’une grosse fatigue générale face à la fiction post-apocalyptique ; au bout d’un moment, toutes les villes abandonnées dans lesquelles la nature a repris ses droits et tous les chefs de guerre endurcis à coups de traumatismes commencent à se ressembler. Peut-être est-il injuste de reprocher à The Last of Us de respecter les codes de son genre ? Pourtant la première saison parvenait à se distinguer, à être spéciale. Ici, l’effroi d’un militaire indonésien recevant l’ordre de rayer une ville de la carte, ou le pas de deux charmant et mélancolique de Nick Offerman et Murray Bartlett manquent terriblement. Les milices de fanatiques sanguinaires – qui, comme dans The Walking Dead, sont peut-être plus dangereux encore que les zombies – paraissent bien fades et déjà vues en comparaison.
Certains développements se profilent à l’horizon et pourraient s’avérer intéressants dans la saison 3, l’épidémie semble par exemple en train d’évoluer, de la pire des manières. Mais au terme de cette saison 2 – qui s’arrête abruptement sur un écran noir qui frustre plus qu’il ne titille – tout ça paraît encore bien loin. Tout ce que l’on vient de voir a été plutôt divertissant, mais trop rarement aussi émouvant et prenant que la saison inaugurale.
Il est également possible que ces nouveaux épisodes soient entravés par quelque chose que je ne devrais pas spoiler ici – même si les fans du jeu vidéo (ou les fans de lecture de synopsis de jeux vidéo) sauront précisément à quoi je fais référence. Lorsque cette série d’événements arrive, la saison prend un chemin particulièrement éprouvant. Le choc est furieusement efficace, si efficace à vrai dire que la série peine à le dépasser tout au long du reste de la saison. Un épisode flashback joue à fond la carte de l’émotion, comme pour tenter finalement de boucler la boucle ; je soupçonne que sera le plus salué de la saison. Mais il est statique et isolé, il revisite un point irrémédiable du passé de la série. Jamais il ne nous transporte vers un avenir passionnant.
Peut-être que la troisième saison s’en chargera, et que ces épisodes ne sont qu’un simple pont entre les grands récits. Mais huit heures, c’est long pour une simple transition. Et nous rappelle étrangement l’interminable errance de Rick et ses compagnons du Walking Dead pour enfin nous amener quelque part.
Initialement publié par Vanity Fair US