Le premier maillot jaune pour des grosses cuisses ? L’étape d’ouverture du Tour de France 2025, ce samedi, a tout pour favoriser les sprinteurs dans les rues de Lille, si tant est que cela veuille encore dire quelque chose. Sur le Critérium du Dauphiné, Jonas Vingegaard avait attaqué au sommet d’une côte insignifiante avant d’échouer au sprint derrière Tadej Pogacar, probablement pas le scénario imaginé par Jonathan Milan ou Paul Penohët lors du brief du petit déj de la première étape.

Doit-on pour autant craindre une nouvelle prise de pouvoir prématurée du Slovène dans le Nord, sur un profil encore plus plat ? Steve Chainel, consultant à Eurosport, n’y croit pas. « La première semaine lui correspond parfaitement pour faire quelques écarts. Mais de là à le voir endosser le maillot jaune du Tour le premier jour au prix d’une prise de risques pour cette bagarre, de mettre un ou deux coups d’épaule à Wout Van Aert… Non, je ne suis pas certain qu’il le fasse. »

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Mieux vaut ne jamais dire jamais avec Pogi, entré en phase terminale de polyvalence depuis sa première participation à Paris-Roubaix. Les amateurs de symboles noteront qu’il avait également essayé de se mêler au sprint de la première étape de l’UAE Tour pour sa première apparition officielle en 2025, avec une honorable 10e place à la clé. Une nouvelle tendance, peut-être. Après les grimpeurs, les puncheurs, les chasseurs de classiques, les experts du chrono, le Cannibale 2.0 va-t-il s’en prendre aux sprinteurs ?

Milan tient la puissance max de Pogacar… pendant quarante-cinq secondes

La réponse semble évidente, et elle l’est. Non. N-O-N. Déjà, le leader UAE a du respect pour les sprinteurs. Plus jeune, il vibrait devant les sprints de Mark Cavendish, et l’année dernière, il avait eu un mot sympa à leur égard après la 16e étape, la dernière de plaine, les encourageant à ne pas abandonner. Ensuite, même s’il le voulait, il ne pourrait pas les brutaliser. Tadej Pogacar est un phénomène, certes, il sait tout faire sur un vélo, y compris frotter, mais le degré de spécialisation exigé pour rivaliser avec le gratin du sprint est incompatible avec les ambitions du Slovène sur les courses de trois semaines.

« Il lui faudrait prendre quelques kilos, tranche Chainel. Parce que le pire, c’est que l’explosivité, il l’a ! Il a des bonnes fibres rapides, comme on dit. » Ses attaques les plus tranchantes – au-delà de la barre des 1.000 watts – témoignent en effet d’une puissance prodigieuse à l’échelle d’un humain de 66 kg, mais la différence se fait sur le temps long.

Doté d'un bon punch, Tadej Pogacar est capable de dépasser les 1.000 watts sur certaines attaques. Mais les sprinteurs font beaucoup mieux.Doté d’un bon punch, Tadej Pogacar est capable de dépasser les 1.000 watts sur certaines attaques. Mais les sprinteurs font beaucoup mieux. - POOL LucaBettini/LaPresse/Shutte

Vainqueur de la fameuse première étape de l’UAE Tour 2025, Jonathan Milan a réussi à développer ces même 1.000 watts (1.040, pour être précis) pendant quarante-cinq secondes, avec une pointe à 1.520, pour régler les autres dragsters du peloton. Pas franchement le meilleur sprinteur du peloton, Bryan Coquard et ses 1,60 m arrive lui aussi à développer une puissance supérieure : « 1.350 watts sur cinq secondes », nous confie le sprinteur de la Cofidis.

« Sur un sprint sec, c’est impossible »

Moralité, on ne blague pas avec les sprinteurs, et ce n’est pas l’ancien spécialiste français Jean-Patrick Nazon qui dira l’inverse : « Il faut être honnête, sur un sprint sec, c’est impossible. Faire des sprints dans les roues, chercher une deuxième place par l’aspiration, c’est une chose. Mais se dégager tout seul, prendre la barre et prendre le vent à 200 m de la ligne, aller gagner à 70 à l’heure et sortir 1600-1800 watts, ce n’est pas quelque chose dont est capable Pogacar. Il ne peut pas sortir des Milan, des mecs comme ça, de sa roue. C’est impossible. »

Ce n’est donc pas pour rien que le triple-vainqueur du Tour de France butte sur une classique comme Milan-San Remo, où il s’évertue par ailleurs à fausser compagnie aux F1 style Jasper Philipsen pour augmenter ses chances de succès. Mais être incapable de battre les sprinteurs à la régulière n’exclut pas de les emmerder autrement sur leur territoire. Au point de voir Tadej Pogacar venir se greffer à la lutte du maillot vert de meilleur sprinteur.

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Une prouesse qui serait possible notamment en raison du nouveau barême de points accordé sur les arrivées pour puncheur, où Pogi pourrait rapporter le gros lot. « Le maillot vert pour lui, c’est totalement possible sur un Tour comme cette année, supeur punchy, super explosif, même si sur les sprints purs, il ne pourra pas se mêler à la lutte », assure Bryan Coquard.

Le maillot vert vraiment possible pour Pogi ?

Sur le papier, seulement cinq étapes, dont cette première à Lille, semblent être réservées aux purs sprinteurs. Et encore, il faudra parfois encore peut-être batailler encore plus que prévu si le seigneur slovène décide de faire du maillot vert un objectif. « Sur le Tour, au lendemain d’une étape de montagne, vous ne sortez pas le même sprint que si vous êtes frais, explique Nazon. Donc si c’est une arrivée en faux plat montant ou autre, que Pogacar sort à 500 mètres, que ça se regarde, que les équipes mettent du temps à réagir, c’est possible. »

La forme du moment est toujours importante, surtout sur une course de trois semaines. Exemple : Pogi a beau être largement inférieur à un Evenepoel sur contre-la-montre, il lui avait mis une minute dans le nez sur le chrono final du Tour 2024. Pareil pour le sprint.

Le Slovène a eu beau penser que Van der Poel était « le plus rapide du groupe de tête » à deux bornes de l’arrivée sur la première étape du Dauphiné, il a mieux encaissé la fin de course mouvementée et fini par lever les bras sur la ligne. Les sprinteurs ont plus de marge que quiconque dans le peloton, mais personne ne peut se permettre le luxe du sommeil quand le champion du monde rôde dans les parages.