« Nous avons créé une Europe pour les consommateurs et pour lutter contre l’inflation, mais vingt ans après le marché unique, nous n’avons aucun véritable champion européen ». Le constat de Patrick Pouyanné à la question posée « Comment restaurer la compétitivité européenne » a le mérite d’être clair. Un constat clair qu’il a manifestement à cœur d’étayer. « Regardez l’exemple des opérateurs téléphoniques, a lancé le PDG de TotalEnergies samedi, lors de la dernière journée des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, les consommateurs européens sont très contents, il y a des forfaits qui ne sont pas chers, mais nous avons quatre opérateurs minimum par pays, plus de 80 au total et aucun n’a atteint la taille critique ».
La conclusion est la même, selon lui, dans bien d’autres secteurs que les télécoms, comme par exemple le digital, l’énergie, ou encore les capitaux. « Nous nous targuons d’avoir un marché de 400 millions de consommateurs, mais il n’existe pas. Aujourd’hui nous devons raisonner au niveau européen, il faut revenir à la philosophie des débuts, au moment de la CECA. Nous ne pouvons pas raisonner par pays face aux États-Unis ou à la Chine. »
« Notre modèle d’unanimité ne peut pas être un socle »
Une Europe qui ne peut pas fonctionner efficacement dans sa forme actuelle selon lui, « Aujourd’hui, oui, être 27 c’est trop compliqué, il faut avancer par des coalitions de bonne volonté, notre modèle d’unanimité ne peut pas être un socle pour améliorer la compétitivité européenne. Nous devons éviter que notre Europe se transforme en parc de loisirs, c’est ça l’enjeu ». Davantage de volonté politique et une meilleure gouvernance européenne donc, un constat largement partagé par son voisin sur scène, Benoît Bazin, PDG de Saint-Gobain.
« Un des angles morts du rapport Draghi a été ce sujet de capacité de l’Europe a décidé rapidement, estime Benoît Bazin. Nous ne pouvons pas aujourd’hui nous permettre d’aller lentement ou d’arriver à un consensus mou. Autre angle mort du rapport, les filières industrielles existantes : le rapport se concentre beaucoup sur les technologies de pointe mais les politiques publiques ne doivent pas oublier l’automobile, la chimie, la métallurgie pour l’Europe de demain. Or le bâtiment est par exemple une source importante de gain d’efficacité énergétique, on peut beaucoup gagner dans ce secteur ».
Europe de l’énergie et Europe des capitaux
À l’Europe de l’énergie, où la stratégie serait pensée à l’échelle du continent, le nucléaire en France et les éoliennes en Allemagne par exemple, a succédé celle des capitaux, voulue et vantée par Thomas Burberl. « L’Europe a commencé à se réveiller mais pas à se lever, on ne peut pas encore attendre dix ans », a prévenu le directeur général d’Axa. Et ce n’est pas un problème de moyens selon lui, mais de culture. « L’argent est là, en Europe, dans les banques, les compagnies d’assurance, mais il faut une meilleure distribution. Aujourd’hui l’argent est largement investi dans les gouvernements. Si l’on veut de l’argent pour la croissance, il faut que les États travaillent leur discipline concernant leurs finances publiques.»
Accroître la culture du risque et simplifier le marché européen font partie de la solution selon Thomas Burberl. « Aujourd’hui nous avons 27 marchés de capitaux en Europe, cette diversité n’incite pas les gens à investir. Là encore nous avons besoin de volonté politique ». Message porté aussi par Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, « oui il faut créer des alliances, porter cette vision, assumons-le et soyons courageux collectivement. »