C’est un « dossier emblématique », l’illustration « d’un clivage entre écologie et économie », résume dans son réquisitoire le procureur Michel Sastre. Ce vendredi 4 juillet, au tribunal correctionnel de Marseille, se rejouait l’histoire des chouettes chevêches d’Athéna, un volatile protégé et en voie de disparition dans le département, qui nichaient et vivaient dans une vieille bastide du technopôle de Château-Gombert (13e).

Le dirigeant de la société immobilière les Lodge du Château est accusé de destruction illicite d’habitat d’espèce protégée, en l’occurrence celle d’un bâtiment en août 2023 pour lancer la construction d’un projet immobilier de neuf villas. Le bureau d’études Ecotonia est, lui, inquiété pour complicité dans cette affaire d’atteinte à la biodiversité. C’est la première fois qu’un bureau d’études est poursuivi pour de tels faits, et l’affaire pourrait ainsi faire jurisprudence dans le milieu de la justice environnementale.

Plusieurs associations de préservation de la faune et de la flore, dont France nature environnement (FNE) 13, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) locale et nationale avaient porté plainte après avoir alerté sur la présence de cette petite chouette à l’aspect touffu dans les environnements de la bastide, et dans le vieil édifice inhabité depuis longtemps.

15 000 euros de dommages pour préjudice environnementaux

Des données de l’Office français de la biodiversité (OFB) attestent également du passage des chouettes dans cette bâtisse identifiée comme lieu de ponte et de repos. « Quand un lieu de vie de cette espèce est détruit, les chouettes n’ont aucune chance de s’installer ailleurs et leur vie est en péril », a rappelé Me Victoria, l’avocate de la LPO qui demande aux prévenus 15 000 euros pour réparer les préjudices environnementaux.

Le bureau d’études Ecotonia, payé par le promoteur immobilier, a produit plusieurs rapports entre 2021 et 2022 pour faire un diagnostic écologique et identifier les espèces présentes sur la bastide à détruire. Certains des écrits mentionnent la présence possible, mais pas la nidification, d’autres ne mentionnent pas du tout l’existence de la chouette. Ce dont se défend le responsable du bureau qui déclare avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour informer le promoteur. Il est également accusé de ne pas avoir insisté sur la nécessité de demander une dérogation pour ce projet de construction, obligatoire en cas de présence d’une espèce protégée, afin de mettre en place des mesures de compensation, comme des nichoirs ou de la végétation.

Pendant les débats, parties civiles et avocats de la défense se sont écharpés sur le contenu de ces rapports pour déterminer ou non si le bureau d’études avait suffisamment alerté le promoteur. « Oui », tranche le procureur, « il savait qu’il y avait des chouettes, les multiples interpellations des associations en attestent », ajoute Michel Sastre. Contre le Lodge du Château, il a requis 30 000 euros et propose l’interdiction pour un an d’activités en lien avec la promotion. Il a également demandé 15 000 euros d’amende contre le bureau Ecotonia. Le délibéré ne sera rendu que le 5 septembre à 8 h 30 mais les associations espèrent déjà que le jugement pourra faire date.