La scène glace le sang. Plus encore quand la victime de l’agression n’est autre que votre enfant.

Cette scène, Sarah (1) ne la connaît que trop bien. Elle a du mal à la regarder, plus encore à écouter. Cette mère de famille se force pourtant à commenter la vidéo transmise par un témoin. Elle nous explique comment son fils Sofiene (1), 20 ans, s’est fait tabasser et dépouiller par un groupe d’agresseurs. Cela s’est passé le 31 mai dernier, dans son quartier de La Madeleine. Double peine: depuis son dépôt de plainte, Sofiene et les siens vivent « un calvaire », rythmé par les menaces et les intimidations.

« On vit dans la peur. Mais on veut qu’elle change de camp », martèle Sarah, déterminée. Plus question de se taire. Elle veut briser l’omerta. « Ta famille et toi, vous allez morfler », aurait lancé un agresseur à son fils. Traumatisé, terrorisé, le jeune boulanger n’a pu reprendre son travail et vit reclus depuis. Il a révélé à sa mère avoir été racketté durant des années. Alors Sarah s’est révoltée: « Tu ne peux pas vivre ainsi. On ne peut pas laisser passer ça! »


Le corps de la jeune victime couvert d’ecchymoses et de contusions.
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« Ils l’ont massacré à trois »

L’agression survient un samedi soir, au moment où le PSG est sacré champion d’Europe de foot. Sofiene est sorti voir le match dans un commerce de son quartier. Un peu plus tôt, des individus auraient tenté de le contacter via Snapchat pour lui donner rendez-vous. « Il les a bloqués. Ça ne leur a pas plu », témoigne Sarah au nom de son fils.

Ces mêmes individus l’auraient rejoint à la fin du match. « Ils sont rentrés à deux. Ils l’ont attrapé par la nuque pour le faire sortir. Un troisième attendait dehors. Et là, ils l’ont massacré à trois, frémit Sarah. Il a essayé de riposter. Mais ils l’ont flanqué à terre. Ils l’ont roué de coups. Ils lui ont tout pris: son portefeuille, sa veste, ses espèces, sa carte d’identité, sa carte Vitale, ses clés… »

L’une des filles de Sarah l’alerte, en pleurs. Elle quitte précipitamment son travail. Elle retrouve son fils devant le commerce qui diffusait le match. « Ça a été violent », lui confie-t-il. Un coup de pied lui aurait atteint la nuque, alors qu’il était au sol. Son corps long et maigre est couvert d’ecchymoses et de contusions, au niveau de l’épaule, du bras, du ventre et des jambes.

Sarah conduit elle-même son fils aux urgences. Sofiene quitte l’hôpital à l’aube, encore « ultra choqué ».

Il dépose plainte dans la journée. En parallèle, sa mère fait appel à un psychiatre. Son fils fait des cauchemars, perd le sommeil et l’appétit. Il découvre que sa photo circule sur Snapchat, avec ses nom, prénom et adresse.


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Des menaces arrivent sur son téléphone. Sofiene change de numéro. « Mais maintenant, ils s’en prennent à mon grand », se désole Sarah. Le week-end dernier, de sortie dans le Vieux-Nice, son aîné aurait été menacé par des jeunes de La Madeleine. Aujourd’hui, Sarah doit « commander des Uber et des Bolt pour envoyer [ses] enfants à leurs rendez-vous, alors qu’ils ont un abonnement de bus. J’en suis là! »

Sarah change la serrure, installe des caméras. Elle s’efforce de « garder la force pour [ses] enfants, pour qu’ils ne baissent pas les bras », témoigne cette mère courage. Elle s’est résolue à dénoncer cette situation publiquement, via nos colonnes. « Je ne me tairai pas! »

À la plainte initiale, Sarah a ajouté une dénonciation des menaces. Son avocate, Me Emmanuel Vial, décrit « une famille tout à fait honnête, respectable, qui travaille. Ils sont un peu désemparés face à cette agression, et attendent une réponse à la hauteur. » Sollicitée, la police nationale assure que l’affaire est « bien prise en compte ». Elle est entre les mains de l’unité des atteintes aux biens du service local de police judiciaire (SLPJ).

Mais pour les victimes, le temps judiciaire est toujours long, trop long. Sofiene s’est coupé des réseaux sociaux, songe à partir. Les deux frères menacés « vivent enfermés. Ils n’ont plus de vie, tandis que les autres profitent de la leur », dénonce leur sœur Kenza (1). Pour Sarah, plus question de vivre sous la menace. « Ça veut dire qu’il faut se taire? Je ne suis pas d’accord. Je dis non. »

1. Leurs prénoms ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.