À Strasbourg, il existe un lieu dédié à la protection des plantes, une clinique où officie Patrick, retraité de 68 ans. Niché en plein cœur du Neudorf, les portes de l’immense écrin de verdure de ce passionné sont souvent ouvertes pour venir en aide aux jardiniers en herbe. Rencontre.

En passant devant les portes de son jardin, impossible de ne pas ralentir le pas pour contempler cette mini-jungle urbaine qui nous fait face. Impossible non plus de ne pas apercevoir Patrick, souvent affairé autour de ses plantes 

Niché au cœur du Neudorf, à deux pas du stade de la Meinau, ce havre de paix détonne avec les alentours. « J’ai cette chance d’avoir un jardin au Neudorf, c’est quand même rare. Ici, on se retrouve dans un lieu qui fait environ 350 m2 », détaille le retraité, fier de son joyau strasbourgeois.

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© Jules Scheuer / Pokaa

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Allô ? SOS Plantes à votre écoute

À 68 ans, Patrick n’est pas seulement un passionné de plantes. Cet ancien rééducateur et maître-nageur propose chez lui un service un peu particulier : un service d’urgence nommé SOS Plantes. « C’est quelque chose que j’ai créé, ça m’amuse. Le principe, c’est que les gens qui ont des problèmes avec leurs plantes me les ramènent et je les soigne gratuitement », explique-t-il.

« Je trouve ça bien que les gens tentent de sauver et de conserver leurs plantes plutôt que d’en acheter une et de la jeter dès qu’elle a un petit souci. » Un panneau, installé devant sa maison quasiment sept jours sur sept, invite à venir lui rendre visite. « Si la porte est ouverte, vous pouvez venir me voir. »

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Ce jour-là, c’est Hélène, orthodontiste de 30 ans, qui vient demander de l’aide à Patrick, avec un problème des plus urgents. « J’ai reçu un olivier il y a deux semaines et assez rapidement il a perdu ses feuilles. Il faut que je le sauve avant qu’il ne meure complètement. Je n’ai pas beaucoup de plantes à la maison mais celle-là, je tiens à la sauver. »

Pour trouver cette adresse, la trentenaire n’a pas eu à chercher très loin, la réputation de Dr. Plantes le précédant. « Je voulais d’abord l’emmener dans une pépinière et en cherchant sur le groupe Facebook du Neudorf, j’ai eu écho de Patrick. Je trouve ça hyper sympa comme principe et ça correspond bien au Neudorf. Je trouve que ça va bien avec le quartier, qui est dans l’entraide. »

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« Les plantes ne savent pas nager »

Après la consultation dans son cabinet d’extérieur, le verdict est sans appel.L’olivier est en train de se noyer. Un « problème typique » selon l’expert. « 95 % des gens n’ont pas encore compris, parce qu’on ne leur a jamais dit, que les plantes ne savent pas nager », ironise-t-il.

« Quand vous achetez une plante, vous l’achetez pour les yeux. Et vous vous dites : je vais mettre un beau cache-pot, c’est plus joli. Vous commencez à l’arroser et à un moment, la plante meurt. Le problème, 9 fois sur 10, c’est lorsque les plantes sont arrosées dans le cache-pot. La terre peut sécher à la surface, on remet un peu d’eau, sauf que ça ne s’évacue pas en bas et c’est tout le temps mouillé ! Donc c’est foutu, la plante est noyée. »

Un problème tellement récurrent que Patrick en a fait un t-shirt : « Les plantes ne savent pas nager », son mantra.

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SOS Plantes-28 Patrick et Hélène. © Jules Scheuer / Pokaa

Cet amour pour les plantes a commencé assez jeune chez celui qui a soufflé cette année ses 68 bougies. « C’est une passion que j’ai depuis très longtemps. Je me souviens que ma mère avait un balcon, un vrai paradis. Je suppose que ça m’a donné des idées. Ma fille est devenue ingénieure en horticulture. Les chiens ne font pas des chats », plaisante-t-il.

Quand il aménage son jardin au Neudorf, les choses se mettent doucement en place. « Dans un premier temps, j’ai fait comme tout le monde, j’ai d’abord mis de la pelouse partout. Aujourd’hui, j’ai environ 350 plantes dans le jardin et plus de 400 cactus et plantes grasses ». 

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Puis avec le Covid, lui vient une idée. « Les passants regardaient mon jardin comme si c’était celui d’Éden. Ils étaient enfermés tellement longtemps qu’ils avaient envie de sortir. Et quand ils se baladaient, ils passaient par là. J’ai ouvert la porte, j’ai marqué sur une pancarte : Rentrez, visitez, c’est gratuit. »

Une passion partagée qui rend Patrick heureux

Les minutes dans le jardin de Patrick s’égrainent et la discussion se prolonge. Difficile d’arrêter le passionné, une fois qu’il est lancé dans la visite guidée de son luxuriant espace vert. Il s’arrête net devant l’une de ses espèces fétiches pour partager une énième anecdote.

« J’ai une plante extraordinaire qui s’appelle la Kalanchoe daigremontiana. C’est une plante qui se reproduit pratiquement toute seule. J’ai pris l’habitude d’en mettre en pot et de les donner aux gamins qui passent. Ça leur permet d’avoir une relation avec la nature, d’avoir leur propre plante. Quand ils repassent deux, trois mois après, ils me disent que ça a fonctionné. Il est là tout le plaisir. D’avoir des moments d’échanges assez extraordinaires. Quand je vois ça, je suis heureux. »

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C’est ça aussi, Patrick. C’est ce partage d’une passion pour la flore : du tourisme pour explorer la végétation aux quatre coins de la France avec sa compagne, aux actions en faveur des jeunes du Foyer de la jeunesse Charles-Frey pour leur faire découvrir les joies du jardinage, jusqu’aux conseils avisés donnés à celles et ceux qui souhaiteraient s’arrêter cinq minutes sur le perron de sa porte. 

Aujourd’hui, Patrick ne se verrait plus arrêter de partager sa passion. « Je ne m’ennuie pas réellement, mais c’est vrai que si je n’avais pas les gens, ça ferait peut-être long d’être dans le jardin toute la journée. Alors que là, ça rentre, ça sort, ça bouge ! »

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Les passant(e)s, plutôt les patient(e)s du Dr. Plantes, sont souvent impressionné(e)s par ses sauvetages miraculeux. « En réalité, ils sont surpris qu’on puisse réparer facilement des plantes. » Tâches sur les feuilles, plantes décrépies, feuilles qui tombent… Dr Plantes s’occupe de vous à la moindre urgence.

Mais attention, il avertit, il n’intervient que dans la limite de ses connaissances et de ses compétences. Et quand il sèche, il peut compter sur son encyclopédie. « Quand je ne sais pas, je cherche. J’ai de la littérature chez moi, mais j’ai surtout ma Bible des plantes. C’est un livre que ma mère avait acheté, il y a 40 ou 50 ans. Quand je ne trouve pas mes réponses, c’est là-dedans que je vais les chercher. »

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Et forcément, avec un jardin comme celui-là, une question demeure. Quelle plante est la plus exotique parmi tout ce parterre ? Là encore, Patrick n’hésite pas, comme s’il connaissait par coeur chaque recoin de la végétation qui l’entoure. « J’ai un oranger du Mexique. C’est marrant et surtout, ça sent très bon. Il fait des fleurs deux fois dans l’année. Depuis ma chambre, quand j’ouvre la fenêtre, je sens leur odeur. C’est agréable. » 

Il est maintenant l’heure de repartir après plus d’une heure passée dans ce dédale végétalisé, avec toutes les cartes en main pour ne plus faire mourir une seule plante. De toute façon, en cas d’urgence, Patrick sera là pour une mission sauvetage.

Journaliste : Jules Scheuer

SOS Plantes

Quoi ?
Lieu de sauvetage pour plantes

où ?
24 rue de la Charité, à Strasbourg

Plus d’infos ?

Tél : 0619600740