L’Ordre des architectes de Corse a accueilli, fin juin, quatorze nouveaux membres. Jeunes ou moins jeunes, ces architectes ont fait leur entrée dans la profession en prêtant serment dans l’auditorium de Pigna. L’Ordre avait choisi cette année le village de Balagne pour y organiser sa journée annuelle et accueillir les nouveaux venus : « La prestation de serment, c’est vraiment l’entrée dans la profession, c’est d’en porter le titre. Car cela correspond à l’entrée dans l’Ordre des architectes. Cette année, 14 prestations de serment, c’est un peu plus que l’année dernière. Nous avons un peu plus de 300 architectes inscrits à l’Ordre en Corse. » commente Sylvia Ghipponi, la présidente du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Corse.

Parmi ceux qui ont prêté serment, Amélia Gazzo, jeune architecte originaire de Balagne : « C’est un moment très émouvant. On sent qu’on rentre dans le groupe, dans une grande famille. On sent qu’on va être épaulés et accompagnés. Ça marque le début de notre exercice au service de l’intérêt public. » À ses côtés, Manon Coullet, déjà dans la profession depuis une dizaine d’années : « C’est un accomplissement. Ça veut dire que moi aussi, je participe. Plus il y a d’inscrits, plus c’est valorisant pour la profession. »

Face à la crise de la construction, une profession qui mise sur la diversification
La profession d’architecte cherche justement à mettre en avant ses compétences face aux grands défis qui se posent à elle, en particulier la crise de la construction : « La situation de la profession est difficile. Nous avons moins de constructions neuves. Nous travaillons surtout sur de la rénovation. Ce sont des projets plus longs, plus compliqués. Nous avons les mêmes honoraires pour un temps de travail multiplié par trois ou quatre. Il faudrait revoir nos calculs d’honoraires, plutôt au forfait que sur un pourcentage. Sur la rémunération, en deux ans, nous avons perdu un cinquième de revenu chez les architectes libéraux. Nous sommes passés de 55 000 euros à 45 000 euros. 10 000 euros de perte en deux ans, c’est inquiétant. Il y a une souffrance au niveau de la profession. » explique Sylvia Ghipponi.

Pour autant, les leviers existent, et font partie des questions abordées par les dix groupes de travail mis en place par l’Ordre des architectes de Corse. Sa présidente précise : « On va construire moins, nous le savons, mais cela ne veut pas dire qu’il y aura moins de travail. Nous n’avons pas assez d’architectes dans la rénovation, dans le patrimoine, dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage, ni dans la rédaction des PLU. Ce sont des domaines qu’il faut davantage investir. Il faut arriver à se diversifier et revoir notre façon de travailler. »

Des arguments repris par la marraine de la promotion, l’architecte Alia Bengana, qui enseigne également à l’École polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse : « Ce n’est pas parce que nous allons moins construire et faire moins de grands bâtiments que c’est moins désirable. Il y a plein de choses à inventer dans la rénovation, l’extension, la surélévation. » L’architecte souhaite surtout envoyer un message positif aux nouveaux venus : « Ce métier fait encore sens. Aujourd’hui, par exemple, on a de plus en plus d’architectes qui s’impliquent dans la fabrication de matériaux de construction. Il faut également prendre parti. On a des architectes qui donnent des formations et font du transfert de compétences. »

L’utilisation de matériaux locaux à l’ordre du jour des architectes
La journée annuelle organisée par l’Ordre des architectes de Corse est l’occasion d’évoquer de nombreux sujets liés à la construction. Et parmi eux, l’utilisation de matériaux locaux. Un sujet qui revient régulièrement dans une société corse en quête d’autonomie et de développement. L’architecte Amélia Gazzo prône une vision de l’architecture utilisant au maximum les ressources locales, comme la pierre ou encore le bois, récupérés au plus près des sites de construction. Elle y voit plusieurs atouts : un plus faible bilan carbone pour le transport des matériaux, un ancrage culturel et patrimonial, mais aussi un intérêt économique : « Les filières locales ne sont pas encore pleinement lancées. Cela nous restreint dans nos choix et nos possibilités. Il faut que les architectes s’engagent pour les développer. »

Et ce sera l’un des chantiers de la rentrée pour l’Ordre, explique sa présidente, Sylvia Ghipponi, qui va mener un travail sur la pierre : « Il s’agit de mettre autour de la table les exploitants de carrières, les associations de défense de l’environnement, pour trouver un équilibre. Être défenseur de l’environnement, ce n’est pas bloquer l’utilisation de matériaux en Corse pour aller ensuite chercher des pierres en Argentine ou en Chine, juste pour être tranquille chez soi, sans qu’une économie locale se développe. » La présidente de l’Ordre plaide pour « un équilibre sur la notion d’échelle. Ne pas faire de grosses carrières avec un impact sur le paysage et le voisinage, mais plutôt de petites unités de prélèvement locales. »
À l’automne prochain, l’Ordre des architectes de Corse va également se pencher sur l’utilisation de la terre crue.