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Sophie Pams

Publié le

6 juil. 2025 à 6h04

Resto Halle, Couleur Café Chamas Tacos…. Ces derniers mois, les fermetures administratives de restaurants pour mesure d’hygiène se multiplient à Lyon et ses alentours. Cadavres de souris, présence de blattes, traces de déjections de rongeurs ou encore denrées périmées : les raisons invoquées par les autorités font froid dans le dos.
En 2024, pas moins de 2 744 inspections sanitaires ont été menées dans le département du Rhône.
Chez certains restaurateurs, la grogne monte : Quentin Nicolle, qui avait vu son bouchon lyonnais La Chimère frappé par une fermeture administrative en juillet 2024, dénonçait un contrôle « abusif », tandis que Toto, du restaurant italien Toto Li Vigni, avait jugé sa fermeture temporaire « scandaleuse »
Pour autant, la préfecture du Rhône juge le renforcement des contrôles nécessaire face à une « situation sanitaire préoccupante ». Choix des restaurants contrôlés, quotas, situation globale…. Mathias Tinchant, directeur départemental adjoint de la protection des populations (DDPP) du Rhône, fait le point auprès d’actu Lyon.

Cinq fois plus de fermetures

Actu : Le nombre de restaurants frappés par une fermeture administrative dans le Rhône a fortement augmenté en 2024. Est-ce la conséquence d’une hausse des contrôles ou d’une dégradation de la situation sanitaire ?

Mathias Tinchant : L’État avait pour objectif d’augmenter la pression de contrôle, avec une délégation auprès du secteur privé en 2024. Depuis, la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) établit une liste des établissements à contrôler, auprès des délégataires, avec une grille d’inspection. Nous continuons aussi d’en faire en parallèle, avec cette même grille.

Dans le Rhône, la pression de contrôle a été multipliée par 5,4. En 2024, on a 5,5 fois plus de mises en demeure et 5,5 fois plus d’arrêtés de fermeture que l’année précédente. On est sur un chiffre directement lié à la pression de contrôle, on ne peut pas dire qu’il y ait une dégradation de la situation sanitaire, au contraire, vu qu’on a fait plus de contrôles, on aurait pu débusquer d’autres choses.

Avez-vous des quotas à respecter sur le nombre de contrôles ou de sanctions ?

MT : Le seul quota que nous ayons, c’est sur le nombre d’inspections. Nous analysons ensuite chaque situation individuelle au regard de la réglementation et décidons d’une sanction éventuelle en fonction. Si nous avons une baisse du nombre de fermetures, ce sera au contraire très bien, cela voudra dire que la situation s’est améliorée.

Dans le Rhône, tous les chiffres en hausse en 2024

Depuis la délégation des contrôles sanitaires à un prestataire privé, le bureau Véritas, le nombre d’inspections a fortement augmenté dans le département du Rhône. Ce premier bilan, communiqué en mars 2025 par la préfecture du Rhône, fait état en 2024 de 2 744 inspections auprès de restaurateurs, boulangers, bouchers, supermarchés, épiceries et étals de marchés. Les trois années précédentes, environ 500 contrôles avaient été opérés en moyenne. Cette intensification a abouti à :
– 749 mises en demeure (x 5,5)
– 145 fermetures administratives (x 5,5) dont 92 de restaurants
– 1 417 rappels réglementaires

À noter que les établissements fermés peuvent rouvrir dès qu’ils se sont mis en conformité. Selon la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), seuls 2 % des restaurants frappés par un arrêté de fermeture le restent définitivement.

Le restaurant Toto Li Vigni situé dans le 3e arrondissement dans le quartier de Montchat a été frappé d'une fermeture administrative pour des problèmes d'hygiène.
Le restaurant Toto Li Vigni situé dans le 3e arrondissement dans le quartier de Montchat a été frappé d’une fermeture administrative pour des problèmes d’hygiène. Finalement, le propriétaire de ce restaurant a définitivement fermé par la suite. (©Anthony Soudani/ actu Lyon)

Comment choisissez-vous les restaurants que vous contrôlez ?

MT : On procède en priorisation car il y a un nombre conséquent de restaurants et de commerces de bouche, on ne peut pas tous les faire en une année. L’idée, c’est de voir tous les commerces tous les trois, quatre ans. Avant, on les voyait tous les 10, 15 ans.

Notre premier critère : retourner chez ceux qui avaient une « mauvaise note » pour les faire progresser. Ensuite, on complète cette liste avec ceux qui nous ont été signalés, dans le cadre d’une intoxication alimentaire collective, si une personne pense avoir été malade après s’être rendue dans un lieu, ou si elle a vu des rats, des insectes…

Notre point d’entrée principal, c’est le site SignalConso, qui centralise ce type de remarques des clients. Mais c’est seulement un point de départ pour diligenter un contrôle, ça ne veut pas pour autant dire qu’on va prendre un arrêté de fermeture. Les inspecteurs tirent leurs conclusions sur la base de leur constat sur place.

Enfin, on priorise ceux que l’on n’a jamais vus ou qu’on n’a pas vus depuis longtemps, tout en faisant attention à la couverture du département, pour qu’il n’y ait pas de « zone blanche ».

« Tous les restaurants sont à égalité face aux contrôles »

Contrôlez-vous également les restaurants étoilés, comme Paul Bocuse ?

MT : Nous n’avons pas de discriminant chez nous. Nous avons un code d’activité à l’Insee, soit restauration traditionnelle, soit restauration rapide. On ne se base pas sur la notoriété ou l’absence de notoriété d’un restaurant pour aller faire un contrôle, ou au contraire l’en dispenser. Ils sont tous à égalité, sur la base des priorités que j’ai définies juste avant.

À Lyon, nous constatons pas mal de fermetures administratives de kebabs et tacos. Y a-t-il un problème avec ce type d’établissements ?

MT : Kebabs et tacos font partie de la restauration rapide. Pour vous donner une idée, on a 4 500 restaurants traditionnels dans le département du Rhône et 4 750 restaurants dits rapides. Ce n’est pas surprenant que sur les 92 fermetures d’établissements prononcées en 2024, on arrive à une quarantaine de tacos ou kebabs, qui sont les éléments principaux de la restauration rapide.

C’est juste un effet statistique, d’autant que les termes « kebabs » ou « tacos » sont souvent dans le nom des enseignes, par rapport à un restaurant traditionnel qui ne va pas s’appeler « traditionnel », donc ils sont davantage identifiés.

Existe-t-il des secteurs de Lyon où les restaurants sont plus sanctionnés que d’autres ?

MT : Non, nous n’avons pas de cartographie qui permette de dire si certaines zones sont davantage concernées. Ce que l’on peut noter, en termes de risques préalables, c’est que dans certains quartiers historiques de Lyon, les établissements sont dans des murs parfois très anciens, et il est peut-être un peu plus difficile d’adapter la structure de l’établissement aux règles d’hygiène.

Si vous êtes sur une zone d’activité extérieure et que vous construisez votre restaurant de A à Z, avec les normes actuelles, vous partirez normalement avec quelques avantages.

L’hygiène est-elle globalement respectée dans les restaurants lyonnais ?

MT : Si on regarde le nombre d’inspections par rapport au nombre de fermetures, on arrive à un ratio de 5 %. Au niveau de la France entière, on est entre 3 et 4 %. Si on ajoute les mises en demeure aux arrêtés de fermetures administratives, on arrive à 25 % au niveau national, et 32 % dans le Rhône. Donc la situation est un peu moins belle dans le département, mais ça ne se joue pas à grand-chose.

C’est quand même beaucoup… Presque un contrôle sur trois dans le Rhône aboutit à une fermeture ou une mise en demeure qui, j’imagine, implique de réagir vite.

MT : Oui, en effet, pour une mise en demeure, le délai de conformité peut aller d’une semaine s’il y a des mesures d’urgence comme du nettoyage ou de la désinfection, à un ou deux mois pour des réparations qui peuvent demander l’intervention d’un professionnel.

Mais oui, c’est beaucoup. D’où cette délégation de l’État à un prestataire privé pour augmenter le nombre de contrôles. Le gouvernement s’est dit qu’au vu du niveau de non-conformité et de la vitesse à laquelle il pouvait mettre en place les contrôles, il n’arriverait jamais à rattraper le retard et faire évoluer la profession très rapidement.

Entre la pression de contrôle et la visibilité médiatique des fermetures, nous espérons aussi que cela incite chaque professionnel qui n’a pas encore été contrôlé à se mettre en conformité avant que nous arrivions dans son établissement.

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