Le Dr Mikaël Agopiantz était récemment invité à un « Café éthique » à l’hôpital Central par Sarah Mahmoudi, responsable juridique au CHRU de Nancy et vice-présidente du comité d’éthique de l’établissement. Le chef du service d’AMP (Assistance médicale à la procréation) à la maternité du CHRU de Nancy est venu exposer les changements apportés dans sa discipline par la loi de bioéthique promulguée en août 2021. Ces rendez-vous sont des temps d’échange sur les questions médicales, sociétales, voire philosophiques. Ils sont ouverts à tous et pas exclusivement réservés aux professionnels du soin. Cette fois, il a été question de l’évolution des textes juridiques encadrant les pratiques dans les centres d’AMP. La dernière mouture de la loi de bioéthique a apporté de profondes modifications, dont la plus connue est l’AMP pour toutes. Le détail de ces évolutions.

Pour toutes

Une petite révolution. La nouvelle législation a, en effet, entraîné l’extension de l’AMP à toutes les femmes, couples de femmes et femme non-mariées. Autrement dit, le fait de ne pas être en couple n’empêche plus d’être enceinte. Cette fenêtre concerne les « mamans solo ».

Motif médical

Autre point important, le motif médical. Jusqu’à 2021, l’AMP n’était accessible qu’en cas d’infertilité pathologique ou de risque de transmission d’une maladie génétique ou virale grave. Le législateur a balayé ces motifs, les remplaçant par le simple désir de voir aboutir un « projet parental ». « L’idée a été de remettre le projet parental au centre de l’accompagnement médical », a indiqué Mikaël Agopiantz.

Filiation

« Dans le cadre de l’accès aux couples de femmes s’est posée la question de la filiation sur le plan juridique », a exposé le praticien. Cette réflexion a débouché sur la création d’une reconnaissance conjointe anticipée (RCA). La filiation est établie auprès d’un notaire avant d’engager le processus d’AMP. Avant la mise en place de la grossesse, en somme.

Remboursement

Le remboursement par la sécurité sociale de l’AMP est désormais acté jusqu’à 45 ans pour toutes les femmes, contre, auparavant, 43 ans et uniquement pour les couples hétérosexuels. « Les éventuels conjoints ont, eux, jusqu’à 60 ans », fixe la loi. « Aujourd’hui, elle dit qu’on n’a plus accès médicalement à l’AMP, alors qu’avant, elle n’interdisait pas l’AMP après 43 ans, mais fixait un âge de remboursement », a expliqué Mikaël Agopiantz.

Autoconservation

Jadis, on pouvait faire congeler ses gamètes « uniquement s’il y avait un contexte médical mettant en péril la fertilité » : chimiothérapie, maladie altérant la fécondité, report d’un projet de grossesse contraint… À présent, femme (de 29-37 ans) et homme (de 29-45 ans) peuvent conserver leurs gamètes sans raison médicale. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes de stockage. « Le nombre de demandes est largement au-delà de ce qui avait été prévu. Or, les capacités sont limitées », a déclaré Mikaël Agopiantz.

AMP post-mortem

Elle reste impossible. La réutilisation d’embryons ou de spermatozoïdes congelés avant le décès d’un des parents demeure interdite. « Dans le cas d’un souhait de parentalité d’une femme avec des embryons initialement créés avec les spermatozoïdes du mari décédé, il est proposé de recréer des embryons avec des spermatozoïdes de donneur. Les embryons du couple, eux, sont détruits », a détaillé la spécialiste.

Don dirigé

Il est toujours prohibé en France, alors qu’il ne l’est pas en Belgique où, par exemple, « deux femmes peuvent choisir leur donneur ».

L’accès

Les couples d’hommes comme les hommes seuls sont toujours exclus de l’AMP, du fait, notamment, de l’interdiction de la Gestation pour autrui (GPA) en France.

L’accès aux origines ?

Désormais, un enfant né du don peut, à sa majorité, demander à recevoir des informations identifiantes et non-identifiantes sur la ou les personnes qui ont contribué à sa naissance. Il va solliciter la Commission d’Accès pour les Personnes nées d’une AMP aux Données des tiers Donneurs (CAPADD) sur, soit l’identité de son ou ses donneurs, soit uniquement des informations non-identifiantes comme leur motivation, leur état de santé… « Ce n’est pas la levée de l’anonymat qui, elle, interviendrait au début du processus de procréation assistée », a corrigé Mikaël Agopiantz. De plus, il faut que l’enfant ait connaissance de la manière dont il a été conçu. Or, pour l’heure, cette déclaration des parents n’est pas obligatoire en France.

La ROPA

La ROPA (Réception d’ovocytes de la partenaire) désigne une technique d’AMP employée au sein d’un couple de femmes : l’une fournit les ovocytes et l’autre porte l’enfant. Cette méthode n’est toujours pas autorisée en France, malgré un avis favorable du Comité national d’éthique (CCNE).