Bienvenue dans une
nouvelle ère de l’astronomie. Ce n’est pas un télescope spatial, ni
une intelligence artificielle cosmique, mais… une caméra géante.
Installée au cœur de l’observatoire Vera C. Rubin au Chili, cette
machine surpuissante vient de livrer ses premières images,. Et
elles pourraient bien révolutionner notre manière de voir le
cosmos.

Une caméra à couper le
souffle

La caméra du Rubin est tout
simplement la plus grande caméra numérique jamais construite : 3200
mégapixels, soit plus de 300 fois la résolution d’un smartphone
haut de gamme. À chaque cliché, elle capture une portion du ciel
sept fois plus grande que la pleine Lune, avec une finesse telle
qu’on pourrait distinguer une balle de golf à 25
kilomètres.

Et ce n’est que le début.

Car cette caméra ne travaille
pas seule : elle fait partie intégrante du LSST (Legacy Survey of Space and Time), un programme
d’observation du ciel ultra-large et ultra-profond, qui durera dix
ans. Son objectif : photographier l’univers toutes les 40 secondes,
nuit après nuit, pour en suivre les moindres changements.

appareil photo vera rubin
Observatoire Vera C. Rubin et la Voie lactée. Crédit : Rubin
Observatory/NSF/AURA/BLes premières images : un
avant-goût vertigineux

Les toutes premières images
publiées sont déjà impressionnantes. On y voit des nébuleuses
spectaculaires, comme celle de la Lagune ou des Triffides, mais
aussi des amas de galaxies et des millions d’objets cosmiques. Une
vidéo compilée à partir de 1 100 de ces images affiche à elle seule
10 millions de galaxies. Pour les observer une par une à raison
d’une seconde chacune, il faudrait plus de 115 jours sans
interruption.

Et ce n’est qu’une mise en
bouche : cette vidéo ne représente que 0,5 % des galaxies que Rubin
devrait photographier au cours de la décennie à venir. À terme, ce
sont 20 milliards de galaxies qui seront observées, soit un dixième
de tout l’univers visible.

Une machine à sonder le
mystère

Mais Rubin n’est pas qu’un œil
géant : c’est aussi un outil de science fondamentale. Il a été
baptisé en l’honneur de Vera C. Rubin, l’astronome qui a fourni les
premières preuves solides de l’existence de la matière noire, cette
substance invisible qui représenterait environ 85 % de la masse de
l’univers.

L’un des objectifs majeurs du
LSST est justement d’en apprendre plus sur cette matière noire,
mais aussi sur l’énergie noire, encore plus mystérieuse, qui semble
accélérer l’expansion du cosmos. En analysant des milliards de
galaxies, leur répartition et leur mouvement, les scientifiques
espèrent réécrire les règles de la cosmologie moderne.

caméra vera rubin
Cette image combine 678 images distinctes prises par l’observatoire
Vera C. Rubin en un peu plus de sept heures d’observation. On y
voit des nuages ​​de gaz et de poussière qui composent la nébuleuse
Trifide (en haut à droite) et la nébuleuse de la Lagune. Crédit :
Observatoire Vera C. Rubin du NSF-DOEPas que de la science
abstraite

Rubin ne s’intéresse pas
qu’aux confins de l’univers. Son autre super-pouvoir ? Observer
tout ce qui bouge dans notre système solaire. En seulement 10
heures de fonctionnement, l’observatoire a déjà détecté plus de 2
000 astéroïdes. En comparaison, c’est à peu près l’équivalent de ce
que l’on découvre normalement en un ou deux mois.

Et ce n’est qu’un début : il
pourrait en repérer des millions dans les prochaines années, y
compris des objets interstellaires comme ‘Oumuamua ou la comète
Borisov, qui ne font que passer dans notre voisinage.

Un futur à surveiller… au
sens propre

Rubin est prévu pour capturer
des milliers d’images par nuit, et cartographier l’intégralité du
ciel toutes les trois ou quatre nuits. Cela en fera le plus grand
générateur de données astronomiques jamais conçu. Une vraie machine
à découverte, dont les retombées s’annoncent immenses :
exoplanètes, supernovæ, trous noirs en fusion… ou objets encore
inconnus.

Mais tout cela n’est pas
garanti. Car malgré l’intérêt scientifique, l’avenir de
l’observatoire dépend de décisions politiques. Lors de son mandat,
l’administration Trump saluait publiquement Rubin, tout en
proposant des coupes budgétaires pour la National Science
Foundation, qui finance le projet.

Une nouvelle ère
commence

Ce que l’on voit aujourd’hui
n’est qu’un avant-goût. Rubin, avec son œil colossal tourné vers le
ciel, est sur le point d’ouvrir un nouveau chapitre de
l’astronomie. Des milliards d’étoiles, de galaxies et de mystères
attendent d’être révélés — image après image, nuit après nuit.

Et cette fois, nous aurons
tous une place au premier rang.