L’organisme européen de surveillance des droits de la personne a exprimé vendredi son inquiétude quant au recours excessif à la force et aux détentions arbitraires par les autorités serbes pour disperser les manifestations contre le gouvernement populiste du président Aleksandar Vucic.
Michael O’Flaherty, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a déclaré dans un communiqué que «la liberté de réunion et la liberté d’expression sont des droits de la personne fondamentaux consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il est du devoir de la Serbie de les garantir».
«Je suis préoccupé par la situation actuelle des droits de la personne en Serbie, où, malgré les assurances que j’ai reçues des autorités lors de ma visite en avril, un recours excessif à la force est appliqué pour réprimer les manifestations», a déclaré M. O’Flaherty.
Amnestie Internationale et Civil Rights Defenders ont appelé à la retenue et à l’ouverture d’une enquête sur tout recours à la force illégale.
«Les images de la police antiémeute serbe ciblant sans discrimination des manifestants pacifiques rassemblés lors de blocages dans la rue et devant des universités à Belgrade sont alarmantes», ont signalé les organisations de défense des droits de la personne dans un communiqué conjoint vendredi. «Une réponse musclée à une dissidence pacifique est injustifiable.»
Depuis un grand rassemblement le week-end dernier, la police antiémeute a arrêté de nombreux manifestants, dont des étudiants, leurs professeurs et d’autres, qui bloquaient la circulation dans tout le pays pour réclamer des élections législatives anticipées.
La tension est montée d’un cran depuis le rassemblement de dizaines de milliers de personnes à Belgrade, qui s’est terminé par des affrontements entre la police antiémeute et des groupes de manifestants. Les manifestations, qui avaient duré des mois auparavant, s’étaient déroulées dans le calme.
Vendredi, la police est également intervenue pour débloquer la circulation à Belgrade, arrêtant brièvement plusieurs manifestants. Les manifestants rebelles ont de nouveau bloqué les rues vendredi soir.
Des étudiants à l’origine des manifestations ont raconté que la police avait blessé de nombreux manifestants pacifiques ces derniers jours. Selon des témoins, la police antiémeute aurait frappé les manifestants avec des matraques et des boucliers, faisant quatre blessés, dont un qui souffre d’une fracture à la clavicule.
La police a nié tout recours excessif à la force, avertissant que bloquer la circulation était illégal. M. Vucic a qualifié les manifestations en cours de «terrorisme» et de tentative de renverser l’État.
Des niveaux accrus de recours à la force par la police et des arrestations ont eu lieu au cours de la semaine, selon M. O’Flaherty.
«Je suis particulièrement préoccupé par l’arrestation d’enfants, ainsi que par le nombre d’étudiants inculpés d’infractions pénales ou hospitalisés pour blessures», a-t-il soutenu dans un communiqué.
Il a ajouté que «toute interprétation erronée de ce mouvement étudiant, largement pacifique, doit être évitée à tout prix».
La mission de l’Union européenne en Serbie et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont déclaré jeudi qu’ils suivaient la situation de près et ont appelé à la retenue.
Les manifestations persistantes qui ont ébranlé M. Vucic ont commencé en novembre après l’effondrement d’une verrière de gare rénovée dans le nord de la Serbie, faisant 16 morts. De nombreux Serbes imputent cette tragédie à une négligence présumée, alimentée par la corruption, dans les projets d’infrastructures de l’État.
Ses détracteurs affirment que le président serbe est devenu de plus en plus autoritaire depuis son arrivée au pouvoir il y a plus de dix ans, étouffant les libertés démocratiques tout en permettant à la corruption et au crime organisé de prospérer, ce qu’il a toujours nié.
La Serbie souhaite officiellement adhérer à l’UE, mais le gouvernement de M. Vucic a renforcé ses liens avec la Russie et la Chine.