À quasiment 38 ans, Jérémy Mialhe fait courir et transpirer les joueurs du Racing Club Narbonnais depuis une semaine. L’un des artisans du succès et de la montée en Pro D2 de l’US Carcassonne la saison passée a été séduit par le projet orange et noir. Le nouveau responsable de la performance du club va tenter de mener ce groupe vers son plein potentiel physique. Entretien.

Son parcours

« J’aurais 38 ans durant le mois de juillet, je suis originaire de Montpellier. Initialement, j’ai passé un DEJEPS sur le rugby, donc j’ai commencé par l’entraînement. J’étais à Lunel, en Fédérale 1, et c’est là-bas que j’ai commencé à me spécialiser dans la préparation physique. Ça a été un peu une révélation et j’ai changé de voie en ayant l’opportunité de travailler dans le monde professionnel, d’abord par le handball, à Montpellier, puis le ski, en équipe de France masculine, durant six ans, avant d’arriver à Carcassonne en 2020, et de signer au Racing, cet été. »

Son arrivée à Narbonne

« J’étais à la fin d’un cycle à Carcassonne, j’étais un petit peu usé par le système. Il était temps pour moi de changer et je ne voulais pas faire la saison de trop. En plus, j’avais un autre objectif, c’était de ramener le club où je l’ai trouvé. Donc en remontant en Pro D2, et une fois qu’il y a eu cette validation de l’objectif, j’ai eu un processus de réflexion qui m’a amené à vouloir changer. J’ai pris la décision de quitter mes fonctions à Carcassonne. Et là, Charles (Malet, le directeur sportif du Racing, NDLR) m’a contacté pour me présenter le projet de Narbonne. J’ai en plus rencontré Jacques (Delmas, le manager du Racing), Gilles (Bosch, l’entraîneur des trois-quarts), j’ai vraiment eu un bon feeling avec le staff. Donc si le projet me plaît, que j’ai un bon feeling avec le staff… je viens.

J’étais en CDI à Carca, donc j’ai vraiment pris la décision de quitter mes fonctions. J’ai eu plusieurs opportunités, avec différents clubs de Pro D2, mais même si Narbonne était en Nationale, le projet du RCN m’a plu. C’est un club historique, c’est une ville de rugby, tout cet environnement me plaît. »

La saison dernière à Carcassonne

« Même si on reprend la saison d’avant, c’était un peu le même cheminement. En début de saison, c’était toujours un peu compliqué, mais on finissait fort. En 2024, on finit fort, malheureusement, on échoue au Parc des Sports en demi-finale (contre Narbonne 23-20)…

L’an dernier, je savais que ça allait être un peu le même cheminement, puisque dans mon « process » de préparation physique, mon objectif il est en fin de saison, pas au mois de novembre, pas au mois de décembre. Je n’étais pas inquiet, mais c’est vrai que les joueurs ont vu les choses différemment, ils ont eu envie de changer de staff. C’était un petit peu compliqué, parce que c’est la première fois que je vivais cet événement. J’étais assez proche de Jean-Marc (Aué, l’ancien manager de l’USC), donc je l’ai un peu mal vécu en milieu de saison.

Mais après, on s’est remis la tête à l’endroit, on a bossé, on a trouvé le fonctionnement avec Bernard, qui a changé tous les mécanismes de travail. On a trouvé quelque chose qui a fonctionné, et puis ça nous a souri en fin de saison… avec ce titre en terres narbonnaises. »

L’importance de la préparation physique

« On ne se rend pas compte, mais tout le travail de fin de saison se fait aujourd’hui, en présaison. Ce que j’explique aux joueurs, c’est qu’aujourd’hui c’est dur, on fait les efforts, et ce qu’on fait aujourd’hui, c’est pour que ça paye en fin de saison. On ne prépare pas les phases finales au mois de février, au mois de mars, mais dès maintenant, parce qu’une fois que la saison commence, tout ce travail dur on ne peut pas le faire, c’est fini. C’est maintenant qu’on secoue les mecs, qu’on met des grosses charges de travail, des grosses intensités… »

Le rôle dans un staff

« Je pense que le prépa physique prend de plus en plus de place. Si techniquement, les staffs amènent plus ou moins les mêmes choses, ce qui va faire la différence, ça va être tout ce côté physique, donc à la fois la préparation physique, à la fois la prophylaxie, donc moins de joueurs blessés et plus de joueurs opérationnels. Donc une meilleure rotation dans la saison. Si on fait jouer tout le temps les mêmes joueurs, en fin de saison, quand il y a des matches importants, les mecs sont cramés. Il nous faut une rotation pour nous permettre d’avoir les joueurs à plein potentiel en fin de saison quand il le faut.

Le métier est tout neuf, ça ne fait qu’une vingtaine d’années. Il se développe énormément, on a de plus en plus d’outils technologiques pour nous accompagner dans ce travail-là. Donc c’est un métier en pleine évolution, on arrive à accompagner de plus en plus précisément les joueurs et les staffs. »

 » Ils viennent le matin à 6 h 30  »

« Aujourd’hui j’arrive avec les exigences de Pro D2, si notre objectif est de monter et de jouer en Pro D2, on ne peut pas se contenter du niveau de la Nationale. Les joueurs qui ne sont pas au niveau de suite, ça représente aujourd’hui à peu près la moitié de l’effectif, ils viennent le matin à 6 h 30 faire un complément physique. Ils arrivent avant les autres, et puis dès qu’ils vont rentrer dans les clous, ils vont sortir de ce petit groupe, et puis ça va le faire, mais je ne suis pas inquiet, parce que c’est un groupe qui a un très bon état d’esprit, les mecs ont envie de bosser, ils ont un objectif, et ne veulent pas revivre les frustrations des années passées. Je suis agréablement surpris et satisfait de l’engagement et l’état d’esprit des mecs. »

Juger le niveau physique de l’équipe

« J’ai plusieurs curseurs pour évaluer le niveau physique d’un joueur, j’ai des GPS qui me donnent des données en temps réel, donc maintenant avec l’expérience, je sais rapidement si les mecs sont prêts ou pas.

Mais en début de saison, on a fait un test classique, un Bronco. J’ai récupéré les données de l’équipe de France, parce que je connais bien Nicolas Jeanjean, directeur de la performance des Bleus. Et on s’est basé sur notre valeur de référence et la valeur XV de France. Si on veut être les meilleurs, il faut regarder ce qui se fait de mieux, poste par poste. Il faut qu’ils atteignent les standards de ce qui se fait aujourd’hui sur les très hauts niveaux. »

L’intensité face à la canicule

« On a changé notre planning, c’est-à-dire qu’on ne s’entraîne pas les après-midi. Seulement le matin, tôt, quand il fait moins chaud. C’est pour ça qu’on commence à 6 h 30. Après, on ne peut pas trop réduire nos charges de travail, parce qu’il faut quand même qu’on prépare notre saison. Donc, il faut que les mecs prennent conscience que le sommeil est important, que l’hydratation est importante, que l’alimentation est importante. Tout ce qui est très énergétique, on le met tôt le matin. Et après, tout ce qui va être rugby, « mapping », donc technique, on va le mettre un petit peu plus tard dans la matinée. Parce qu’il y a moins d’intensité, même s’il fait plus chaud, c’est moins problématique. »

L’objectif avec le Racing

« C’est de construire un groupe, parce qu’on a un groupe avec des jeunes joueurs, leur donner de l’expérience, de la maturité, faire la meilleure saison possible, et après on verra où ça nous mène. S’il y a le titre au bout ? J’y ai déjà goûté, donc forcément j’ai envie de revivre ces émotions-là, d’amener le club en Pro D2, parce que c’est un objectif personnel. »