Petit piqueur noir, blanc et silencieux
5 mm ailes et trompe comprises, le moustique tigre est plus petit qu’une pièce d’un centime. Noir avec des rayures blanches (jamais de jaune) sur le corps et les pattes, il vit et pique le jour et en début de soirée. Il est silencieux. Aedes albopictus se développe surtout en zone périurbaine. Son caractère « anthropophile » (qui aime les lieux habités par l’homme) explique qu’une fois installé dans une commune, il est difficile de s’en débarrasser. « Le moustique tigre évolue dans un périmètre de 150 mètres autour de son lieu de naissance environ », complète Guillaume Lacour.
Buveur de sang, bon reproducteur
« Seules les femelles piquent, attaque Guillaume Lacour. Lorsque la femelle est fécondée, le sang prélevé lors de la piqûre constitue une source de protéines indispensable au développement des œufs. Les femelles peuvent pondre plusieurs fois dans la saison et jusqu’à 100 œufs par ponte. Le moustique tigre adulte réapparaît chaque année à la fin du printemps. Avant cela, il colonise les contenants naturels ou artificiels de toutes formes pour constituer sa zone de ponte (son gîte larvaire) parfois même pendant l’hiver. Coupelles pour pots de fleurs, récupérateurs d’eau de pluie, mobiliers de jardin sont des gîtes idéaux. Les sociétés spécialisées comme la nôtre interviennent de préférence au printemps. Pour éviter que les moustiques prolifèrent nous faisons du porte à porte dans certaines communes de Lorraine pour expliquer les bons gestes, c’est ce qu’on appelle une lutte de primo infestation »
Invité surprise dès qu’on lui offre de l’eau
« La plupart des gens n’ont pas conscience de lui offrir un gîte en conservant de l’eau , assure Guillaume Lacour. Nous avons découvert que le moustique tigre a une prédilection pour les grosses réserves d’eau comme les récupérateurs d’eau de pluie. Si l’on tient à conserver de l’eau, il faut donc impérativement installer une moustiquaire ». Les pastilles larvicides ne suffisent pas ? « Le BTI ou Bacillus Thuringiensis Istraelensis fonctionne mais ce larvicide coule dans les grands contenants alors que les larves plongent de 15 cm au mieux. Une moustiquaire bien posée est plus efficace ». Dernière option, passer une épuisette quotidiennement dans les réservoirs d’eau et jeter le contenu de la pêche au sol. « Les larves de moustiques sont comme les poissons, précise l’entomologiste, en dehors de l’eau, elles meurent ».
Vecteur de maladies potentiellement graves
Lorsqu’un moustique tigre pique, sa trompe pénètre la peau à la recherche d’un vaisseau sanguin. Au moment de la piqûre, la femelle moustique injecte de la salive qui contient des substances anesthésiantes et anticoagulantes. Résultat : un bouton qui démange. « Dans certaines zones du sud de la France, il est désormais difficile de déjeuner en terrasse révèle Guillaume Lacour. Les gens ont peur puisque le moustique tigre peut véhiculer d es maladies liées à des virus comme la dengue, le virus Zika ou le chikungunya. Mais il faut garder à l’esprit qu’il ne peut transmettre ces virus que s’il a piqué, au préalable, une personne infectée ».
Il se délecte du réchauffement climatique
Si le Sud est plus touché que l’Est, c’est parce que le moustique tigre adore la chaleur : « Il aime la chaleur mais aussi l’humidité », précise Guillaume Lacour. Autant dire que le combo pic de chaleur et vagues d’orages du moment va donner un coup de pouce au développement d’Aedes albopictus au stade larvaire. Faut-il craindre de voir nos communes bientôt noyées sous les insecticides ? « Pour l’instant, dans le Grand Est, nous sommes plus dans le préventif que le curatif rassure Guillaume Lacour. En Lorraine nous installons des pièges pondoirs pour vérifier sa présence et ensuite nous sensibilisons la population aux bons gestes. Nous n’avons procédé à la nébulisation d’insecticides contre les moustiques adultes qu’une seule fois dans le Grand Est, du côté de Strasbourg. C’est une réponse sanitaire d’urgence, quand les arboviroses sont avérées. Quand une personne a contracté une maladie et qu’elle vit dans une zone où la présence du moustique tigre est constatée, une enquête épidémiologique permet de recenser ses déplacements. Nous pulvérisons ensuite un insecticide sur les lieux fréquentés par le malade ».
Vous l’avez vu, signalez-le !
Pour lutter contre le moustique tigre, les spécialistes ont besoin de savoir où il se trouve et pour cela, ils comptent sur vous. Une seule adresse à retenir : www.signalement-moustique.fr
Dengue, chikungunya, Zika… ces virus à nos portes
Dengue, chikungunya, Zika… Le moustique tigre est craint, comme d’autres de ses congénères, parce qu’il est un vecteur de virus qu’il transporte d’un individu contaminé à l’autre. Le Dr Francois Goehringer, infectiologue au CHRU de Nancy, conseille de se méfier de lui, même si, pour l’heure, aucune infection n’est à signaler en Lorraine.
Le réchauffement climatique joue un rôle majeur dans le développement des aires d’implantation du moustique tigre. Sa colonisation progressive de la métropole n’est pas étonnante pour le Dr François Goehringer. Infectiologue au CHRU de Nancy, le médecin participe à la surveillance de cette infestation et aux risques qu’elle fait courir aux populations. « Nous sommes-là dans les arboviroses (il en existe plus de 600, dont près de 150 se manifestent chez l’humain), explique-t-il. Ce sont toutes les maladies pour lesquelles les arthropodes sont un vecteur. Ce sont des infections virales transmises par la piqûre d’un insecte. Le plus souvent par le moustique, mais aussi par les tiques. »
Une seringue volante
Dans ces infections spécifiques, le moustique joue donc un rôle de transporteur. Un « peu comme une seringue volante », il véhicule un virus (dengue, chikungunya, Zika…, mais aussi fièvre jaune ou paludisme) d’un individu à l’autre, sans en souffrir lui-même. « Au départ, il y a un réservoir, souvent un animal, que le moustique va piquer, indique Francois Goehringer. Il va absorber le virus contenu dans le sang qu’il prélève (de 0,001 à 0,01 millilitre). Puis, en repiquant un humain, il va lui transmettre. Lors de la piqûre, il y a toujours une régurgitation qui peut contenir un virus. » Les virus se nichent dans les glandes salivaires du moustique. Un certain nombre d’entre eux se sont adaptés au moustique tigre, alias « aedes albopictus ».
Pour l’heure, Il n’y a pas eu de cas de transmission en Grand Est. Par contre, une cinquantaine d’infections se produisent désormais chaque année en région PACA. « Pour l’instant, les arboviroses prises en charge au CHRU de Nancy sont acquises ailleurs, souvent pendant les périodes de vacances », précise François Goehringer. Toutefois, la remontée du moustique tigre pourrait changer la donne dans les prochaines années : « Jusqu’à présent, ces maladies étaient importées par des gens qui venaient ou revenaient de zones infectées. Alors que, maintenant, on a des transmissions autochtones. On sait que ça se déplace vers nous. Ce sont des maladies que l’on peut dorénavant évoquer chez des personnes en dehors du voyage. »
À quand chikungunya en Lorraine ?
À quand, donc, chikungunya en Lorraine ? « C’est une question de temps. La migration s’accélère. Mais, une contamination peut arriver demain. C’est une conjonction d’événements. On a les voyageurs et on a le moustique tigre. » Il suffit que l’un et l’autre se rencontrent. D’autres moustiques peuvent aussi poser problème. « L’encéphalite de West Nile est, par exemple, plutôt transmise par le moustique de genre Culex, poursuit François Goehringer. On en a aussi chez nous et il y a des transmissions que ce soit dans le Bordelais, dans le sud de la France. Il y en a plein au lac du Der. Le problème, c’est que leur réservoir, ce sont les oiseaux migrateurs. »
Comment savoir si l’on a été infecté par un moustique tigre ? L’incubation est en général inférieur à une semaine, suivie d’un syndrome grippal avec une fièvre très élevée, des céphalées, des douleurs musculaires et articulaires. Il peut y avoir une éruption cutanée. « Il est difficile de faire la part des choses entre dengue, chikungunya et Zika. Le diagnostic de certitude se fait par prise de sang », stipule François Goehringer. Quant au niveau de gravité : du virus Zika, l’on guérit. Ce sont les femmes enceintes les plus à risque : « Il y a de gros risques de malformations cérébrales chez les nouveau-nés, avec des microcéphalies. » La dengue, elle, peut exposer à des symptômes très sévères, surtout après une première dengue. Enfin, chikungunya, la « maladie de l’homme courbé », se manifeste par une fatigue intense et des douleurs articulaires qui peuvent durer plusieurs mois. À noter qu’aucun de ces virus ne se transmet entre humains par voies aériennes.