C’est ce que les Lyonnais découvrent depuis quelques semaines. Le projet a été imaginé par la mairie de Lyon, en réponse à la promesse électorale de verdir et de rafraichir cette place emblématique de l’histoire et de l’identité lyonnaise. 

Qui ne s’est jamais donné rendez-vous Place Bellecour, sous la statue de Louis XIV?

Désormais, ce sera peut-être sous les bandes de tissus bariolés de cette œuvre d’art éphémère. Ou pas.

Il paraît qu’il faut « aller au-delà des apparences », que « l’important, c’est le symbole ». Soit, mais pour beaucoup de Lyonnais, le symbole est cher, peu rafraîchissant, et pas franchement engageant.

Depuis le début du mois de juillet, l’œuvre « Tissage Urbain » trône sur la place Bellecour : 1 500 m² de voilages suspendus, des piliers en bois, des bancs, des dalles de béton… pour 1,6 million d’euros d’argent public. Le tout pour une installation temporaire, d’une durée de vie annoncée de 5 ans. 

Fraîcheur ressentie : quasiment nulle, selon les premiers témoignages.

A l’heure où les commerces du centre ville souffrent autant de l’instauration de la ZTL et des nouveaux aménagements, le choix de cette installation pour remplacer la végétalisation promise aux Lyonnais, a minima questionne.

Un projet mal ficelé… et dont on connaissait pourtant les limites

Car oui, tout le monde savait.

Personne ne découvre aujourd’hui que la place Bellecour est construite au-dessus d’un parking souterrain et d’une ligne de métro. C’est une contrainte structurelle connue de tous – élus, techniciens, même habitants – depuis des décennies. 
Alors pourquoi continuer à faire semblant de découvrir que planter des arbres en pleine terre est ici impossible?

En 2020 déjà, lors de la dernière campagne municipale, plusieurs propositions avaient été formulées par différents candidats pour repenser cette place emblématique, en tenant compte de cette difficulté. Depuis, les idées même les plus sérieuses ont été remisées au placard.

Ce qui est frappant dans le projet de 2025, c’est le manque d’imagination. Une incapacité à rechercher des alternatives innovantes, solides et cohérentes.

Des témoignages accablants

« Il doit faire au moins 40°C sous l’œuvre. Je pense qu’on a aussi chaud que le Roi Soleil ! »
Les retours sont unanimes : la structure ne remplit pas sa promesse de confort climatique.
D’où qu’elles proviennent, les mesures de température ne sont guère convaincantes : il fait toujours près de 45°C sous les voiles en pleine après-midi, contre une version plus rafraîchissante sous les arbres qui se trouvent sur le côté.


Présentée comme « douce » et « verte », l’ombrière repose également sur d’immenses poutres en bois et de gros blocs de béton fixés au sol. Quelle est l’empreinte carbone réelle de cette installation ? Combien de matériaux extraits, transformés, acheminés, montés… pour aboutir à une structure qui chauffe plus qu’elle ne protège ?

Ce projet est finalement révélateur d’un aveuglement idéologique qui gagne du terrain à Lyon.
On commence par nier les contraintes existantes, on maquille ensuite l’échec d’un aménagement urbain en projet artistique, et on refuse d’écouter ceux qui vivent réellement la ville.

Résultat ? Une esthétique douteuse, déconnectée des usages, qui ressemblerait davantage à une ZAD ou à un village de festivaliers, qu’à un monument du patrimoine historique. Sans oublier qu’on n’y trouve ni ombre, ni fraîcheur, ni convivialité.

Le temps nous dira si l’histoire de Lyon retiendra cette oeuvre d’art comme une transformation durable de la physionomie de la ville, ou si elle sera juste un épisode raté et passager. 

En attendant, si on revenait à l’essentiel ?

Oui, il faut végétaliser.
Oui, il faut rafraîchir nos places, réinventer nos usages, mieux vivre la ville.
Mais cela ne se fait ni contre les habitants, ni sans eux, ni surtout en dépit du bon sens. Lyon mérite mieux qu’un simulacre de verdure à 1,6 million d’euros.


Alors, osons un nouveau cap.

A l’attention de nos élus d’aujourd’hui ou de demain, je propose d’établir un cahier des charges simple et clair :
-Des solutions techniques pour verdir et rafraichir, sans planter en pleine terre. 
-Préserver l’identité de cette place historique et majestueuse, lieu de rdv des Lyonnais depuis plusieurs générations. 
-Renforcer les espaces pour s’asseoir et se reposer, et la présence de verdure.


Imaginons un appel à projets ambitieux, avec des architectes, des paysagistes, des urbanistes, des habitants, des experts du climat urbain et des spécialistes d’art public. Mettons en place un jury d’experts indépendants pour évaluer les projets. Sélectionnons 10 projets. Présentons-les aux Lyonnais, en leur donnant le temps de les découvrir.

Et laissons-les voter largement, par voie électronique, pour le projet de leur choix : laissons-les choisir et rêver leur ville.

Cette carte postale s’adresse à tous les candidats à la Ville et à la Métropole

On ne refait pas une ville avec un catalogue de mobilier urbain. On la pense avec ses usagers.


La Place Bellecour mérite mieux que des voilages chauffants et des bancs brûlants.
 Elle mérite un aménagement à la hauteur de ce qu’elle représente pour les Lyonnais, les grands Lyonnais, les visiteurs.

Une place publique unique, qui n’est pas un décor, mais un lieu de vie, d’histoire, de mémoire, de passage, de repos, de contemplation.
 Rendons lui sa majesté et sa fierté collective.

Osons faire le pari de l’innovation dans une ville où les expertises ne manquent pas. Lyon mérite mieux que des effets d’annonce, des crispations, et des coups de chaleur inutiles. Une vision, de l’ambition et du pragmatisme dans la conduite des projets.

Du haut de son socle, je me demande ce que la statue du roi soleil sur son cheval en penserait…

Alexandra Carraz-Ceselli

Professionnelle des médias et des politiques publiques, Fondatrice de L’Équipe des Lyonnes et du Lab’ des idées publiques