Cette réunion intervient à la veille de la présentation du plan d’action que dévoilera la Commission européenne pour l’industrie chimique en Europe, le 8 juillet. Avec cette conférence, l’objectif du gouvernement français consiste à «mettre la pression» sur l’UE car «nous n’avons aucune nouvelle sur ce plan» et «notre crainte est qu’on ait quelque chose de pas assez ambitieux sur les aides d’Etat» nécessaires «à la modernisation et la décarbonation» du réseau industriel, ou «rien d’autre qu’un catalogue de réflexions à lancer», indique-t-on du côté de Bercy.
L’industrie chimique européenne attend toujours des mesures d’urgence
Alors que les plans sociaux et les fermetures d’unités dans la chimie se multiplient sur tout le continent depuis la guerre en Ukraine et la flambée des prix énergétiques, et que compétitivité et visibilité ne cessent de décliner, la France appelle à un plan d’action ambitieux et rapidement mis en oeuvre, calqué sur les mesures d’urgence réclamées par une dizaine de pays européens en mars dernier. L’idée est en particulier de plus rapidement faire face «aux sites qui sortent de terre en Chine» et qui sont à la fois «subventionnés» et «plus productifs car plus modernes», tandis que les volumes importés en Europe inondent le marché à des prix intenables pour les producteurs locaux.
De nombreuses mesures sont réclamées, comme l’assouplissement des règles d’encadrement des aides d’Etat pour la modernisation et la décarbonation des usines chimiques, des mesures pour contrer les surcoûts énergétiques, une compensation des coûts indirects du carbone, ou encore une identification des chaînes de valeur stratégiques avec une «vigilance commerciale» sur quelques dizaines de produits. Ce qui concerne principalement les grands produits et intermédiaires de base de la chimie, comme l’éthylène et le propylène, ces commodités essentielles que l’Europe peine à produire de manière compétitive face à la concurrence internationale.
Aucune visibilité sur le plan Acier
Bercy tape aussi du point sur la table concernant la sidérurgie. Depuis la présentation, en mars dernier, d’un «plan acier» par la Commission – visant à protéger le secteur des surcapacités mondiales et de la concurrence de pays à l’électricité moins chère et plus carbonée, Chine en tête –, salué par l’ensemble de la filière, «nous n’avons aucune nouvelle sur le renforcement des taxes carbone aux frontières (…), aucune visibilité sur le contenu de la mesure de sauvegarde», regrette-t-on au ministère. Une situation jugée dommageable, alors que la filière haut-fourneaux qui produit de l’acier primaire (représentée en France par ArcelorMittal à Fos-sur-Mer et à Dunkerque, ainsi que par Saint-Gobain PAM à plus petite échelle) devrait investir massivement dans sa décarbonation, mais a mis ses plans en pause en attendant davantage de certitudes. «L’acier est une industrie particulièrement critique, qui emploie au total, sur les métiers de la sidérurgie et de la métallurgie, plusieurs centaines de milliers de personnes en France», rappelle Bercy, qui se dit mobilisé à la «concrétisation» du plan Acier.
Tout en saluant la piste consistant à reverser aux industriels les quotas carbone qu’ils paient sur leurs productions exportées, le ministère souligne la lenteur des négociations autour du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), qui fera payer aux importateurs vers l’Europe le prix du carbone contenu dans leurs produits. La France insiste aussi sur l’importance de la défense commerciale, et continue de plaider pour un fort renforcement des mesures de sauvegardes – des quotas d’importations d’acier, par produit et par pays – en les plafonnant à 15% du marché européen. Dans ce cadre, toute exportation supplémentaire serait taxée à 50%, sur le modèle de la surtaxe imposée par les Etats-Unis. Une mesure en ligne avec les souhaits des grands sidérurgistes européens, mais qui peut faire tousser les secteurs utilisateurs d’aciers, comme l’automobile et le bâtiment.
Droits de douane américains en vue, l’Allemagne absente de l’alliance des industries lourdes
Ce coup de pression français intervient aussi alors que les droits de douane américains pourraient être fixés plus clairement dès le 9 juillet, date limite promise par l’administration Trump. A en croire Bercy, la Commission européenne, décrite comme «une grande machine administrative très lourde», manque d’agilité de réaction et de rapidité dans ses décisions pour faire face à tout cet ensemble conjoncturel actuellement très négatif pour l’industrie européenne. Du côté du ministère, on regrette aussi que l’UE soit le «seul espace économique au monde à ne pas mettre en place de préférence nationale sur ses filières critiques» : on ne peut plus «être un herbivore parmi des carnivores». Il faut un «sursaut politique pour aller plus vite». Il faudrait aussi peut-être un peu plus de soutien de la part de certains Etats membres. Dans l’alliance des industries lourdes, l’absence de l’Allemagne, pourtant numéro un européen de l’acier et de la chimie, est criante. Le ministre allemand est toutefois invité à la réunion du 7 juillet, mais n’avait pas confirmé sa participation le 4 juillet.
Julien Cottineau avec Nathan Mann