Il était le dernier des fameux « frères Morvan », groupe de chanteurs de kan ha diskan (en français, chant et contre chant) qui avaient commencé leur carrière en 1958. Henri Morvan est mort. Nos confrères de Ouest-France l’ont annoncé ce samedi 12 avril, en fin d’après-midi. Le Télégramme a pu se faire confirmer l’information.
Quatre frères
Les frères Morvan, agriculteurs, reconnaissables sur scène à leurs chemises à carreaux, casquette vissée sur la tête, étaient originaires du village de Botcol, à Saint-Nicodème (22), entre Callac et Rostrenen. Il y avait Yves (mort en 1984), François (décédé en 2012), Yvon (mort en 2022) et Henri, donc, qui vivait toujours à Botcol, aux côtés de sa belle-sœur, Agnès. Il avait 93 ans.
« Ils ont commencé à Saint-Servais, à la chapelle de Burthulet, le 30 octobre 1958, rappelle Christian Coail, président du conseil départemental des Côtes-d’Armor, maire de cette commune frontalière de Saint-Nicodème, et voisin des célèbres chanteurs. Les frères Morvan, c’était la pièce maîtresse de tous les festoù-noz, à l’occasion du pardon de Burthulet. Le jour du pardon, ils portaient la croix ».
C’est dans une famille où on parle le breton que les frères Morvan ont appris le kan ha diskan de leur mère. Un héritage familial transmis par leurs grands-pères et qu’ils reprennent à leur compte lors des repas. Pendant plus de soixante ans, ils ont joué un rôle de transmission du patrimoine chanté et oral breton. Un rôle qui avait d‘ailleurs été salué par le ministère de la Culture, en 2019, lorsqu’Yvon et Henri Morvan avaient été élevés au rang de Commandeur des Arts et des Lettres. Un « joli coucou » à leur carrière, titrait alors Le Télégramme, référence à leur plus grand « tube ».
« Incroyable moment » aux Vieilles Charrues
Avant cela, en 2009, Henri et Yvon étaient montés sur la scène des Vieilles Charrues, à Carhaix (29), avec Les Tambours du Bronx. Un « incroyable moment », se remémore Jean-Jacques Toux, programmateur du festival. « Comme ses frères, Henri était un être attachant. Les frères Morvan étaient la cathédrale bretonne, populaire et agricole. Pendant des années, ils sont venus inaugurer le festival en effectuant le traditionnel tiré de charrue. Ils étaient de sacrés blagueurs et de véritables pince-sans-rire. Je suis vraiment triste car ils étaient de chouettes personnages qui incarnaient parfaitement le Centre-Bretagne. Ils étaient proches de leurs terres et de la culture bretonne. »
Dernier fest-noz en 2019
Les frères Morvan avaient arrêté les festoù-noz en 2019. Une nouvelle qu’ils avaient annoncé lors du traditionnel fest-noz de la Toussaint, organisé à Paimpol (22) par l’Union démocratique bretonne. « On est contents de faire ce qu’on a fait, en restant en Bretagne, expliquait Henri au Télégramme. On n’est jamais allés à Paris, même pas pour nos distinctions. Après tout, le ministre peut bien venir à nous s’il le souhaite… C’est bien simple, moi, je n’ai jamais mis les pieds en France. Pour quoi faire ? Même pas pour trouver une fiancée ! Ici, il y en a à tous les coins de rue ».
« C’est un élément important de la culture bretonne qui s’en va, souligne Pierre Morvan, organisateur du festival du Chant de marin et du fest-noz de la Toussaint. Leur dernier fest-noz fut une soirée empreinte d’émotion, une prestation qui a été suivie d’une standing-ovation. Les frères Morvan parlaient aux gens et ils avaient un public qui les suivait. Ils étaient appréciés pour leur simplicité, leur humilité et leur humour. Comme ses frères, Henri avait une telle étincelle dans son regard qu’on savait qu’il allait sortir une plaisanterie. Les frères Morvan étaient des figures symboliques de la scène bretonne. Une légende. »