L’avis de Colantonio est d’autant plus intéressant que le parcours du studio qu’il a fondé, Arkane, est lié de près à celui de Microsoft (ce, même si, pour rappel, Colantonio a quitté Arkane en 2017 pour fonder WolfEye Studio – Weird West). Pour rappel, en 2010, Arkane Lyon et Arkane Austin sont rachetés par ZeniMax Media (maison-mère de Bethesda). Selon lui, ce rachat fut très bénéfique à Arkane à l’époque (en 2021, il disait dans une interview que « vendre à Bethesda a été une grande aventure qui a beaucoup apporté à Arkane »). Puis, 10 ans plus tard, c’est le groupe ZeniMax entier qui fut racheté par Microsoft. Arkane reste donc sous la houlette de Bethesda, mais Bethesda est désormais contrôlé par Microsoft. Et depuis, Arkane a fait face à un coup dur : l’échec de Redfall, sorti en mai 2023. Malgré de mauvais résultats, Matt Booty (qui supervise les studios gérés par Microsoft) annonce alors en grande pompe que l’éditeur ne prévoit pas de fermer Arkane Austin. Sauf que, un an plus tard, Microsoft annonce l’inverse, dans le cadre d’une « repriorisation de ses titres et de ses ressources ». Alors nécessairement, quand Raphaël Colantonio parle du géant américain, en 2025, c’est en prenant bien soin d’enlever les gants (d’autant qu’il n’en est pas à son coup d’essai).

Ainsi, face à la vague de licenciements et à la fermeture de multitudes de projets chez Xbox la semaine passée, Colantonio déclare sur X : « je pense que Game Pass est un modèle insoutenable, qui nuit de plus en plus à l’industrie depuis une décennie, subventionné par l’“argent infini” de Microsoft. Mais la réalité finira bien par rattraper tout le monde. À mes yeux, Game Pass ne peut pas coexister avec d’autres modèles : soit il les éliminera tous, soit il capitulera ». Le responsable est cité : c’est bien le modèle d’abonnement de Microsoft qui est pointé du doigt. Une inquiétude d’ailleurs partagée par Michael Douse de Larian Studios, lequel n’a pas mis bien longtemps à répondre au créateur français : « « Ce qui se passe quand tout cet argent disparaît », c’est la question que j’entends le plus souvent autour de moi. C’est aussi l’une des principales raisons économiques pour lesquelles beaucoup de professionnels que je connais n’ont jamais adopté ce modèle. Cette idée d’argent illimité n’a jamais eu de sens ».

La conversation se poursuit ensuite, avec un internaute qui interjecte : « je ne pense pas que le Game Pass ait été conçu pour être rentable ou durable à court ou moyen terme. Microsoft court un marathon. Le Game Pass a également joué un rôle clé dans la stratégie de l’entreprise pour placer le streaming au centre du marché ». Ce à quoi Colantonio répond ceci : « je suis d’accord, mais c’est un jeu de longue haleine qui consiste à balancer un véritable tsunami sur tout l’écosystème de l’industrie. Seuls les joueurs l’apprécient pour l’instant, parce que l’offre est trop belle pour être vraie. Mais tôt ou tard, même eux finiront par la détester en constatant les effets sur les jeux eux-mêmes ».

En réalité, la principale critique formulée par les deux développeurs est simple : le Game Pass serait un outil de cannibalisation des ventes (voilà qui rejoint d’ailleurs le fait qu’à la mi-mai dernier, seules 5% des ventes du remake d’Oblivion ont été opérées sur Xbox). Ainsi, proposer un jeu via le Game Pass nuit aux ventes directes, puisque les joueurs payent leur abonnement, pendant que le studio ne bénéficie que d’un paiement unique de la part de Microsoft. Cependant, Douse apporte un peu de nuance : il admet que l’abonnement peut effectivement réduire les risques pris pour les plus petits studios (comme ce fut le cas avec Clair Obscur : Expedition 33, d’ailleurs). Malgré tout, selon Douse, les avantages s’arrêtent là et le modèle de Sony lui semble plus équilibré.