C’est en 2020, sous les visages sculptés du Mont Rushmore, que Donald Trump lançait son idée : un jardin monumental pour célébrer « les géants du passé » face à ce qu’il dénonçait comme une « campagne impitoyable » contre les valeurs américaines. Cinq ans plus tard, le projet ressurgit sous son second mandat, rebaptisé « National Garden of American Heroes » et présenté comme un legs à la postérité pour le 250e anniversaire des Etats-Unis, prévu en juillet 2026.
Mais selon CNN, le chantier, aussi symbolique qu’ambitieux, avance dans la précipitation et la confusion. Objectif initial : 250 statues grandeur nature représentant aussi bien Abraham Lincoln, Amelia Earhart ou Muhammad Ali que Steve Jobs, Ruth Bader Ginsburg ou encore Alex Trebek. Un mélange qui reflète la vision très personnelle de Donald Trump sur l’identité américaine.
Un calendrier déjà révisé
Officiellement, le projet bénéficie d’un soutien fédéral. Quelque 40 millions de dollars ont été inscrits dans le budget du ministère de l’Intérieur pour l’achat du terrain et les infrastructures, tandis que la National Endowment for the Humanities (NEH) et la National Endowment for the Arts (NEA) ont dégagé 34 millions pour financer les œuvres.
Mais en coulisses, l’administration a discrètement revu ses ambitions à la baisse, selon une source proche du projet citée par CNN. Au lieu des 250 sculptures attendues, seules 25 à 50 seraient désormais prévues pour l’inauguration en juillet 2026, le reste devant être réalisé plus tard. Un recul assumé face aux délais, aux coûts et aux difficultés de production.
Des exigences strictes, des moyens limités
Le cahier des charges transmis aux artistes en avril dernier impose une esthétique classique, des matériaux nobles (marbre, bronze, granite, cuivre ou laiton) et des proportions réalistes, avec des statues mesurant entre 2 et 2,6 mètres. Les artistes devaient soumettre leur candidature avant le 1er juillet, avec esquisses, sources historiques et justificatifs administratifs.
🚨 BREAKING: Trump’s National Garden of American Heroes to honor Harriet Tubman, Rosa Parks, Billie Holiday, Aretha Franklin, Coretta Scott King, Frederick Douglass, Jackie Robinson, MLK Jr., Muhammad Ali, & Kobe Bryant.
Icons immortalized! 🇺🇸 #AmericanHeroes pic.twitter.com/aQvhviBGhp
— Jesus G. Navarro 🇺🇸 (@realjgnavarro) February 22, 2025
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Mais le budget alloué par statue (200.000 dollars) est jugé très insuffisant pour un tel niveau d’exigence. « Ce n’est pas un projet bien pensé », affirme Melissa Walker, de la fonderie Carolina Bronze Sculpture, à CNN. De son côté, Micah Springut, fondateur de Monumental Labs à New York, estime que les coûts réels (matériaux, main-d’œuvre, transport, installation) peuvent dépasser les 300.000 dollars. « Il faut être soit riche, soit très idéaliste pour participer », dit-il. Il a néanmoins proposé d’avancer jusqu’à 100.000 dollars à certains artistes retenus, en attendant les paiements fédéraux.
Des artistes partagés mais mobilisés
Malgré les contraintes, plusieurs sculpteurs ont répondu à l’appel. Paula Slater, artiste reconnue, a proposé trois figures : Maria Tallchief, ballerine amérindienne, l’auteur Herman Melville et l’actrice Ingrid Bergman. « Je fais ça malgré Trump, pas pour lui. Ce projet peut entrer dans l’histoire », a-t-elle confié à la chaîne d’informations. John Belardo, sculpteur new-yorkais, a également soumis Melville, qu’il souhaite sculpter en marbre blanc, en écho à Moby Dick. « Dans 50 ans, on ne retiendra pas qui l’a commandé. Ce qui restera, ce sont les œuvres. »
Mais la sélection des figures proposées, mêlant célébrités télé, figures religieuses et pères fondateurs, suscite le scepticisme d’une partie du monde artistique. « Ça ressemble à un carnaval », critique Ken Lum, professeur à l’Université de Pennsylvanie.
Une instrumentalisation de la culture ?
Au-delà de l’aspect artistique, le projet soulève des questions politiques. Donald Trump a drastiquement réduit les subventions aux institutions culturelles comme la NEH, la NEA ou l’Institute for Museum and Library Services (IMLS), tout en réaffectant des fonds vers ce jardin patriote qu’il contrôle directement. « C’est un détournement de ressources publiques à des fins personnelles », accuse un ancien haut fonctionnaire du NEH, cité anonymement par CNN.
Plusieurs villes se sont portées candidates, mais le Dakota du Sud tient la corde, selon CNN. L’Etat propose un terrain de 16 hectares proche du Mont Rushmore. Un aménagement paysager complet, avec sentiers, ponts et plans d’eau, est déjà prêt. Philadelphie et Washington D.C. sont aussi évoquées, mais aucun plan aussi avancé n’a été présenté par les autorités locales.