La NASA le pensait certainement condamné à rester muet à tout jamais, mais Relay 2 vient de ressurgir tel un fantôme. Hors service depuis 60 ans, il a soudainement émis un souffle radio ultra-bref, capté en juin 2024 par les antennes géantes de l’ASKAP (Australian Square Kilometre Array Pathfinder), un télescope australien.

Le signal a duré à peine 30 nanosecondes, mais son intensité fut extrêmement puissante. Relay 2 était un satellite de télécommunication lancé en 1964 par la NASA, dont l’existence fut de courte durée, car il a été mis hors service deux ans plus tard. Pourquoi s’est-il réveillé de manière inopinée ? S’agissait-il d’un message posthume ? L’événement a forcément donné lieu à une enquête, menée par une équipe de scientifiques de Clancy James (International Centre for Radio Astronomy Research, Curtin University), mise en ligne le 16 juin sur la plateforme arXiv.

Le sursaut radio d’un cadavre spatial

Relay 2 était un satellite pionnier des communications spatiales et servait à relayer des messages radio entre la Terre et d’autres stations, à une époque où le « vrai Internet » n’existait même pas. Officiellement, il est hors service depuis 1965, mais continuait à tourner en orbite haute à plus de 4 000 km d’altitude.

Depuis, il n’est plus qu’un vieux morceau de métal laissé à la dérive, mais le 13 juin 2024, il a parlé, ou plus exactement crépit, en émettant un micro-éclair radio en direction de l’ASKAP, qui l’a enregistré automatiquement. En analysant la trajectoire et le temps d’arrivée de cette impulsion, l’équipe a confirmé qu’il s’agissait bien de lui, et non d’une émission en provenance d’un pulsar ou d’une étoile lointaine.

Il faut savoir que l’espace est saturé de milliers de signaux radio, toutes pouvant provenir d’objets célestes différents. Là, cela ne faisait aucun doute : la brièveté du signal, son absence de dispersion et sa localisation à moins de 4 km de la trajectoire connue de Relay 2 désignaient formellement ce satellite comme unique coupable.

En langage technique, on parle ici d’une impulsion radio brève (un radio burst), c’est-à-dire une émission électromagnétique unique et ultracourte. « Burst » signifie que toute l’énergie a été libérée en un seul flash, ici concentré dans la bande de fréquences entre 695 et 1 031 MHz, la portion du spectre que surveillait ASKAP au moment de l’observation.

Comme expliqué dans l’introduction, l’intensité du signal émis par Relay 2 a surpris l’équipe. puisqu’elle fut estimée à plus de trois millions de janskys (Js). Une unité astronomique servant à mesurer la densité des flux des signaux radio en provenance du cosmos.

Un flux colossal pour une émission si courte. Pour comparaison, même les sursauts radio rapides (Fast Radio Burst), parmi les signaux les plus énergétiques de l’Univers, se situent en général sur des durées de quelques millisecondes, soit des dizaines de milliers de fois plus longues que le signal de Relay 2.

Qui a ressuscité Relay 2 ?

Comment ce satellite inerte a-t-il pu produire une telle détonation radio ? La piste privilégiée par les chercheurs est celle d’une décharge électrostatique, ou ESD (Electrostatic Discharge). Une ESD est comparable à une étincelle : quand une surface accumule trop de charges électriques (par exemple, en accumulant des charges électriques au contact des particules du vent solaire ou en traversant des zones de plasma spatial), ces charges finissent par se libérer d’un coup, produisant un arc électrique.

Lorsque cela se produit dans le vide spatial, une ESD peut générer un rayonnement radio de ce type, que les radiotélescopes terrestres capteront ensuite. Avez-vous déjà remarqué que, lorsque vous retirez un vêtement synthétique dans le noir, une petite étincelle peut se produire ? C’est exactement ce qu’il s’est passé avec Relay 2 le 13 juin, sauf que la tension accumulée peut atteindre plusieurs centaines de volts et libérer une énergie très puissante, mais brève.

D’après les auteurs de l’étude, la durée du signal et ses propriétés de polarisation (la direction dans laquelle l’onde électromagnétique vibre) correspondent davantage à une ESD plutôt qu’à un signal radio délibérément envoyé. Les auteurs écartent donc l’idée d’une réactivation du satellite : « Nous pouvons exclure une reprise de transmission intentionnelle », écrivent-ils, car aucun système embarqué à bord de Relay 2 n’aurait pu émettre un tel signal.

Une autre hypothèse envisagée par les chercheurs est celle d’un micrométéoroïde, une infime poussière interplanétaire, qui aurait percuté la surface du satellite. L’impact aurait pu générer un petit nuage de gaz ionisé, et provoquer à son tour un flash radio. Ce scénario reste plausible, mais jugé moins probable que la décharge électrostatique.

En effet, la conception ancienne de Relay 2, construit avec des matériaux moins protégés contre l’accumulation de charges électriques, rend plausible qu’il ait conservé suffisamment d’électricité pour déclencher une décharge violente, même après des décennies d’inactivité.

Un vieux satellite qui pulse de telle manière qu’on pourrait le confondre avec un FRB ? C’est un cauchemar pour les astrophysiciens, car ces sursauts d’ondes radios nous sont très utiles pour percer les mystères de l’Univers lointain : composition de la matière, dynamique des galaxies, conditions extrêmes des magnétars ou des trous noirs. Chaque FRB porte en lui de très précieuses informations, et il serait catastrophique de l’assimiler à une décharge électrostatique issue de nos propres déchets orbitaux. Malgré leur âge et leurs conditions, ils restent bien vivants, électriquement tout du moins ; mieux vaut ne pas s’y méprendre !

  • Un ancien satellite de la NASA, Relay 2, hors service depuis 60 ans, a émis un signal radio ultracourt et puissant, détecté par un radiotélescope australien.
  • Ce flash radio serait dû à une décharge électrique accumulée sur sa structure, plutôt qu’à une reprise de son activité.
  • De tels signaux risquent de tromper les astronomes en imitant les émissions cosmiques rares qui dévoilent la matière et les structures de l’Univers.

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