Résumé : À partir de l’album mythique de Robert Wyatt, ROCK BOTTOM nous plonge dans l’histoire d’amour vertigineuse de Bob et Alfie, deux jeunes artistes de la culture hippie du début des années 1970.

Critique : Le cinéma et la musique sont innervés, dans leurs œuvres et Histoires, de récits d’artistes torturés, écorchés vifs, puisant leur inspiration dans leur indicible douleur pour produire des chefs-d’œuvre intemporels. Les années 60-70 furent les décennies de l’essor des drogues et boissons comme carburants créatifs pour de nombreux artistes iconiques.

Pourtant, la réalisatrice María Trénor évite soigneusement l’écueil de la complaisance, choisissant une approche bien plus humaniste et mélomane afin de retranscrire les complexités psychologiques et artistiques de ses protagonistes, Robert Wyatt et Alfreda Benge.

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En effet, si le film commence à New York en 1973, soit près d’un an avant la sortie de l’album Rock Bottom, l’intrigue est essentiellement développée sur un flashback, lorsqu’en 1972, Bob et Alfie s’isolent dans une maison à Majorque pour créer… et se défoncer.

Trénor fait ainsi le choix d’embrasser par le dessin et le montage l’intimité tumultueuse et mouvementée des deux protagonistes. S’ils s’aiment à en point douter (ils sont mariés dans la vraie vie depuis 1974), Bob et Alfie ont du talent pour se disputer dès qu’il s’agit d’art ou de drogue. Alfie aspire à une reconnaissance en tant que cinéaste et plasticienne, tandis qu’elle fustige Wyatt de ne pas la soutenir suffisamment et de privilégier les nuits de beuveries avec ses amis musiciens. Si le mélange de couleurs chaudes et froides, sombres et lumineuses de l’intérieur de la demeure et le montage très cut traduisent visuellement les conflits artistiques et personnels du couple, d’autres séquences, portées par les pilules et vapeurs d’opiums, sont bien plus oniriques.

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Au détour d’une nuit sur la plage, d’une baignade dans la mer, la mise en scène se laisse à aller à une esthétique beaucoup plus fantasmagorique, jouant d’images chimériques dessinées au crayon, au feutre ou à la peinture numérique, rythmées par les chansons remasterisées de Wyatt. Après quoi, le récit est progressivement ramené à la vie très précaire de Bob et Alfie, jusqu’à retourner dans le présent, en 1973, où Robert Wyatt est hospitalisé après la chute du quatrième étage d’un immeuble.

Ceux qui connaissent l’histoire de l’artiste savent qu’un nouveau Robert Wyatt est né après cet accident : un jeune homme qui, ayant définitivement perdu l’usage de ses jambes, entre dans une forme de résilience et de rédemption.

La quête de gloire, la chute et la renaissance rendue possible par l’amour qu’Alfie lui porte. Voilà ce que María Trénor a su joliment et sincèrement raconter dans ce long-métrage d’animation original.

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