À l’origine vous êtes maquilleuse professionnelle à l’opéra de Toulon. Aujourd’hui vous l’êtes toujours, mais vous avez depuis quelque temps endossé de nouvelles responsabilités?
Je suis aussi conférencière et formatrice sur toutes les formes de violences.
Que voulez-vous dire par « toutes formes de violences »?
Les violences psychologiques, le harcèlement, le cyberharcèlement, les violences sexuelles, verbales, physique, la prostitution, la pédocriminalité…
C’est beaucoup de sujets différents non?
En fait, on se rend compte sur le terrain que toutes ces violences sont liées. Un enfant qui vit des violences intrafamiliales, il va banaliser la violence et puis la reproduire à l’école. Il peut facilement devenir harceleur. C’est un continuum de violences qui se nourrissent entre elles, on ne peut pas les dissocier. Il faut toutes les prendre en compte.
En 2020 vous sortez votre récit autobiographique intitulé La Barque noire dans lequel vous racontez l’inceste que votre frère vous a fait subir. Où en êtes-vous désormais?
J’ai sorti ce livre en même temps que celui de Camille Kouchner. Ça a été le début de ce fameux MeToo et j’ai reçu beaucoup de témoignages via les réseaux sociaux de gens qui grâce à mon livre réalisaient ce qui leur était arrivé. Et donc j’ai décidé d’en faire ma mission de vie.
Et comment avez-vous fait ça?
J’ai fait beaucoup de formations, j’ai appris, vraiment appris. Et ça m’a aussi réparé en tant que victime et survivante. C’est essentiel d’être réparé avant d’entendre et d’accompagner d’autres victimes. Et puis je me suis entourée de professionnels et j’ai monté ma propre association.
Est-ce que vous pouvez nous parler de cette association?
Elle s’appelle Les ami (e) s de Romy. On mène notamment des actions de sensibilisation dans les écoles, des classes de maternelles à la terminale.
À quoi ça ressemble une action de sensibilisation dans les écoles?
Pour les plus jeunes c’est une intervention d’une demi-heure, les plus grands ça peut aller jusqu’à une heure. On utilise une chanson qu’on a composée avec Bab et les Chats dans laquelle les parties intimes sont nommées et qui explique qu’il faut les respecter. C’est ludique et ça permet de poser les bases. Et puis on fait des ateliers et on laisse une boîte à secrets dans laquelle les enfants peuvent mettre des mots pour s’exprimer. Et souvent c’est avec ça qu’ils se confient sur les violences qu’ils subissent.
En plus de vos actions avec Les ami (e) s de Romy vous sortez aujourd’hui votre deuxième livre, de quoi parle-t-il?
C’est un livre de sensibilisation à l’inceste à destination des enfants. Il s’appelle Chut, c’est un secret, et le but c’est d’expliquer comment on se sent enfant piégé dans l’emprise psychologique familiale.
Comment vous abordez le sujet de l’inceste dans ce livre?
Très directement on ne cache pas, on nomme tout directement. Ça permet que les enfants réalisent que les adultes n’ont pas le droit de faire certaines choses. Les images dans le livre sont fortes mais si on cache, les enfants ne peuvent pas comprendre ce que c’est l’inceste. Le livre est en deux parties: une première qui aborde comment on se sent en tant que victime, à laquelle l’enfant peut identifier ses émotions et une partie de sensibilisation sur l’importance d’en parler.
Vous avez écrit le texte mais comment l’avez-vous illustré?
J’ai travaillé avec Géraldine Point. Tout le choix des dessins et des couleurs est très étudié. Il faut que ça reste des dessins que l’enfant puisse avoir envie de regarder malgré la gravité du sujet.
Vous avez voulu rendre ce livre accessible à tous, quelles que soient les capacités de lecture, comment avez-vous fait?
Plusieurs versions du livre ont été publiées. Déjà, il y a une version audio, mais aussi une vidéo en langue des signes. Ensuite nous l’avons édité en braille mais aussi en FALC (facile à lire et à comprendre) avec des pictogrammes. Ça veut dire que ce livre est accessible aux enfants en très bas âge mais aussi aux enfants handicapés qui sont souvent oubliés.
Comment avez-vous pu faire toutes ces versions de votre livre?
Grâce à pleins de partenaires différents, tous motivés qui ont travaillé dans la bienveillance et avec humilité. Parih 83 ou la Fabrik du signe par exemple. On a tout ces partenariats avec plein d’associations et chacun travaille dans ses compétences respectives et ça nous apporte énormément. Il y a de l’espoir dans l’humain.