Par
Gil Martin
Publié le
8 juil. 2025 à 9h37
La start-up montpelliéraine Terratis a développé une technique de lutte efficace contre la prolifération des moustiques tigres : la Technique de l’insecte stérile (TIS) qui consiste à appliquer des rayons X sur des mâles pour les rendre infertiles, puis à les relâcher sur des sites ciblés. « Les femelles moustiques tigres ne s’accouplent qu’une seule fois et conservent le sperme dans une spermathèque tout au long de leur vie… Si c’est celui d’un moustique mâle stérile, les œufs pondus seront toujours vides », explique la chercheuse de l’IRD Clélia Oliva, également directrice de la start-up Terratis.
Pas de produits chimiques
La TIS, qui n’utilise ni pesticides ni insecticides, permet de casser le cycle de reproduction de l’insecte piqueur porteur de maladies graves (dengue, chikungunya et Zika) et donc de limiter sérieusement et efficacement les nuisances. La méthode Terratis a été conçue et développée à Montpellier pendant 14 ans par l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, pour lequel Clélia Oliva a justement mené une thèse sur ce thème à la Réunion de 2009 à 2012.
Dans cette pièce sont stockés les moustiques tigres stérilisés qui pourront être vendus et relâchés sur des sites ciblés (©G.M/Métropolitain)
« Le taux de fertilité du moustique tigre chute de 50 à 60% la première année, et les années suivantes, le chiffre peut monter à 90% »
Clélia Oliva
Directrice générale de Terratis
Cette chercheuse est la première à avoir penser à appliquer la TIS à l’insecte nuisible : « Ma thèse a consisté à mettre au point une partie de ce processus : maîtriser la reproduction d’un insecte, en produire des millions par semaine, les stériliser via un système de rayons X, et les relâcher », explique-t-elle. Avec cette méthode imparable, qui a fait ses preuves sur des zones-test en France métropolitaine (dont Montpellier et les villages de la Métropole) comme à la Réunion, le taux de fertilité de l’espèce Aedes albopictus chute de 50 à 60% la première année, et les années suivantes, le chiffre peut monter à 90%.
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Introduit dans l’Hexagone dès 2004, le moustique tigre s’est propagé sur 78 départements. En 2024, il a été identifié dans le Morbihan, la Moselle, l’Oise, la Sarthe, la Seine-Maritime, l’Yonne et le Territoire de Belfort…
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Une usine-pilote à Montpellier
Une technique validée scientifiquement par l’IRD et l’Université de Montpellier, des résultats indiscutables : les conditions étaient réunies pour permettre à Terratis de passer à l’échelle supérieure… avec l’inauguration il y a quelques jours de l’usine Terratis, installée sur la zone d’activité montpelliéraine du parc 2000, face au quartier de la Mosson. Dans cette usine unique en Europe sont désormais produits 1 à 1,5 million de moustiques par semaine, lesquels sont vendus à des collectivités ou des campings qui veulent lutter efficacement contre l’insecte piqueur.
Clélia Oliva lors de l’inauguration de la ferme pilote, entouré du maire de Montpellier, du président de l’université et du préfet de l’Hérault (©G.M/Métropolitain)Objectif : 40 000 hectares en France
Labellisée MedVallée par la Métropole de Montpellier, Terratis est décrit comme « une usine pilote qui nous permet de développer l’automatisation de l’élevage et de démarrer nos ventes », explique Clélia Oliva qui estime que la start-up a actuellement une capacité à couvrir 300 hectares, « ce qui équivaut à relâcher environ 3000 insectes par hectare », précise-t-elle. Montpellier et Brive-la-Gaillarde sont déjà clients, mais à long terme, la solution de Terratis pourrait sécuriser 40 000 hectares en France, dont les sites sensibles comme les aéroports et les gares…
« La TIS pourra-t-elle jouer un rôle essentiel en santé globale en se révélant une alliée de l’agriculture pour lutter sans produits chimiques contre les insectes ravageurs ? »
La ferme pilote est équipée d’un robot spécialement conçu pour assurer le développement de l’insecte de manière automatisée (©G.M/Métropolitain)
Clélia Oliva et Terratis voient plus loin encore, il est vrai que leur travail est bien soutenu (involontairement) par la prolifération rapide de l’insecte piqueur et les effets du réchauffement climatique. Ainsi, à l’horizon 2028, Terratis espère encore changer d’échelle pour passer à une production hebdomadaire de 100 millions de mâles stérilisés par semaine. « La TIS n’éliminera pas complètement les populations de moustiques tigres, mais nous avons développé le moyen de lutte non-polluant le plus efficace actuellement », assure la scientifique.
Des grandes perspectives
De quoi envisager l’extension de la méthode à d’autres insectes nuisibles : la TIS pourra-t-elle jouer un rôle essentiel pour la santé globale en se révélant une alliée de l’agriculture pour lutter sans produits chimiques contre les insectes ravageurs ? C’est l’un des grands chantiers que la start-up montpelliéraine, qui a levé 1,5 million d’euros en mars dernier, devra prochainement s’atteler…
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