La 30e édition du Festival de Marseille s’est terminée, comme il se doit, par une fête. Où se mêlent les corps, quelles que soient leurs origines, leurs âges, leurs aptitudes, du moment qu’ils se laissent emporter par le mouvement. Celui insufflé par la musique qui touche à la transe orientale du musicien libanais d’origine palestinienne Rayess Bek. Derrière son ordinateur, il entraîne la foule dans ses vagues successives de pulsations électroniques, d’incantations, de chants, de cris de ralliement, de respirations, d’envoûtements et de transports. Les Grandes Tables de La Friche, calfeutrées pour l’occasion, deviennent alors ce lieu de liesse humaine bienveillant, où au fur et à mesure des 3 heures de célébration, le public se libère de ses oripeaux : la retenue, la gêne, le regard de l’autre laissent progressivement place au lâcher-prise. Car, au sein même des spectateurs, six danseurs de la diaspora du Levant performent, accompagnés d’une centaine de danseurs complices, amateurs et professionnels. Pour une danse inclusive en tous sens, que mène le chorégraphe Eric Minh Cuong Castaing avec sa compagnie Shonen, aperçu ce dimanche soir aux côtés des musiciens. Nul besoin de reproduire les mouvements, le but est ici de danser tous ensemble. Et de suivre « la petite musique » de Tarab, du nom de cette expérience joyeuse et émouvante qui a refermé le festival.

Lia Rodrigues, jubilatoire

Avant elle, la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, installée dans une favela de Rio, donnait au théâtre Joliette le puissant Encantado. Une danse qui ravit, réanime, réenchante, projette sa joie de vivre et ses couleurs, tout en faisant voler en éclats les diktats de l’apparence et les codes. Après une lente mise en place où des corps nus se glissent un à un sous des tissus chatoyants bon marché, formant alors un tapis mouvant, Encantado explose en une profusion de tableaux vivants, bariolés, pleins d’énergie, dans une musique répétitive jusqu’à épuisement. Jouant avec leurs étoffes qui leur servent à toutes les métamorphoses et les travestissements, avec une ingéniosité qui touche au sortilège, les danseurs sont ces « encantados », ces esprits protecteurs flottant entre ciel et terre, qui appartiennent aux traditions et à la spiritualité afro-américaines. Visages extasiés, bestiaire tropical, ils enchaînent les saynètes avec frénésie créant comme des hallucinations. Un spectacle aussi singulier que jubilatoire.

Deux propositions qui témoignent des intentions du Festival de Marseille, qui a éveillé et fait danser la ville pendant trois semaines : 20 000 personnes ont fréquenté cette édition qui annonce un taux de remplissage à 98%.