C’est un coup de filet retentissant, fruit d’une enquête minutieuse. Le 13 mai dernier, cinq membres d’une même famille italienne ont été interpellés en Haute-Savoie. Tous sont soupçonnés d’appartenir à la puissante ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, et d’avoir blanchi plusieurs millions d’euros via deux établissements : la pizzeria Calabria Mia à Scientrier, et une autre à Saint-Julien-en-Genevois.

À l’origine de cette opération : la JIRS de Lyon, la Juridiction Interrégionale Spécialisée en matière de criminalité organisée, en collaboration avec Interpol. Pendant trois années, ses enquêteurs ont suivi la trace d’un schéma de blanchiment apparemment bien rôdé, dissimulé derrière l’image bon enfant de restaurants familiaux.

Les suspects, jusqu’ici inconnus de la justice française, auraient servi d’intermédiaires pour blanchir des fonds en lien direct avec la ‘Ndrangheta. L’enquête fait même apparaître des connexions avec deux figures centrales de l’organisation criminelle : Antonio et Bartolo B., ce dernier étant soupçonné de diriger la « filière africaine » du clan.

Bartolo B. avait été arrêté en 2023 au Liban, dans une affaire liée à la saisie de près de trois tonnes de cocaïne en Côte d’Ivoire, pays où il possédait également… des pizzerias. Le parallèle n’a pas échappé aux enquêteurs.

Signes d’un blanchiment structuré

Derrière les fourneaux, les enquêteurs ont mis au jour des indices révélateurs : des salariés régulièrement remplacés, tous italiens, ne parlant pas français ; des fiches de paie fictives ; l’utilisation de « mules bancaires » pour déplacer et dissimuler les flux financiers.

Cette affaire souligne la capacité d’infiltration de la mafia italienne en France, à travers des structures en apparence anodines. Pour Interpol, cette opération est un signal d’alerte : la ‘Ndrangheta étend ses tentacules bien au-delà de l’Italie, en s’implantant notamment dans les circuits économiques traditionnels européens.

En tout, quinze personnes ont été interpellées, et les cinq principaux suspects mis en examen contestent à ce stade toutes les accusations portées contre eux.