Les 4 et 5 juillet, la commune de Montegrossu a une nouvelle fois ouvert ses portes à la littérature. Pour la cinquième année consécutive, le festival itinérant E Culturale, organisé par l’association bastiaise Musa Nostra, s’est déployé dans les villages de Cassanu, Lunghignanu et Montemaiò. À chaque étape, une rencontre, un auteur, une ambiance chaleureuse : une formule qui fait ses preuves. « C’est la cinquième édition à Montegrossu », rappelle Marie-France Bereni-Canazzi, présidente de l’association. « Comme d’habitude, on tient à se déplacer dans chaque village. Hier, à Cassanu, nous avons vécu un très beau moment avec Franck Thilliez, auteur de polar, et Jean-Michel Neri, prix du livre corse cette année pour Mangeurs de monde à Lunghignanu. »

Le public, fidèle et de plus en plus nombreux, suit le festival de village en village. « Un auteur dans chaque village, c’est un symbole fort de proximité. Et chaque année, il y a de plus en plus de monde, » souligne Jean-Marc Borri, maire de Montegrossu.

La clôture, samedi à Montemaiò, a réuni les festivaliers autour de Jacques Pradel, figure du journalisme français. Venu présenter L’univers du crime, son dernier ouvrage, il a partagé sa vision du fait divers : « Ce livre raconte des histoires vraies, avec des familles de victimes qui sont parfois condamnées au chagrin à perpétuité. J’essaie de redonner à ces faits divers leur dimension humaine, loin du sensationnel. » L’ancien journaliste a évoqué la fascination pour le crime, les dérives voyeuristes de l’époque, mais aussi l’importance de l’écriture : « Les paroles s’envolent, les écrits restent. L’écrit permet de se détacher de l’émotion immédiate et de mieux comprendre. » Installé à Campi, au-dessus d’Aleria, Jacques Pradel a aussi exprimé son attachement à l’île : « J’ai longtemps connu la Corse touristique, mais il y a une autre Corse, intérieure, authentique, avec des gens formidables. C’est elle que je découvre maintenant. »

À travers ce festival, Musa Nostra défend une vision : rapprocher la culture des territoires ruraux. « Même s’il fait chaud, même si c’est loin, même si cela suppose de déplacer les micros, les livres, la lumière… on vient. Parce que c’est important, parce que ça crée du lien, » insiste la présidente.

Une librairie éphémère a accompagné chaque rencontre. « On nous confie des livres pour que les auteurs puissent dédicacer. Ce sont des livres que nous transportons nous-mêmes, à la main. C’est lourd, c’est contraignant, et tout le monde est bénévole… mais c’est notre façon de soutenir aussi les libraires corses, » poursuit-elle. À Montegrossu, c’est la Librairie Ambrogi de L’Île-Rousse qui s’est prêtée au jeu.

E Culturale se poursuivra fin juillet avec Les Statinate, à Lumiu, du 25 au 27 juillet. Parmi les invités : Delphine Horvilleur, Kamel Daoud (prix Goncourt 2024), Olivier Guez, François-Henri Désérable, Ambre Chalumeau et Patrizia Gattaceca.

Au fil des éditions, Musa Nostra affirme une ligne claire : faire de la littérature un espace de rencontre, de transmission, et d’enracinement. « Si on ne se déplace pas de cette façon, on perd l’esprit de la rencontre. La littérature, c’est aussi montrer qui nous sommes, transmettre notre patrimoine, rendre la Corse accessible et lisible, sans la dénaturer », conclut Marie-France Bereni-Canazzi.