Pour réchauffer les liens entre la France et le Royaume-Uni, rien de tel que la coopération contre les traversées clandestines de la Manche. Si une partie des discussions du sommet franco-britannique de cette semaine est consacrée à la défense, la seconde concerne en effet l’immigration. Après un accueil royal et deux nuits au château de Windsor, Emmanuel Macron célébrera ce jeudi 10 juillet en matinée le rapprochement avec son voisin Keir Starmer afin de muscler communément leur lutte contre les sans-papiers.

Comme un prologue à ses discussions, la scène des gendarmes français lacérant au couteau un canot pneumatique faisant fuir des dizaines de migrants apeurés en partance pour le Royaume-Uni a suscité la polémique. Filmé par la BBC vendredi dernier, l’incident a aussitôt fait réagir le gouvernement britannique, qui s’est réjoui d’un « durcissement » des pratiques des forces de sécurité françaises. L’évènement n’est pas isolé : le 13 juin dernier, des policiers ont utilisé du gaz lacrymogène pour contraindre des familles qui tentaient la traversée à regagner la plage.

Vers un « changement de doctrine d’intervention »

Parmi les mesures qui seront discutées jeudi matin, la France envisagerait d’autoriser policiers et gendarmes à intercepter bien au-delà des côtes les embarcations en direction du Royaume-Uni. « Nous sommes extrêmement préoccupés : de telles pratiques, jusqu’alors interdites, risqueraient d’augmenter le nombre de blessés et de morts sur les côtes françaises » dénonce Michaël Neuman, responsable de l’unité migrations à Médecins du monde. Natalie Roberts, directrice générale de l’ONG au Royaume-Uni accuse son pays de « sous-traiter la gestion des frontières aux autorités françaises », le rendant alors « complice et coresponsable des violences meurtrières infligées. »

Cette mesure est pourtant attendue par Downing Street, pour qui la lutte contre l’immigration constitue un enjeu essentiel. Sous pression de l’extrême droite qui ne cesse de monter en puissance – en témoigne la victoire historique du parti Reform UK aux dernières élections locales – le gouvernement travailliste a multiplié ses tentatives de séduction : en mai dernier, le premier ministre Keir Starmer a promis de « reprendre le contrôle des frontières », invoquant le risque que la Grande-Bretagne devienne « une île d’étrangers ».

Alors qu’une loi sur la sécurité des frontières se trouve en cours d’examen au Parlement britannique, Londres fait pression sur Paris pour trouver un accord bilatéral. En France, la police n’est autorisée à intercepter les migrants en pleine mer que dans le but de leur porter secours. Mais une voie a été ouverte pour un « changement de doctrine d’intervention » le 27 février dernier, lors d’une conférence de presse du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et de son homologue d’outre-manche, Yvette Cooper. Le gouvernement travailliste attend donc des annonces en ce sens lors du sommet.

Selon les derniers chiffres du gouvernement britannique, plus de 21 000 personnes ont traversé la Manche dans la clandestinité depuis le début de l’année. Avec une répression policière qui s’intensifie, l’utilisation de bateaux de plus en plus petits pour échapper aux contrôles et de plus en plus de candidats au passage, les risques ne cessent de se multiplier. Au moins quinze d’entre eux sont morts avant d’atteindre l’autre rive, étouffés à bord des canots ou noyés pendant l’embarquement.

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