Les planètes étaient alignées ? Non, Tadej Pogacar en maître absolu de son sport les a alignées en personne. En champion omnipotent, le Slovène a réuni lui-même toutes les conditions nécessaires pour abattre ce fameux “mur du cent” au moment M. Pour le symbole, cela ne pouvait pas arriver sur la dernière étape du Critérium du Dauphiné, cédée gracieusement à Lenny Martinez. Pas question non plus de franchir ce cap dans l’anonymat d’un championnat de Slovénie, fin juin.
Non, cela devait se produire sur le Tour de France. « Il la voulait ici », confirme son manager Mauro Gianetti. Maillot de champion du monde sur le dos et face à ses deux plus grands rivaux, terrassés dans un sprint royal à Rouen. Mathieu van der Poel (2e), l’unique pilote capable de le regarder droit dans les yeux sur un Monument. Et Jonas Vingegaard (3e ), le seul à lui proposer une concurrence sur un Grand Tour.
Sa 18e victoire sur le Tour
« Je vis un rêve. C’est mon plus beau jour sur un vélo ». Ces mots datent du jeudi 21 février 2019. Pogacar a 20 ans et remporte son premier succès professionnel au sommet de l’Alto da Foia sur le Tour de l’Algarve. « Bien sûr que je m’en souviens. Même après cent victoires, je n’oublierai jamais », assure-t-il, « fier et heureux » de sa centième ce mardi. Sa dix-huitième sur le Tour, marque de la qualité de ses succès.
Mais avait-il seulement besoin d’abattre cette barrière symbolique pour devenir le plus grand ? Une chevauchée extraordinaire lors des derniers championnats du monde, et le roi Eddy Merckx en personne s’inclinait, chose inédite. « C’est évident qu’il est maintenant au-dessus de moi, confiait-t-il à L’Équipe. Je le pensais déjà un peu au fond de moi-même quand j’avais vu ce qu’il avait fait sur le dernier Tour de France, mais ce soir il n’y a plus de doute. »
Milan Sanremo et Paris-Roubaix lui résistent encore
Centenaire à 26 ans et après seulement sept années professionnelles. Seul Merckx et Freddy Maertens peuvent se targuer d’un tel accomplissement. “Pogi” pourrait bien atteindre un jour les 279 succès du Cannibale, mais l’époque était différente, ce nombre n’a pas grande importance. L’essentiel est ailleurs, dans ces derniers cadenas qu’il lui reste à faire sauter pour s’ouvrir les portes de l’éternité.
Inutile d’évoquer le Tour d’Espagne, le dernier des trois Grands Tours qu’il gagnera forcément un jour, peut-être même dès septembre. Non, il n’a plus que Milan Sanremo et Paris-Roubaix à cocher. Les derniers mythes sur la route d’un monstre capable de briller sur tous les terrains. Le premier se refuse à lui année après année, il n’en est qu’à ses premiers tours de roue sur les pavés du second.
Bien sûr, en insatiable compétiteur, il s’attèlera dès ce mois de juillet à remporter sa quatrième Grande Boucle (« on est là pour ça »). Puis la cinquième, la sixième… À collectionner les maillots de champion du monde et les Monuments. À empiler succès après succès, à battre record après record… Mais quand tomberont la Primavera et l’Enfer du Nord, alors il sera pour de bon le plus grand de tous les temps.