Keir Starmer a passé un mois de juin difficile. La politique que mène le Premier ministre britannique est faite de longues réflexions qui aboutissent à des stratégies pour les différents secteurs cruciaux du Royaume-Uni. Ces plans impliquent pour la plupart de lourds investissements de l’État rendus possibles par une diminution drastique des dépenses : 5 milliards d’économies étaient attendues cette année grâce à la réduction des aides sociales. Seulement, le travailliste a dû faire face à une fronde de ses députés les plus à gauche et a fini par capituler. Au mieux, 2,5 milliards d’économies seront réalisées… Mais au risque de voir les investissements réduits eux aussi de moitié.
Parmi les dizaines de plans et stratégies que l’échec du vote met en péril, il en est un, tout récent, et qui était très attendu : la stratégie industrielle britannique. Réalisée en silence depuis en un an à l’aide de centaines d’entretiens avec des industriels britanniques et étrangers, des chercheurs et des politiques de tous bords, la stratégie se veut bipartisane, afin de résister aux alternances. Elle affiche un objectif clair et puissant : faire du Royaume-Uni la première destination mondiale pour l’investissement productif.
Trois priorités et huit technologies
Le plan vise cible huit technologies dans lesquelles le pays doit investir massivement et être leader à moyen et long terme, afin de garantir une place de choix au Royaume-Uni sur l’échiquier économique mondial. Les IS-8 (pour industrial strategies), comme appelés dans le programme, sont : la fabrication avancée, les énergies vertes, les industries culturelles et créatives, la défense, le numérique, les sciences de la vie, les services financiers et les services professionnels. Si, à première vue, l’addition de ces huit secteurs prioritaires ressemble vaguement à l’ensemble de l’économie britannique, le plan stratégique suggère de s’attarder pour chaque domaine sur des technologies particulières qui mériteront des investissements. Ainsi de l’automobile, des batteries, des drones, du cinéma, des semi-conducteurs, etc.
Trois domaines transverses sont au cœur de la stratégie industrielle, car indispensables au renouveau du secteur : l’énergie propre (éolien, nucléaire, hydrogène ou encore pompes à chaleur), l’intelligence artificielle et les sciences de la vie (pharmaceutique, biotechnologie, etc.). Ce dernier secteur nourrit beaucoup d’attentes et d’investissements outre-Manche. L’objectif est de devenir leader européen en la matière.
Des leviers économiques
Le soutien à l’innovation sera colossal. 86 milliards de livres uniquement pour la recherche et développement. Chacun des IS-8 a une feuille de route pour les dix prochaines années avec des objectifs et des technologies à développer. Des pôles technologiques issus de partenariat public privé vont ouvrir dans des territoires clés. La stratégie industrielle était également l’occasion pour le Royaume-Uni de revoir l’aménagement de son territoire et ainsi de décider de développer des zones désertées, paupérisées, ou d’accélérer l’émergence de territoires déjà puissants ou prometteurs. Ainsi, des corridors vont être créés entre différentes grandes villes. De même, des clusters vont être unifiés : le Nord (Sheffield, Leeds, Manchester), les West Midlands, l’Écosse, le Sud-Ouest (Bristol pour l’aéronautique), et l’Est (Cambridgeshire, Peterborough).
Pour inciter les entreprises à investir, les coûts de l’énergie vont être diminués pour les activités électros intensives, de même que le raccordement au réseau sera accéléré. De grandes procédures de simplification des normes auront lieu ainsi que des incitations financières, afin de faire passer l’investissement privé de 21 à 39 milliards de livres par an d’ici à 2035. L’État lui-même sera un grand client, puisqu’il utilise sa puissance de commande pour soutenir les chaînes d’approvisionnement.
Recruter et former
Autre aspect essentiel qui ressort des 160 pages : la formation. Désormais, la formation sera alignée sur les besoins des IS-8 et une task force sera créée afin de recruter directement les meilleurs talents du monde. Dans le même temps, 275 millions de livres seront investis pour la formation technique, la création de nouveaux collèges d’excellence, les apprentissages adaptés et la promotion des carrières industrielles. L’État se fixe un objectif ambitieux de diversité, avec 35 % de femmes dans le secteur d’ici à 2035.