La décision du président Donald Trump d’envoyer davantage d’armes défensives à l’Ukraine fait suite à son mécontentement exprimé en privé envers les responsables du Pentagone, qui ont annoncé la semaine dernière une suspension de certaines livraisons. Cette suspension n’était selon lui pas correctement coordonnée avec la Maison-Blanche, affirment trois sources proches du dossier.
Le Pentagone a annoncé la semaine dernière qu’il retiendrait certains missiles de défense aérienne, des pièces d’artillerie à guidage de précision et d’autres armes promises à l’Ukraine, craignant, selon des responsables américains, une pénurie de stocks aux États-Unis. M. Trump a déclaré lundi que le pays doit envoyer davantage d’armes à l’Ukraine, annulant ainsi de facto cette décision.
Deux des personnes interrogées, s’exprimant sous couvert d’anonymat, ont indiqué qu’une certaine opposition à la suspension au sein du Pentagone existait avant l’annonce.
L’une des personnes a affirmé que M. Trump a été pris de court par cette annonce. La Maison-Blanche n’a pas répondu aux questions concernant une possible surprise du président face à la décision du Pentagone.
La suspension des livraisons d’armes a été annoncée à un moment difficile pour l’Ukraine, confrontée à une augmentation du nombre et de la complexité des bombardements russes en plus de trois ans de guerre. M. Trump l’a reconnu dans son annonce de lundi soir: «Ils doivent être capables de se défendre. Ils sont très durement touchés en ce moment.»
Changement de ton
Le président américain s’en est également pris au président russe Vladimir Poutine, suggérant qu’il prolongeait inutilement la guerre alors que M. Trump s’est dit déterminé à la conclure rapidement. M. Trump peine à trouver une solution, les négociations entre les deux parties étant au point mort.
Le chef républicain s’est montré de plus en plus exaspéré par le dirigeant russe ces derniers jours. Les deux hommes se sont entretenus par téléphone la semaine dernière.
«Poutine nous dit beaucoup de niaiseries, si vous voulez savoir la vérité», a déclaré le président Trump lors de la réunion du cabinet mardi. «Il est toujours très gentil, mais cela s’avère inutile.»
Il a menacé, sans succès, d’imposer de nouvelles sanctions contre l’industrie pétrolière russe pour tenter d’inciter M. Poutine à des négociations de paix.
Le sénateur Lindsey Graham, républicain de Caroline du Sud, a révélé la semaine dernière que le président lui avait donné le feu vert pour faire avancer un projet de loi qu’il coparraine et qui prévoit notamment l’imposition de droits de douane de 500 % sur les marchandises importées de pays qui continuent d’acheter du pétrole russe. Cette mesure aurait d’énormes répercussions pour la Chine et l’Inde, deux géants économiques qui achètent du pétrole russe.
M. Trump a indiqué mardi qu’il «examinait la question de très près».
Reprise des livraisons d’armes
La suspension des livraisons d’armes annoncée la semaine dernière a eu un impact sur les livraisons de missiles Patriot, de missiles GMLRS à guidage de précision, de missiles Hellfire, d’obus Howitzer et bien d’autres, prenant de court non seulement les responsables ukrainiens et leurs alliés, mais aussi les législateurs américains et d’autres membres de l’administration Trump, dont le Département d’État.
Le Pentagone a indiqué lundi soir que, sur ordre du président, il reprendrait les livraisons d’armes à l’Ukraine «afin de garantir que les Ukrainiens puissent se défendre pendant que nous travaillons à instaurer une paix durable et à faire cesser les massacres».
Son porte-parole, Sean Parnell, a tout de même noté que l’examen des livraisons militaires internationales, demandé par M. Trump, se poursuivait dans le cadre des priorités de défense «America First».
Le Pentagone n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.
Inventaire d’armement
Mardi, les différents groupes de l’armée continuaient de transmettre des informations sur leurs stocks de munitions spécifiques à la direction du Pentagone, a indiqué un responsable américain.
«Ils sont encore en train de faire le calcul», a-t-il ajouté.
Les résultats étaient présentés sur un graphique à feux tricolores – où les munitions affichaient un statut rouge, jaune ou vert, a-t-il précisé. Une étude antérieure avait conclu que certaines munitions pouvaient continuer à être envoyées à l’Ukraine, mais que d’autres atteignaient des niveaux inquiétants.
Obtenir un portait complet du nombre de munitions réellement disponibles prend du temps, a expliqué le responsable, car si les missiles Patriot, par exemple, appartiennent initialement à l’armée de terre, une fois qu’ils sont demandés et envoyés à un commandement de combat, comme le Commandement central américain, l’armée perd de vue ces quantités en stock.
La grande majorité des munitions et des armes expédiées à l’Ukraine ont été retirées de l’armée, qui a suivi de près les niveaux de production ces dernières années, notamment pour les articles très demandés, comme les obus d’artillerie de 155 mm et les missiles Patriot, destinés à la défense aérienne.
L’armée a eu plus de mal que prévu à accélérer la production de ces articles : elle visait à atteindre l’objectif de 100 000 obus de 155 mm par mois d’ici fin 2025, mais elle n’atteindra cet objectif qu’en 2026, a déclaré le porte-parole de l’armée, Steve Warren.
L’accélération de la production de missiles Patriot a également été difficile, a ajouté M. Warren.
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Les journalistes de l’Associated Press, Lisa Mascaro et Matthew Lee, ont contribué à cette dépêche.
Aamer Madhani, Seung Min Kim et Tara Copp, The Associated Press