Et si la lumière pouvait
surgir littéralement du vide ? Non, ce n’est pas de la science-fiction. C’est une
hypothèse soutenue par la physique quantique depuis plusieurs
décennies, mais qui vient tout juste d’être simulée avec un niveau
de détail inédit grâce à la puissance des supercalculateurs
modernes. Des chercheurs de l’Université d’Oxford viennent de
démontrer, par le biais de simulations numériques, que des
faisceaux lumineux pourraient émerger du vide lui-même— une idée
aussi vertigineuse qu’excitante.

Le vide, pas si vide que
ça

Lorsqu’on pense au vide, on
imagine un espace totalement dépourvu de matière, un néant absolu.
Pourtant, la mécanique quantique nous enseigne que le vide est loin
d’être inactif. Il est rempli de ce que l’on appelle des
fluctuations quantiques, des variations d’énergie spontanées et
momentanées qui donnent naissance à des particules et
antiparticules virtuelles, comme des électrons et des positons, qui
apparaissent et disparaissent en un clin d’œil.

Ce « bouillonnement » du vide
est à la base de nombreux phénomènes étranges et bien réels, comme
l’effet Casimir ou la polarisation du vide. Mais la création de
vraie lumière, des photons observables issus du vide, restait
jusqu’ici un phénomène purement théorique.

Faire jaillir des photons du
néant

L’équipe dirigée par la
physicienne Zixin Zhang, de l’Université d’Oxford, a utilisé des simulations 3D
ultraprécises grâce au logiciel OSIRIS pour explorer un phénomène
quantique prédictif appelé le mélange à quatre ondes dans le vide.
Le principe ? Faire interagir plusieurs faisceaux laser très
puissants dans le vide afin d’en générer de nouveaux, sans rien
ajouter d’autre que de la lumière elle-même.

Dans leurs modèles, trois
impulsions laser ultra-intenses traversent une région du vide et
viennent perturber les particules virtuelles qui s’y trouvent. Ces
interactions créent des effets non-linéaires : elles peuvent
modifier les propriétés des faisceaux, générer de nouvelles
longueurs d’onde et, surtout, faire émerger des photons observables
à partir des fluctuations du vide.

En clair : la lumière jaillit
littéralement de rien. Du moins, de « rien » au sens classique. Car
dans le monde quantique, le vide est loin d’être un espace
inerte.

Des lasers pour sonder les
profondeurs de la réalité

Évidemment, il ne s’agit pas
de n’importe quels lasers. Les simulations s’appuient sur des
impulsions multipétawatts, des puissances bien au-delà de tout ce
qu’on trouve dans notre quotidien. Un pétawatt équivaut à un
million de milliards de watts, soit environ 10 millions de fois la
puissance totale d’un réacteur nucléaire classique.

De telles puissances existent
déjà dans certains laboratoires de pointe, comme l’installation ELI
(Extreme Light Infrastructure) en Roumanie, capable d’émettre des
faisceaux de 10 pétawatts. Mais ce n’est qu’un début : le
Royaume-Uni prépare une nouvelle installation de 20 pétawatts, et
les États-Unis, via l’Université de Rochester, projettent un projet
(EP-OPAL) à deux faisceaux de 25 pétawatts. Ces futures plateformes
pourraient valider les prédictions de Zhang et de son équipe de
façon expérimentale.

Quand le vide devient un
milieu optique

Parmi les effets observés dans
les simulations, un phénomène bien connu des opticiens est apparu :
la biréfringence. Dans les matériaux classiques comme certains
cristaux, ce phénomène provoque un dédoublement de la lumière selon
son axe de polarisation. Mais ici, c’est le vide lui-même qui
devient biréfringent, sous l’effet de la polarisation extrême des
paires électron-positon virtuelles.

Dit autrement, le vide
commence à se comporter comme un matériau traversé par la lumière,
un milieu réactif à haute énergie. C’est une confirmation
spectaculaire que le vide est un système dynamique, capable de
modifier le comportement de la lumière — et même d’en créer.

Un pas vers une nouvelle
physique ?

Ces travaux ne remettent pas
en cause les lois actuelles de la physique, mais ils permettent
d’en sonder les limites. En simulant — et bientôt en reproduisant —
des effets non linéaires dans le vide, les chercheurs peuvent
tester la validité de la théorie quantique des champs dans des
conditions extrêmes. Et qui sait ? Peut-être qu’en poussant les
puissances laser encore plus loin, de nouvelles formes de matière
ou de lumière pourraient voir le jour.

En résumé

Oui, il est théoriquement
possible de produire de la lumière à partir du vide, sans
poussière, sans matière, sans énergie extérieure autre que celle
fournie par des faisceaux laser. Les simulations récentes de
l’équipe d’Oxford ouvrent une voie vers des expériences qui
exploreront les zones les plus étranges de la physique moderne, là
où le vide devient matière, et où la lumière peut surgir du
néant.