De l’eau coulant en continu sur l’asphalte, en pleine chaleur estivale. C’est le scénario ubuesque qui se joue dans l’allée d’accès aux maisons du lotissement Le Clos du Baou, chemin des Trigands à Saint-Jeannet.
Depuis plusieurs semaines, cette copropriété est en proie à une fuite importante. « Les dix propriétaires disposent d’un compteur individuel. Sur la voie principale, un tuyau amène l’eau à chacune des maisons, un second permet notamment de faire des vidanges. Le 30 mai, j’ai constaté une fuite au niveau de la vanne pour vidanger le réseau. Cette eau ne nous est pas facturée car elle se situe avant nos compteurs. J’ai appelé la régie métropolitaine Eau d’Azur pour l’informer. Un technicien s’est déplacé… pour nous dire que ce n’était finalement pas de son ressort d’intervenir », détaille Jean Teissier, porte-voix de l’Association syndical libre (ASL) du Clos.
« Nous sommes dans le flou »
Contacté, le service public de l’eau de la Métropole Nice Côte d’Azur renvoie la balle à l’envoyeur: « Il s’agit d’un réseau privé. Par le passé, la régie était déjà intervenue dans un contexte d’incertitude de domanialité. Dans le but de protéger la ressource, [nos services ont] réalisé un travail important d’identification des réseaux sur l’ensemble de [notre] périmètre. Depuis, des contacts ont eu lieu avec l’ASL pour les informer de leur responsabilité sur leur domaine ». Mais au sein de la copropriété saint-jeannoise, « aucun courrier indiquant ce transfert n’a jamais été reçu », réfute Jean Teissier. Propriétaire d’une villa depuis la construction du Clos du Baou il y a 21 ans, ce retraité a épluché les documents relatifs à la gestion de l’eau.
Dans le cahier des charges du lotissement, l’article 6 mentionne que le réseau d’alimentation en eau potable « est entièrement réalisé par la Compagnie concessionnaire locale », précisant que celle-ci « sera responsable de son ouvrage et en assurera l’entretien ».
Constituée en 2013, la régie Eau d’Azur reprend alors la compétence de l’eau sur les 51 communes de la Métropole. « Par la suite, ses services sont intervenus à diverses reprises. (…) Son règlement indique qu’il est interdit “de procéder à toute intervention sur les ouvrages de la régie (…), qu’ils soient situés en domaine public ou privé avant compteur » », pose Jean Teissier, document à l’appui. Sur Internet, le retraité a trouvé trace d’un litige similaire, jugé fin 2024 par la Cour administrative d’appel de Lyon: une fuite sur une canalisation de desserte générale d’un lotissement située avant les compteurs individuels… que la Métropole grenobloise refusait de prendre en charge. Cette dernière a été condamnée à verser plus de 4.000 euros de dédommagement à chaque plaignant. « La législation a évolué: aujourd’hui, les régies d’eau installent un compteur à l’entrée du lotissement et divisent la totalité de la consommation avec les copropriétaires. Or, nous n’avons pas ce type d’équipement et dépendons de l’ancienne réglementation. Je suis certain qu’on n’est pas seuls à vivre ce genre de flou », pose Jean Teissier, qui aimerait entrer en lien avec des personnes dans le même cas localement.
En attendant, l’eau coule toujours chemin des Trigands, en pleine chaleur estivale…