Comme chaque été ou presque, l’eau devient un sujet délicat. La raréfaction de la ressource et l’arrivée de nouveaux polluants nécessitent de mieux la gérer, de régler les conflits d’usage… et, surtout, de s’assurer de la meilleure gestion pour l’eau potable avec l’éternel débat entre délégation de service public (DSP) et régie. Au Mont-Valérien, une usine d’eau potable alimente le nord des Hauts-de-Seine, soit environ 600000 habitants, «l’équivalent d’une grande métropole régionale», compare Florent Casy, directeur général de Sénéo (ex-SEPG), le deuxième syndicat mixte producteur et distributeur d’eau en France. Créé en 1933, Sénéo a toujours confié à Suez, ex-Lyonnaise des eaux, une délégation de service public (DSP). Le syndicat semble toutefois vouloir desserer l’étreinte de son prestataire.


Après une dizaine d’années passées à renforcer ses capacités internes, avec la création d’une administration propre composée de 17 agents dédiés au pilotage et au contrôle de l’opérateur, Sénéo veut encore faire évoluer son mode de gestion. Un nouvel appel d’offre a été lancé, dont les cahiers des charges seront envoyés d’ici à la fin de l’été. L’heureux gagnant devrait être connu entre octobre et décembre 2026, pour un démarrage au 1er juillet 2027. A la clé, un contrat de neuf ans et demi et 400 millions d’euros.


L’objectif de Sénéo ? Réduire sa dépendance à un opérateur. «Nous avons adopté une nouveau plan stratégique à dix ans, prévient Florent Casy. Il en est ressorti que nous avons encore des points trop intégrés dans la délégation de service public. Nous ne sommes pas prêts, si l’envie nous venait, à passer en régie ou à changer de prestataire. Le coup d’après, on sera libre de choisir, c’est-à-dire d’avoir une délégation maîtrisée et réversible.» Alors que la supervision du réseau est aujourd’hui assurée par Suez dans son centre du Pecq, le syndicat ne s’interdit ainsi pas de développer son propre centre.


Le prochain contrat devra également évoluer vers un financement du service basé sur les mètres cubes d’eau consommés, mais également sur la performance, c’est-à-dire la sobriété. A ce sujet, le taux de couverture de la télé relève est aujourd’hui supérieur à 99%. «Nous voulons développer un service dédié pour aller vers la sobriété, indique-t-on chez Sénéo. Aujourd’hui, nous estimons à 10% le taux de fuite chez les particuliers.» Alors que la consommation baissait de 2% par an avant 2020, elle a tendance à remonter – ou du moins à baisser plus lentement (-1%) depuis le Covid-19 avec le confinement puis la généralisation du télétravail. Mais l’usine du Mont Valérien répond toujours aux fluctuations de la consommation.


Plus de 4000 analyses par an


L’unité de production produit 35 millions de mètres cubes avec 15 réservoirs de stockage et 1000 kilomètres de canalisations. L’usine de pompage se trouve également sur la commune de Suresnes, au niveau de l’écluse de la Seine. 105000 m3 sont distribués chaque jour et un tiers des besoins est acheté à deux autres producteurs de la région francilienne. «Nous produisons 100% d’eau conforme», assure Florent Casy. A son arrivée au Mont Valérien, l’eau est filtrée pour enlever les éléments les plus importants, comme les moules, de plus en plus nombreuses. S’il peut y avoir une pollution aux hydrocarbures liée à une fuite du réservoir d’une péniche ou une charge organique trop forte liée à l’assainissement, l’usine peut ralentir la production. Mais il n’y a, en moyenne, pas plus d’un arrêt par an.


Dans une première étape après la filtration, la phase de décarbonatation nécessite l’ajout de polymères et de soude pour précipiter le calcaire. Il est ensuite valorisé pour neutraliser l’acidité (pH) des terres en agriculture. Ensuite, la technologie Softazur C de Suez, permet de clarifier l’eau. Enfin, les filtres à charbon suppriment les micropolluants. Et les PFAS dans tout ça ? Ils sont bien analysés et supprimés, assure Florent Casy. «En février 2023, analyser un PFAS prenait un mois, aujourd’hui cela ne demande plus que 48 heures» remarque-t-il, rappelant que seul 5 à 10% des pollutions liées aux activités humaines se trouvent dans l’eau.


Sénéo et l’ARS (Agence régionale de santé) effectuent un nombre important de contrôles. En 2024, l’ARS a effectué 1530 contrôles sur les eaux distribuées, 140 sur les eaux traitées et 30 sur les eaux brutes. De son côté, Suez réalise 2500 contrôles.


usine Sénéo eau potable Mont ValérienPlus de 4000 analyses sont réalisée durant une année à l’usine Sénéo.


Et le taux de rendement du réseau de Sénéo atteint 92 à 94%, grâce à un taux de renouvellement des canalisations de 1,2 à 1,5% par an contre 0,7% en moyenne en France. L’âge moyen est de 52 ans et 12 millions d’euros y sont consacrés chaque année. «Nous n’avons pas de PVC, mais un mix de fonte et de PE-HD [polyéthylène haute densité, ndlr], précise le directeur général de Sénéo. Aujourd’hui nous privilégions la fonte et nous travaillons avec Pont-à-Mousson sur ce matériau pour en connaître la qualité qui varie selon les époques.» Le réseau est équipé de plus de 1500 capteurs qui alimentent des algorithmes de deep learning pour une meilleure prédiction.


Réutiliser les eaux usées et traitées


Et pour ne pas risquer dans les années futures devoir gérer la pénurie, Sénéo travaille à la pérennité des ressources. «Les ressources de la Seine n’augmentent pas et nous avons identifié l’usine de retraitement des eaux usées SIAAP [service public de l’assainissement francilien] de Colombes, qui rejette beaucoup d’eau et dont la ressource ne risque pas de se tarir.» La DERU 2 (directive-cadre sur les eaux résiduaires urbaines) impose un traitement renforcé ; par conséquent l’eau rejetée dans la Seine est de bonne qualité. Les deux parties ont signé un partenariat pour étudier la réutilisation de cette ressource.


Trois ans d’études sont prévus avec le Laboratoire eau, environnement et systèmes urbains (Leesu) et l’Institut européen des membranes (IEM) qui dépend de l’Université de Montpellier, où Sénéo recrute des thésards. Si les études sont concluantes, il restera le frein de la loi actuelle sur la réutilisation des eaux usées, à moins de reproduire le modèle de Vendée Eau avec le programme Joudain, «où l’eau est renaturée un certain temps avant d’être rendue potable».