Certains territoires sont particulièrement dépendants des exportations vers les États-Unis et pourraient être particulièrement fragilisés en cas de relèvement des surtaxes sur les produits européens, montre une étude de l’Insee.
Droits de douane suspendus dans certains pays, appliquées ailleurs, modifiées plus loin : depuis l’investiture de Donald Trump en janvier, la politique commerciale américaine vire au feuilleton. Aujourd’hui, c’est la date butoir du 1er août pour l’entrée en vigueur de nouvelles surtaxes qui fait trembler les partenaires européens des États-Unis. Quelles pourraient en être les conséquences concrètes pour l’économie française ? Dans sa dernière note de conjoncture, publiée le mois dernier, l’Insee analyse l’exposition des départements français à un éventuel choc douanier américain. Objectif : «mesurer l’impact potentiel d’un choc commercial sur l’emploi, en identifiant les secteurs et les territoires les plus exposés», précise Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture de l’Institut national de la statistique.
Et parmi les 101 départements que compte l’Hexagone, 11 semblent plus vulnérables. «La Haute-Garonne, la Seine-et-Marne et les Hautes-Pyrénées apparaissent comme particulièrement exposés, du fait des fortes exportations vers les États-Unis de produits aéronautiques, le secteur représentant, en outre, une part importante de l’emploi dans les trois départements», note l’Insee. En Seine-et-Marne, par exemple, les exportations vers les États-Unis représentaient presque 6 milliards d’euros en 2024, soit un quart des exportations du département francilien. Sur ces 6 milliards, 70% provenaient de l’aéronautique et du spatial (soit 4,15 milliards d’euros), d’après les données des douanes consultées par Le Figaro.
«La Loire-Atlantique pâtirait par ailleurs de sa spécialisation dans la construction de navires», note l’Insee. Les données montrent que 22% des exportations du département partaient pour les États-Unis en 2024. Les industries navale et aéronautique représentent quant à elles respectivement 52% et 23% des exportations du département. Le 44 agrège ainsi à lui seul la moitié des 27,8 milliards d’euros d’exportations de la région Pays de la Loire au cours de ces douze derniers mois. D’autres activités pourraient bien souffrir de nouvelles secousses en provenance des États-Unis. Certains départements seraient exposés «du fait de la chimie, de la pétrochimie ou de la pharmacie : c’est le cas du couloir rhodanien en particulier de la Drôme mais aussi du Bas-Rhin, de la Seine-Maritime, de la Somme et de l’Eure», indique ainsi l’Insee.
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Le cognac en première ligne
Mais il ne saurait être question de lire dans ce rapport un oracle pour l’avenir industriel du pays. «Cela ne signifie pas que ce risque se matérialisera nécessairement par des pertes d’emplois», juge Dorian Roucher. Par exemple, dans le secteur aéronautique, «les industriels ne sont pas particulièrement inquiets pour le moment», souligne-t-il. En effet, changer de fournisseur dans un domaine où le temps nécessaire pour réorienter une chaîne d’approvisionnement peut atteindre des décennies ne se fait pas en un claquement de doigts. En 2018, déjà, Boeing avait préféré payer les surtaxes pour continuer à s’équiper de moteurs français Safran, rappelle l’économiste.
Ailleurs, l’inquiétude est plus vive. En Charente, la dépendance des producteurs de cognac est énorme : près de 90 % des exportations du département vers les États-Unis concernent les «boissons», pour un total annuel de plus d’un milliard d’euros, selon les données de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Une menace qui s’ajoute à la pression douanière imposée par la Chine sur ses importations de cognac. Si, en 2024, les États-Unis ont absorbé 30 % des ventes à l’export du département, la Chine représentait, elle, 10 %. De quoi faire peser un double risque commercial sur un territoire où les boissons alcoolisées représentent à elles seules la moitié du commerce extérieur.
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Un impact modeste au niveau national
À l’échelle nationale cependant, l’impact macroéconomique resterait modeste, selon l’Insee. «Le commerce bilatéral avec les États-Unis pèse moins de 2% du PIB français, contre près de 4% pour l’Allemagne», souligne Dorian Roucher. «En France, le recul de la valeur ajoutée industrielle à long terme serait plus modéré (-0,2 %) ce qui, combiné avec le faible poids de l’industrie dans l’activité, explique l’impact modeste du choc tarifaire sur l’économie française via les canaux commerciaux», note ainsi le statisticien.
Par de quoi vraiment rassurer, alors que les premiers mois du mandat de Donald Trump ont ébranlé l’économie mondiale bien au-delà des couloirs commerciaux transatlantiques. Un autre constat lapidaire posé par l’institut dans sa note de conjoncture : «La période récente a notamment connu une chute du prix du pétrole, un décrochage des valeurs boursières mondiales, des tensions sur les marchés obligataires, une dépréciation du dollar vis-à-vis de l’euro et une hausse importante de l’incertitude économique. Ces effets se cumulent avec les canaux commerciaux évoqués plus haut.»