Invitée du deuxième entretien littéraire de l’été organisé par le Comité de liaison des associations du Brusc (CLAB) lundi soir à la Maison du patrimoine, Maryse Burgot, grand reporter à France Télévisions, est revenue sur ses trente années de terrain à travers son ouvrage Loin de chez moi. Un récit à la fois professionnel et intime, entre zones de guerre, émotions contenues et dilemmes personnels, lorsque l’on est à la fois reporter et mère.
Une exigence de lucidité
Dès les premiers instants, Maryse Burgot balaie les clichés du grand reportage. « Je n’ai aucune forme d’addiction à la guerre », dit-elle. Pas de dépendance au chaos, mais une exigence de lucidité. Une frustration aussi, face à la fermeture progressive des terrains: « L’Iran, l’Afghanistan, le Yémen, Gaza… La liste des pays où je ne peux plus aller s’allonge dangereusement », déplore-t-elle.
Lors de la rencontre, elle s’est dite « révoltée » par cette impossibilité d’exercer librement son métier: « Quand les journalistes ne peuvent pas aller voir, les récits sont biaisés. » Elle revient d’ailleurs d’un reportage en Turquie, où elle espérait franchir la frontière iranienne. En vain.
Le récit de Maryse Burgot est aussi traversé par les paradoxes de l’existence. En 2005, elle décide de s’éloigner des conflits pour privilégier sa famille. Elle s’installe à Londres. Peu après, trois bombes explosent dans le métro. « Je me demande si je ne transporte pas la guerre avec moi », explique-t-elle.
Elle évoque aussi cet épisode au lendemain du tsunami en Asie, où elle reste longuement devant la porte d’une famille française ayant perdu trois enfants. Elle y entre seule en laissant son équipe derrière elle, parle avec la mère, mais renonce à sortir le micro. « Il y a cette fausse image du journaliste qui pourrait vendre père et mère pour avoir un sujet. »
Du chaos des conflits aux coulisses du pouvoir
Même les coulisses du pouvoir n’échappent pas à son regard distancié. Elle était à l’Élysée la veille de la parution de Merci pour ce moment, le livre de Valérie Trierweiler. « Je me suis dit: est-ce possible qu’un président n’ait pas le courage de dire à une femme qu’il en aime une autre? », s’interroge-t-elle, déclenchant un rire dans la salle. « Finalement, ils sont tous pareils. »
Une profession sous tension
En conclusion, Maryse Burgot évoque un métier en pleine mutation: raréfaction des visas, essor de l’info en continu, déferlement de contenus sur les réseaux sociaux. Elle affirme suivre de nombreux comptes liés aux conflits, mais insiste: rien ne remplace le terrain, ni le travail rigoureux d’authentification fait en équipe. « On est terrifié à l’idée de laisser passer quelque chose de faux à l’antenne. »