Pour Aprilia, la tournure de la saison a radicalement changé dès le premier jour des essais de cette année. Deux chutes de Jorge Martín durant la première matinée de roulage ont vite effacé les sourires enthousiastes de cette rentrée des classes et il n’a pas fallu longtemps avant que les ambitions entourant l’arrivée du champion du monde en titre dans l’équipe s’effondrent.
Ce fut un coup de massue pour une équipe qui comptait sur ce recrutement premium pour franchir un nouveau cap et challenger Ducati, voir prétendre au titre à moyen terme. Toute la frénésie entourant le nouveau mariage a vite laissé place à l’inquiétude, avant d’en arriver même à basculer dans un conflit larvé avec le pilote lorsque celui-ci a émis le souhait de quitter Noale dès la fin de l’année. Entre-temps, il avait refait une apparition pour un Grand Prix, diminué physiquement et surtout blessé plus gravement encore à l’issue de ce qui aura été son unique week-end depuis son titre.
Ces événements ont logiquement eu des effets collatéraux de l’autre côté du stand. Marco Bezzecchi est lui aussi arrivé chez Aprilia cette année, poussé au changement par une voie d’accès à l’équipe d’usine Ducati devenue totalement bouchée. Seulement, celui qui était initialement vu comme un second couteau, censément destiné à évoluer dans l’ombre de son champion de coéquipier, s’est retrouvé propulsé à un poste inattendu.
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Lui qui n’avait jamais été impliqué dans le développement d’une MotoGP, il en a pris toute la responsabilité, pour une moto qu’il découvrait à peine. Une situation qui avait de quoi lui donner le vertige et qu’il a abordée prudemment d’abord, avant de gagner en confiance en endossant de façon de plus en plus affirmée son rôle de leader. Cinq mois plus tard, Bezzecchi peut se targuer d’avoir accroché une victoire à son palmarès et, plus largement, d’avoir trouvé sa place dans son nouvel environnement.
« En toute chose, il y a des avantages et des désavantages », constatait récemment le pilote italien. « Parmi les avantages, il y a clairement le fait de recevoir l’attention maximale de la part de tous. Je suis certain que j’aurais eue cette attention de toute façon, mais avoir tout le temps tous les ingénieurs de mon côté, c’est super. »
« Le revers, ça a assurément été de devoir développer la moto seul. D’abord, parce qu’il est toujours important d’avoir un second avis, et aussi parce qu’on aurait peut-être pu aller plus vite. Je dois dire cependant que Sava [Lorenzo Savadori, pilote essayeur et remplaçant de Jorge Martín, ndlr] a fait, et fait encore, un travail monstrueux. Sans lui, si j’avais été vraiment seul, je dois admettre que ça aurait été dur. Alors oui, je me suis retrouvé seul, mais pas totalement car j’ai eu Sava et toutes les personnes qui travaillent ici et à l’usine.”
Marco Bezzecchi occupe la sixième place du championnat, derrière cinq Ducati.
Photo de : Dorna
« Il y a du positif et du négatif au fait de se trouver dans cette situation », constate également le team manager Paolo Bonora au micro du site officiel du MotoGP. « Il est clair que la plupart de l’équipe travaille exclusivement pour lui. Bien sûr, nous travaillons aussi pour Savadori, mais Marco étant dans une si bonne position, il est nécessaire de faire en sorte qu’il y reste. »
« D’un autre côté, c’est difficile de gérer tous les tests de performances. Avec Lorenzo, nous restons concentrés en particulier sur la fiabilité et sur toutes les pièces qui conviendront aussi à Jorge dans la seconde partie de la saison. Mais c’est avec Marco que nous nous concentrons particulièrement sur la performance. Il a un gros poids sur les épaules mais je pense qu’il en est content, et ses retours sont très bons. »
La victoire comme une première récompense
Face à une Ducati rimant avec perfection, l’Aprilia progresse, le test post-course d’Aragón ayant notamment marqué une avancée notable. Néanmoins, la moto demeure quelque peu instable et Bezzecchi est toujours en difficulté en pneus neufs, ce qui se ressent encore dans ses qualifications.
Son obtention d’une place en deuxième ligne à Assen, une première pour lui avec la RS-GP, s’est tout de suite ressentie sur ses courses, avec à la clé une troisième place au sprint et une deuxième le dimanche, preuve s’il en était besoin que gommer durablement cette imperfection pourrait avoir l’effet d’un tremplin.
En attendant et en dépit du chemin restant à parcourir, Bezzecchi perçoit le fait d’avoir gagné dès son septième Grand Prix avec Aprilia comme une manière pour lui de récompenser l’équipe pour les efforts accomplis afin de l’aider à trouver sa place. « On n’est pas encore totalement au point sur tout, mais dans le même temps, on est de gros bosseurs alors on essaye de continuer comme ça et de progresser toujours plus », salue-t-il.
« Il était évident qu’il allait y avoir de la pression, c’est indéniable. Au final, on est le porte-drapeau d’une usine, alors la pression était là, et elle est encore là », admet le pilote, « mais elle vient aussi en grande partie de moi car je suis très exigeant avec moi-même. On y est arrivé à Silverstone et maintenant on continue à travailler pour le refaire le plus possible. »
Et comment le conflit opposant Jorge Martín et Aprilia s’est-il répercuté sur l’atmosphère qui règne dans l’équipe ? « Ça ne l’affecte pas », assure Bezzecchi, qui se dit épargné par les contrecoups. « Au final, ma relation avec Aprilia est extraordinaire. Ils m’ont très bien accueilli et toute l’usine travaille bien. Je ne peux qu’essayer de leur renvoyer la pareille en faisant le maximum à chaque virage, et c’est ce que je fais tous les week-ends. »
Une chose est certaine toutefois : lorsque Jorge Martín va réintégrer le stand, selon toute probabilité dès la semaine prochaine, il trouvera un coéquipier désormais plus sûr de lui et devenu central dans le programme d’Aprilia.
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