Il n’est pas sûr que la sieste soit un objet adéquat pour la philosophie, et pas davantage que les philosophes aient un lien particulier avec cette agréable trêve, bien que certains de leurs traités, quand ils sont lourds et abstrus, conduisent parfois à une suave somnolence. Puisqu’elle s’accompagne de sommeil – autrement elle ne serait qu’une rêverie – elle inclut plus d’imaginations, d’impressions, de visions ou de songes que de pensées rationnelles. Pourtant, on peut faire une histoire de la sieste, une sociologie, une géographie (par exemple la colonisation portugaise ne l’a guère implantée au Brésil, alors que la colonisation espagnole l’a diffusée partout en Amérique hispanophone, spécialement au Mexique). Chez les Latins, le jour, entre le lever et le coucher du soleil, était partagé en douze heures, de durée variable d’après les saisons, à partir de l’hora prima (vers 6 heures) : l’hora sexta tombait donc vers midi, l’heure la plus chaude, celle qui nécessitait une pause dans le travail (surtout à l’extérieur), exigeait qu’on se restaure, et, durant la digestion, qu’on somnole un peu. Dans les Evangiles, la sexte est associée à la crucifixion du Christ – moment où l’obscurité, de la sixième à la neuvième heure, recouvre la terre. Le sens religieux se retrouve aussi bien dans la liturgie (sexte est la prière chrétienne de l’office du milieu du jour) que dans les canons monastiques (l’ordre de saint Benoît fait obligation aux moines et moni