Publié le
9 juil. 2025 à 18h16
« Je n’en avais jamais parlé avant. » Au Fitness Park rue Marcadet, à Paris (18e), où les enceintes crachent un son qui sent bon les années 2000 ce drôle de lundi de juillet grisâtre et pluvieux, le sénateur de 45 ans et ancien adjoint à la maire de Paris en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés (entre 2014 à 2023), Ian Brossat, se confie auprès d’actu Paris sur sa passion insoupçonnée pour la musculation. De prime abord relativement terre à terre, la pratique intensive du candidat communiste à la mairie des Paris pour 2026 tisse en réalité un fil entre ses années au lycée, les projections de son père sur lui, un déjeuner avec Bertrand Delanoë et la nécessité d’avoir un exutoire lorsque l’on a une vie professionnelle aussi remplie que la sienne.
actu Paris : Sur WhatsApp, votre photo de profil révèle une facette de vous assez méconnue. On vous découvre musculeux, soulevant des haltères à la salle de sport. Qui a pris cette photo ?
Ian Brossat : C’est un pote qui travaille au Fitness Park Vincennes. Je l’ai rejoint, il a pris la photo et me l’a envoyée (sourire).
actu Paris : Vous avez ensuite décidé de la choisir comme photo de profil.
I.B : Sur WhatsApp, on peut mettre des choses un peu décalées. Ça m’amusait, c’était différent des photos officielles… Je suis obligé de porter la cravate trois fois par semaine au Sénat, ça change un peu.
J’ai failli passer à côté de la mention très bien au bac à cause du sport
Ian Brossat
actu Paris : C’est sûr… D’autant qu’on ne vous imagine pas aussi sculpté sous votre costume. C’est une remarque qu’on vous a déjà faite ?
I.B : On me le dit, oui. Après, je ne mets pas des costumes hyper serrés parce que je n’aime pas crever de chaud… Donc ça ne se voit pas.
Le sénateur enchaîne les répétitions au Fitness Park, rue Marcadet, lundi 7 juillet 2025. (©AD / actu Paris)
actu Paris : Pourquoi pratiquez-vous la musculation plutôt qu’un autre sport ?
I.B : C’est un peu un concours de circonstances. J’étais nul en sport dans ma scolarité. J’étais un littéraire, plutôt branché sur les livres. D’ailleurs, ma pire note au bac ça a été le sport et c’est à cause de ça que j’ai failli rater ma mention très bien. À cette époque, c’était pas mon truc, je l’avais mis de côté. Mais c’est resté dans un coin de ma tête, j’avais une revanche à prendre.
[Des années plus tard], en 2008, j’ai été élu président communiste au Conseil de Paris. Un jour, je déjeune au restaurant Le Bouledogue, dans le Marais, avec le maire, Bertrand Delanoë. Il voulait faire un point sur un certain nombre de sujets et notamment sur une interview que j’avais faite et qu’il n’avait pas appréciée. Il me dit : « Arrête de montrer les muscles que, par ailleurs, tu n’as pas ». Sur le moment je n’ai pas tilté, mais c’est resté dans ma tête comme une sorte de défi.
Ian Brossat s’est pris de passion pour la musculation à la sortie du Covid. (©AD / actu Paris)
Finalement, j’ai fait la connaissance d’un ami d’ami, fan de muscu et qui bossait en salle. Il m’a initié et c’est comme ça que ça a commencé. Avec le recul, je pense que les propos de Delanoë, additionnés à mes années de nullité en sport pendant le lycée, ont servi de déclic, même si ça a mis du temps.
C’est toujours un peu gênant quand la maire m’appelle et qu’il y a la musique de la salle en fond
Ian Brossat
actu Paris : Pendant votre scolarité, d’autres (professeurs, élèves) vous ont dénigré comme Bertrand Delanoë sur ce sujet ?
I.B : Non, j’ai eu des professeurs très gentils, mais je n’avais pas besoin qu’on me le dise, j’étais nul, c’est comme ça. Comme beaucoup d’enfants, j’ai été marqué par le moment où l’on constituait les équipes… J’étais toujours le dernier à être pris. Mais j’exagèrerais si je disais que ça m’a traumatisé.
actu Paris : Vous avez un peu commencé à en parler tout à l’heure, mais pourquoi avoir choisi un sport solitaire plutôt que collectif ?
I.B : Dans mon activité, je suis tout le temps en présence de gens et j’aime ça, mais j’ai aussi besoin de moments de respiration, pendant lesquels je suis seul avec ma musique. J’ai besoin d’un sas de solitude. La salle, ça me permet ça, même si, une ou deux fois dans la semaine, j’y vais avec des amis et que mon téléphone reste toujours allumé…
Il m’arrive de répondre à des interviews ou de caler des choses avec mes collaborateurs. C’est toujours un peu gênant, d’ailleurs, quand la maire m’appelle ou que j’ai coup de fil de collègues et qu’il y a la musique de la salle en fond (rire).
L’élu communiste pianote sur son smartphone entre deux séries. (©AD / actu Paris)
actu Paris : Est-ce que le fait de vous être mis à la musculation vous permet aujourd’hui d’être moins atteint par des petites piques ordinaires comme celle de Bertrand Delanoë à l’époque ?
I.B : Je crois qu’on se voit toujours comme on était avant. J’ai changé de taille de chemise, mais dans le fond ça ne règle pas tout.
actu Paris : Il vous arrive de pratiquer en extérieur ? De faire du street workout ?
I.B : Non.
actu Paris : Pourquoi ?
I. B : (Il réfléchit) Je ne saurais pas vous dire, je ne me suis jamais posé la question. En salle, j’ai ma routine, je connais les machines, il y a les poids, il y a moins d’aléas. Vu le rythme de mes journées, c’est important d’avoir une routine. Mes collaborateurs savent que j’ai plus ou moins une heure par jour réservée à ça, pendant laquelle je n’ai pas de rendez-vous. Dehors, il y a des aléas, la météo…
J’ai besoin de cet exutoire
Ian Brossat
actu Paris : Vous vous entrainez à quelle fréquence ?
I. B : Entre 50 minutes et une heure, cinq fois par semaine.
actu Paris : Vous vous êtes déjà blessé ?
I. B : Il y a deux ans j’ai eu quelque chose d’assez pénible : une capsulite. Je ne pouvais quasiment plus lever le bras droit. C’était beaucoup de douleur, il a fallu m’immobiliser l’épaule… C’était juste avant d’être élu sénateur. Je quittais mon poste d’adjoint au maire en charge du logement, j’en étais assez triste et mon médecin du sport est persuadé que ça a été l’élément déclencheur, que c’est à cause du stress que je me suis blessé.
Ian Brossat reprend son souffle. (©AD / actu Paris)
C’est une période qui m’a vraiment déprimé parce que je ne pouvais plus bouger… Mais en politique, on se doit de donner le change et puis il y a toujours plus grave, donc on ne peut pas se permettre « de montrer ». Avec le temps, j’ai progressivement pu reprendre grâce à deux supers kinés qui m’ont aidé à m’en remettre. Ils m’ont incité à poursuivre avec le sport. Il a fallu que j’en passe par du cardio, puis j’ai petit à petit repris la musculation.
Aujourd’hui, je fais plus d’échauffements, je fais aussi plus attention de manière générale. Mais c’est là qu’on se rend compte que le sport devient une espèce de drogue. Devoir m’arrêter ça m’a vraiment traumatisé. J’ai besoin de cet exutoire. Je sors peu, je ne vais jamais en boîte, je ne fume pas, je ne bois pas… Il me faut une activité, autre chose que la politique.
Mon père voulait que je fasse du sport
Ian Brossat
actu Paris : Enfant, ça a été quoi votre premier sport ?
I. B : J’ai fait du tennis et j’étais nul. Mon père voulait que je fasse du sport. Il faisait du foot tous les week-ends, je l’accompagnais au parc de Sceaux quand j’étais gamin et moi, ils m’ont inscrit au tennis. Mais j’ai assez vite arrêté et j’ai fait du dessin.
actu Paris : Vous êtes issu d’une famille sportive ?
I. B : J’ai été élevé en réalité essentiellement par ma mère. Mes parents étaient divorcés et pour ma mère ça n’avait pas plus d’importance que ça. Pour mon père, ça l’était, mais il n’a pas atteint son objectif tout de suite puisque je m’y suis mis tard (rire). Il avait envie que je fasse du sport. Je pense qu’il devait désespérer un peu… Mais je m’y suis mis avec vingt ans de retard (sourire).
Ian Brossat est le fils de Sylvia Klingberg, ancienne sociologue à l’INSERM et militante du groupe d’extrême gauche israélien Matzpen ayant émigrée en France dans les années 1980. (©AD / actu Paris)
actu Paris : Cette fois, le choix venait de vous. Ce qui fait toute la différence.
I. B : Exactement.
C’est une solitude relative, mais elle me fait du bien
Ian Brossat
actu Paris : Aujourd’hui, qu’est-ce que le sport représente pour vous ? Vous avez parlé d’un « exutoire », d’un « sas de solitude », c’est aussi l’occasion de se reconnecter à ses sensations ? De ne pas être que sur l’intellect.
I. B : C’est un endroit où j’évacue le stress, où je me retrouve seul avec ma musique et où j’essaie d’un peu oublier le reste. Même si c’est illusoire, parce que je reçois quand même des messages sur WhatsApp ou des coups de fil, qu’il m’arrive de croiser des gens que je connais dans la salle. C’est une solitude relative, mais elle me fait du bien malgré tout.
En 2008, Ian Brossat était devenu le plus jeune président de groupe du Conseil de Paris. (©AD / actu Paris)
actu Paris : On peut en savoir plus sur votre playlist ?
I. B : Joker, c’est la seule question à laquelle je ne répondrai pas.
actu Paris : Vous êtes matinal ou plutôt du soir ?
I. B : C’est rarement au même moment, ça dépend de mon emploi du temps. Dès que j’ai une heure libre, je vais à la salle. C’est aussi l’avantage d’être dans une chaîne, que je sois à Paris ou en déplacement, je peux trouver un Fitness Park à proximité.
Si je ne fais pas cinq séances par semaine, je culpabilise
Ian Brossat
actu Paris : C’est donc assez central.
I. B : Totalement. Si je ne fais pas cinq séances par semaine, je culpabilise. Même pendant les vacances.
actu Paris : À quoi ressemble votre routine ici ?
I. B : Je fais un ou deux groupes musculaires par séance et je tourne, ou j’essaie de pallier des insuffisances. Par exemple, je faisais peu les trapèzes, donc je m’y suis remis. Grossièrement, je fais cinq exercices par séance et quatre séries à chaque fois.
actu Paris : Il y a un exercice qui vous fait plus souffrir que les autres ?
I. B : Je ne fais pas de développé couché à la barre. Je ne sais pas pourquoi, j’ai un blocage psychologique. Du coup, je le fais avec des haltères.
L’ancien adjoint au logement d’Anne Hidalgo est le petit-fils d’un scientifique israélien, agent du KGB. (©AD / actu Paris)
actu Paris : Pourquoi Fitness Park plutôt qu’une autre chaîne ?
I. B : J’avais des amis qui y travaillent donc c’est comme ça que j’y suis entré et comme je suis un garçon attaché à sa routine, je suis resté.
actu Paris : Vous avez une anecdote sportive, un souvenir qui sort de l’ordinaire ?
I. B : Je suis tombé sur un ancien élève, ici. Avant d’être élu, j’ai été professeur cinq ans à Sarcelles et on s’est retrouvé là, plus de vingt ans après. Ça m’a ému. Je me souvenais de son nom, mais je ne l’aurais pas reconnu, c’est lui qui est venu me voir. Par rapport à ça, c’est assez drôle parce que les gens qui me reconnaissent dans les vestiaires me demandent souvent ce que je fais là. Alors que « je viens [juste] faire mon sport » (sourire).
Les bonnes punchlines on ne les trouve jamais quand on les cherche
Ian Brossat
actu Paris : Est-ce qu’avoir une pratique intensive comme ça, c’est répandu chez les élus ? Vous avez déjà fait de la musculation avec l’un d’eux ?
I. B : Pas vraiment. Il y en a beaucoup qui font du running. La salle, pas trop. Des collaborateurs d’élus, oui. Il y a des députés aussi, pas forcément ceux dont je suis le plus proche.
Agrégé de lettres, il a enseigné dans le Val-d’Oise entre 2003 et 2008. (©AD / actu Paris)
actu Paris : C’est déterminant d’avoir un autre univers quand on a une carrière aussi prenante ?
I. B : Pour moi la politique c’est plus qu’un métier, ça occupe tout mon temps. Plus que la politique, l’engagement. Ça ne me quitte jamais, ma journée de travail ne se termine jamais. Quand je suis chez moi, je continue. Les gens peuvent m’appeler, je règles des problèmes, donc vu la place que ça a dans ma vie, je pense que c’est utile d’avoir au moins un sas d’une heure dans la journée où l’on fait autre chose.
actu Paris : Le fait de se reconnecter à ses sensations, de lâcher prise, ça peut aussi permettre de faire émerger des idées, de résoudre des problèmes.
I. B : C’est sûr. Ça donne des idées, des formules. Les bonnes punchlines, on ne les trouve jamais quand on les cherche.
actu Paris : Si vous étiez élu maire de Paris, vous continueriez à venir à Fitness Park ?
I. B : Oui, ça ne changerait pas. Quand les gens me reconnaissent, ils m’approchent toujours de manière bienveillante et le temps ça se trouve.
actu Paris : Dans votre programme justement, il y a une mesure phare pour le sport à Paris ?
I. B : On continue de manquer d’équipements sportifs par rapport à la densité de population et au nombre de gens qui voudraient pratiquer. Avec mon collègue Nicolas Bonnet-Oulaldj, l’adjoint au commerce, on a travaillé sur l’idée d’une ceinture sportive autour de Paris, qui consisterait à surélever les équipements sportifs existants pour en créer des supplémentaires, sans densifier les sols puisque, par définition, ils sont déjà artificialisés. C’est ce qu’on en train de faire actuellement dans le 12e arrondissement et je pense que c’est un modèle à dupliquer.
actu Paris : Pour les sports en extérieur, comme l’athlétisme, le risque c’est d’hyperventiler à proximité du périphérique.
I. B : À terme, le périphérique mutera. On doit mener les deux batailles en même temps. On a d’une part besoin de créer de nouveaux équipements, mais aussi de continuer à transformer le périphérique.
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