Le Parlement britannique a adopté samedi en urgence une loi permettant au gouvernement de prendre le contrôle des deux derniers hauts fourneaux du pays menacés de fermeture imminente par leur propriétaire chinois.

Le texte, qui faisait l’objet d’un vaste consensus, a été adopté en quelques heures par les deux chambres qui avaient dû exceptionnellement rentrer de vacances et siéger un samedi. Il doit désormais recevoir l’assentiment royal, une formalité.

Cette convocation du parlement témoignait du caractère « unique » et « exceptionnel » de la situation, selon le ministre du Commerce Jonathan Reynolds. Quelque 2 700 emplois sont en jeu.

La nationalisation, une « option probable »

La loi adoptée permet au gouvernement de maintenir l’activité sur le site de Scunthorpe (nord de l’Angleterre), propriété du chinois Jingye, en forçant British Steel à la poursuite de l’activité sous peine de sanctions.

Après son approbation, le Premier ministre Keir Starmer a déclaré que son administration « tournait la page d’une décennie de déclin » et « agissait pour protéger les emplois de milliers de travailleurs ».

Il a insisté sur le fait que « toutes les options sont sur la table pour assurer l’avenir de l’industrie », après que Jonathan Reynolds a indiqué que la nationalisation restait « sur la table » et était une « option probable ».

Le ministre du Commerce a toutefois souligné que le gouvernement ne pourra « pas financer à long terme la transformation de l’entreprise ». La valeur économique de l’usine est « proche de zéro », a-t-il dit.

Plus de 800 000 € de pertes chaque jour

British Steel, qui emploie 3 500 personnes en Angleterre, a annoncé fin mars son intention de fermer début juin ses deux hauts fourneaux, ses opérations de fabrication d’acier et de réduire la capacité du laminoir à acier de Scunthorpe.

L’entreprise qui dit avoir investi depuis 2020 plus de 1,2 milliard de livres sterling sur ses sites, a fait valoir que ces deux hauts fourneaux, les derniers d’Angleterre, ne sont plus rentables. Elle affirme perdre 700 000 livres (814 000 €) par jour.

Selon Jonathan Reynolds, les négociations entamées depuis plusieurs mois n’ont rien donné. « Bien que notre offre à Jingye ait été substantielle, ils voulaient beaucoup plus », a-t-il déclaré, ajoutant que le gouvernement avait notamment proposé « d’acheter des matières premières (…) pour maintenir les hauts fourneaux pendant un certain temps ».

Jingye réclamait « des centaines de millions de livres », avec le risque que ces millions et d’autres actifs soient transférés en Chine, a-t-il ajouté.

« Au cours des derniers jours, il est devenu clair que l’intention de Jingye était de refuser d’acheter suffisamment de matières premières pour maintenir les hauts fourneaux en fonctionnement », a-t-il ajouté, dénonçant son but de « fermer de manière irrévocable et unilatérale ».

Critiques des conservateurs

Le parti conservateur a accusé le gouvernement d’avoir fait capoter les négociations avec l’entreprise chinoise. Leur cheffe de file, Kemi Badenoch, qui a été ministre du Commerce sous le précédent gouvernement, a accusé les travaillistes d’avoir « bousillé » un projet d’accord, qu’elle affirme avoir en son temps négocié.

La secrétaire d’État à l’Industrie, Sarah Jones a assuré samedi matin sur la chaîne Sky News que la prise de contrôle de l’État ne serait pas financée par des hausses d’impôts. Le gouvernement compte piocher dans un fonds de 2,5 milliards de livres (2,8 milliards d’euros) spécialement créé pour soutenir le secteur.

La menace de fermeture des derniers hauts fourneaux a ravivé le traumatisme de la fermeture, en septembre 2024, de la plus grande aciérie du Royaume-Uni, à Port-Talbot au pays de Galles, avec la perte de 2 800 emplois.