Va-t-on assister à un tournant historique dans la dissuasion nucléaire occidentale ? La France et le Royaume-Uni ont annoncé une coordination inédite de leurs forces nucléaires, dans un contexte de tensions croissantes sur le continent européen. A la veille d’un sommet bilatéral à Londres, Emmanuel Macron et Keir Starmer ont entériné une nouvelle doctrine stratégique : leurs arsenaux respectifs restent indépendants, mais pourront désormais être coordonnés pour répondre à toute menace majeure contre l’Europe.

Cette évolution majeure sera formalisée jeudi par la signature d’une déclaration commune entre les deux dirigeants, à l’occasion de la visite d’Etat du président français au Royaume-Uni. Elle marque la première révision de leur posture nucléaire conjointe depuis la déclaration de Chequers en 1995, alors que la guerre en Ukraine et les incertitudes sur l’engagement américain dans l’Otan rebattent les cartes de la sécurité en Europe.

« Puissance des forces nucléaires »

« Il n’existe aucune menace extrême sur l’Europe qui ne susciterait une réponse des deux pays », préviennent Paris et Londres dans un communiqué commun. Les deux capitales précisent qu’un adversaire visant les intérêts vitaux de l’un ou l’autre pourrait être confronté à la « puissance des forces nucléaires » des deux nations.

La décision de recours à l’arme atomique reste, bien sûr, du ressort souverain de chaque Etat. Mais cette coordination stratégique sera désormais encadrée par un nouveau groupe de supervision nucléaire, coprésidé par l’Elysée et le Cabinet Office britannique. Sa mission : approfondir la coopération sur les politiques, les capacités et les opérations nucléaires.

Un signal fort avec d’autres annonces

Cette déclaration constitue le principal signal fort du sommet bilatéral franco-britannique, accueilli à Downing Street. Elle s’accompagnera d’annonces sur le front militaire conventionnel : accélération du programme conjoint de missiles de croisière Scalp/Storm Shadow, et lancement d’une nouvelle phase pour les futurs missiles antinavires et missiles de croisière (FMC/FMAN).

Notre dossier sur les armes nucléaires

La coopération militaire entre les deux pays repose déjà sur les accords de Lancaster House (2010), qui ont donné naissance à la force expéditionnaire conjointe (CJEF). Celle-ci devient désormais le socle de la « coalition des volontaires », un groupe de 30 pays initié début 2025 par Paris et Londres pour renforcer l’aide militaire à l’Ukraine et poser les bases d’un futur cessez-le-feu.