Il est une phrase d’enseignant bien connu des élèves qui s’agacent de ne pas tutoyer les sommets de la notation : « Je ne mets jamais au-dessus de 16/20. Parce que 20/20, c’est Dieu. 19, c’est trop proche de Dieu. 18, c’est moi. Et 17, c’est trop proche de moi. »
Une phrase qui semble avoir vécu, tant les mentions Très Bien du baccalauréat – il faut une moyenne supérieure à 16/20 – ont explosé ces vingt-cinq dernières années. Car comme chaque élève l’a bien appris avant de composer en philosophie, « Dieu est mort », et cela depuis Nietzsche.
Plus d’un élève sur dix a la mention TB en filière générale
Reste que du temps, le taux de mentions Très Bien au baccalauréat en filière générale à connu une hausse de 1.000 % en vingt-cinq ans. Si les bacheliers de l’an 2000 n’étaient que 1,3 % à décrocher cette marque d’excellence, ils étaient 13,7 % en 2024, selon des données de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de l’Education nationale (DEPP).
Une évolution qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs, relève auprès de 20 Minutes Claude Lelièvre, historien de l’éducation : « Tout d’abord, il faut observer que cette croissance s’est effectuée entre l’année 2000 et 2012, et évolue depuis sur un plateau. En premier lieu, il y a le rôle des options facultatives, ces matières qui vous donnent des points si vous obtenez une note au-dessus de 10 dont se sont vite saisis les élèves de la filière scientifique. »
Une notation « alignée » sur le bac S
Et il en existe de nombreuses et variées, apparues au mitan des années 1990 pour deux autorisées à présenter au bac : ce peut être une épreuve de sport, comme la course d’orientation, artistique, comme le théâtre, ou plus classique comme le latin ou le grec. Un système qui a donné des notes supérieures à 20/20, avec un record de 21,39 atteint en 2018 dans un lycée de Corrèze. Un système réformé à partir de 2021, qui a introduit le contrôle continu et a intégré ce jeu des options facultatives bonus (à l’exception du latin et du grec) dans la quote-part des 10 % du bulletin scolaire, explique le site de L’Etudiant.
Seconde raison avancée par Claude Lelièvre, une prise de conscience des enseignants correcteurs des filières économique et sociale et littéraire, « qui ont aligné progressivement leur notation sur celle de la filière scientifique pour ne plus paraître dévalorisée », et « où la hausse des mentions Très Bien est arrivée après celle des bacs S ».
Hausse de 400 et 800 % de TB pour les bacs pros et technos
Car à l’inverse des matières scientifiques, où le résultat d’un calcul est juste ou faux, donnant lieu à l’attribution ou non des points, les notes des épreuves littéraires – histoire, philosophie, français, sciences économiques et sociales – sont davantage soumises à l’interprétation des correcteurs, qui pouvaient être réticents à l’idée de mettre des 18, 19, ou 20/20.
Aussi, l’historien de l’éducation a souhaité battre en brèche l’idée que cette hausse des mentions serait liée « à effet mécanique de démocratisation d’un bac qu’on donnerait à tout le monde. Car le boom des mentions a commencé au début des années 2000, bien après la démocratisation du bac général », qui concernait 10 % d’une classe d’âge en 1960, 32,5 % en 2000 et 37 % en 2012 (pour 43 % aujourd’hui), selon des données du gouvernement.
Enfin, il peut être utile de comparer ces chiffres avec ceux des filières professionnels et technologiques où les taux de mention Très Bien, s’ils ont augmenté, restent très bas, passant respectivement de 0,4 % en 2000 à 1,6 % en 2024 pour les bacs pros (+ 400 %) et de 0,3 à 2,4 pour les bacs technologiques (+ 800 %). Une illustration de notre système scolaire, « où les élèves considérés comme moins bons sont orientés dans ces filières et où les correcteurs ne donnent pas de notes hautes à ceux considérés comme moins bons ».