Au terme des 52 tours de la course du Grand Prix de Grande-Bretagne, Nico Hülkenberg s’est enfin offert le podium qu’il n’avait jamais connu en Formule 1. Plus de 15 ans après ses débuts dans le championnat du monde, alors auréolé du statut de grand espoir, il lui aura donc fallu attendre ses 37 ans pour goûter au champagne en discipline reine.

En dépit de conditions changeantes, la fin de course de l’Allemand aura été limpide : après le Safety Car, le pilote Stake Sauber était en quatrième position. Il a alors profité des difficultés de plus en plus importantes de Lance Stroll – et de l’autorisation du DRS – pour le dépasser au 34e tour, tout en résistant ensuite à Lewis Hamilton, que ce soit à la fin du relais en pneus intermédiaires ou lors du dernier relais en pneus slicks.

Le moment véritablement décisif pour Hülkenberg est en réalité intervenu dans les premiers tours de l’épreuve. Dix-neuvième sur la grille de départ, il a déjà gagné des positions grâce au passage par les stands de cinq pilotes, qui ont choisi de troquer leurs pneus intermédiaires contre des slicks dès la fin du tour de formation. Mauvaise pioche. Ensuite, il gagnera trois autres places : d’abord en prenant l’avantage sur Stroll, puis en profitant d’un accrochage devant lui qui ralentira Esteban Ocon et causera l’abandon de Liam Lawson.

Stroll, le premier pari payant
Lance Stroll, Aston Martin Racing

Lance Stroll, Aston Martin Racing

Photo de: Andy Hone / LAT Images via Getty Images

Onzième au moment où la Virtual Safety Car sera déclenchée pour l’immobilisation du Néo-Zélandais, Hülkenberg va gagner une nouvelle place quand Kimi Antonelli fera le choix de passer par les stands à son tour pour chausser des pneus slicks. Une décision étonnante car même si les conditions étaient séchantes, la piste demeurait humide dans certaines zones sensibles et, surtout, la VSC – en plus de ne pas permettre de chauffer correctement les pneus – n’allait pas favoriser l’assèchement de l’asphalte par rapport à une situation sous rythme de course.

Aux sixième et septième tours, moment de la seconde VSC pour l’abandon de Gabriel Bortoleto, Hülkenberg est toujours dixième. C’est alors dans le clan Aston Martin que l’on tente un pari : Stroll, 11e et avant-dernier pilote en pneus intermédiaires, fait le choix de chausser les pneus slicks tendres.

L’idée est simple et la prise de risque minime : à ce stade, la pluie va revenir à coup sûr mais la piste est quasiment suffisamment sèche pour que les slicks fonctionnent. En profitant du temps gagné par l’arrêt sous VSC et du fait qu’il ne perdra qu’une position sur la piste (puisque les pilotes passés aux slicks en début de course ont perdu énormément de temps), le Canadien espère donc gagner le plus de temps et de places possible en maximisant son rythme. 

Ce sera bien le cas : après une phase de mise en température, Stroll gagne du temps à partir du huitième tour. Au neuvième tour, il dépasse Ocon dans le premier secteur, avant de rattraper Hülkenberg et de le doubler avant Maggotts.

Hülkenberg, l’instinct de désobéissance

Dans le laps de temps avant que Stroll ne le rattrape, les conditions ont – comme prévu – recommencé à se dégrader en piste. C’est alors qu’intervient une série d’échanges décisifs entre Hülkenberg et son ingénieur de course, Stephen Petrik.

Il est important pour poser le contexte de mettre l’accent sur le fait que l’écurie a conscience que la situation est très mouvante en piste, mais que si les choses doivent changer, ce sera pour aller vers plus de pluie. Aussi, Stake Sauber fait rapidement le choix, et l’indique à son pilote, de se tenir prête à intervenir avec un train de pneus intermédiaires neufs, quel que soit le choix final d’Hülkenberg sur le moment de la rentrée :

Petrik : De la pluie est rapportée au virage 7. On s’attend à ce que ça dure dix minutes. Et dis-moi si un train d’inters neuf te convient. On est prêts.
Hülkenberg : Oui, je pense. Ça dépend de l’intensité.
Petrik : Eh bien, on pense que ce sera la même intensité que lors des tours de mise en grille.
Hülkenberg [surpris par le dépassement de Stroll] : Putain, je n’ai pas du tout vu Stroll venir. Ça aurait été bien de m’avertir.

Quelques instants plus tard, l’Allemand décide de s’en remettre à son ingénieur : 

Hülkenberg : Dis-moi quoi faire.
Petrik : Et reste en piste, reste en piste.

Nico Hulkenberg, Sauber

Nico Hulkenberg, Sauber

Photo de: Zak Mauger / LAT Images via Getty Images

Cependant, même si Stroll vole sur la piste, l’arrivée en fin du circuit permet de constater que la pluie qui commence à redoubler d’intensité pose problème : les pneus intermédiaires usés vont avoir beaucoup de mal à évacuer efficacement l’eau. Quand bien même il était incertain sur la marche à suivre, au point de remettre la décision entre les mains de son ingénieur, Hülkenberg a désormais l’intuition qu’il faut rentrer :

Hülkenberg : Mon dieu, ces pneus sont niqués. Box, je rentre au stand. Pit lane.

Son équipe, bien qu’elle lui ait conseillé de faire l’inverse, était quoi qu’il arrive prête à le recevoir – ce que le pilote savait – et pouvait en sus profiter de sa dernière position dans la ligne des stands pour le voir venir. Hülkenberg est le seul pilote qui s’arrêtera à ce moment de la course pour chausser un second train d’intermédiaires, il ressortira 15e. 

Au tour suivant, Stroll, alors huitième, fera de même – effectuant alors son second arrêt. Une stratégie agressive mais payante puisque qu’en dépit de son passage supplémentaire par les stands, il reprendra la piste devant Hülkenberg.

Au 11e tour, huit des neuf premiers pilotes en piste vont alors s’arrêter. Factuellement, et même si c’est toujours plus facile à dire avec le recul, c’est un à deux tours trop tard. En tête, cela ne changera pas grand-chose aux positions des leaders, mais cela va changer énormément de choses derrière : Stroll et Hülkenberg dépassent dans la manœuvre Fernando Alonso, Pierre Gasly et Hamilton. Le duo prendra ensuite vite l’avantage sur Ocon, qui avait fait le choix de ne pas s’arrêter, et profitera du passage au stand d’Alexander Albon.

Il ne manquera plus que le dernier élément imprévu, à savoir le tête-à-queue de Max Verstappen à la relance du Safety Car, pour placer Stroll et Hülkenberg en lutte pour la dernière place sur le podium. Et en fin de course, c’est le timing parfait du passage aux pneus slicks, un tour après Hamilton, qui scellera le premier podium en F1 de l’Allemand.

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