Leur rapide déclin puis leur fermeture en début d’année après un démarrage enthousiasmant avaient causé l’émoi à Saint-Etienne et au-delà, qui plus est dans un contexte de difficultés croissantes pointée par les commerçants du centre-ville. Biltoki et son concept de Halles marchandes gastronomiques appliquée aux Halles Mazerat, n’aura donc tenu que 4 ans. S’il s’agit d’une propriété de la Ville de Saint-Etienne, c’est le promoteur local Inovy, auteur des travaux de rénovation, qui est titulaire du bail emphytéotique et donc concède l’occupation des lieux. Comme il l’avait promis, un nouveau concept s’y installe, celui déjà rodé à Lyon de « La Commune » d’un « incubateur culinaire ».   

Les Halles Mazerat de Saint-Etienne fermées depuis février et le constat d’échec de l’opérateur Biltoki. ©JT / If Saint-Etienne

Les « quelques jours » se sont transformés en semaines puis en mois. Mais la « nouvelle » d’une suite garantie aux Halles Mazerat, annoncée publiquement puis répétée par le maire de Saint-Etienne ce printemps est bien là, officielle depuis ce jeudi 10 juillet par un communiqué de « l’opérateur repreneur ». C’est-à-dire du nouveau prestataire engagé par le promoteur ligérien qu’est Inovy, rénovateur titulaire du bail emphytéotique de ce qui est une propriété « déléguée » donc de la municipalité. Interrogé au début du printemps, son PDG Jérôme Nuiry avait confirmé à If Saint-Etienne, à défaut d’une imminence de l’annonce, comme clamée par Gaël Perdriau, qu’il était certain de trouver une suite à l’occupation des Halles Mazerat, arguant de prendre son temps pour dénicher et valider un projet solide, fort des leçons du passé.

Ce concept se nomme « La Commune », appartenant au groupe national Chevrillon via sa branche hospitalité et il s’agira de sa première duplication depuis Lyon où il a été repris il y a quelques années après son lancement par un tiers. La Commune consiste en « un incubateur culinaire ». C’est-à-dire ? « Un dispositif d’accompagnement destiné à celles et ceux qui rêvent d’ouvrir leur propre restaurant, décrit le communiqué de succession officielle à Biltoki diffusé ce jeudi 10 juillet Ce modèle permet aux chefs en herbe de tester leur idée en conditions réelles, sans les risques financiers d’une installation classique. Ils bénéficieront d’un accès direct au public, pour confronter leur cuisine aux attentes des clients. Un véritable tremplin pour se lancer, affiner son projet et gagner en légitimité avant de voler de ses propres ailes. » La Commune annonce ainsi « un bar central qui bat comme un cœur », et donc autour de quoi se restaurer chez ces « chefs en résidence », le tout assorti de quelques échoppes commerçantes mais, surtout, « d’animations culturelles » : « une colocation joyeuse entre le bien-manger, la culture et la fête ».

La réussite à Lyon peut-elle se dupliquer à Saint-Etienne ?

La future programmation culturelle est, en effet, au cœur du projet. « Elle sera plus poussée qu’à Lyon. Ils ont beaucoup d’ambition pour ces lieux qui leur ont immédiatement plu. Mais ils ont pris leur temps pour s’assurer au maximum des chances de réussite, c’est logique, d’autant plus avec l’échec de Biltoki qui leur faisait se poser des questions : nous avons signé hier alors que je discute avec eux depuis fin 2024, avant même l’officialisation de la fermeture (en février, Ndlr), confie à If Saint-Etienne Jérôme Nuiry. Ce n’est pas la seule piste que nous avions depuis des mois mais c’est celle qui nous semblait la meilleure. Ce sont des gens sérieux, professionnels. Nous avons fait en sorte de notre côté, de tirer les leçons du passé après avoir constaté avec déception le manque de professionnalisme, de motivations, surtout à partir de la fin de l’année 2022 de la part de la gestion de Biltoki. Le démarrage avait été bon mais la suite de la gestion n’a pas été à la hauteur. L’échec tient davantage à ça je pense, plutôt qu’un concept inadapté à Saint-Etienne. »

Ils ont pris leur temps pour s’assurer au maximum des chances de réussite, c’est logique, d’autant plus avec l’échec de Biltoki qui leur faisait poser des questions : nous avons signé hier.

Jérôme Nuiry, PDG d’Inovy

Le patron d’Inovy se dit donc très optimiste sur la solidité – pas seulement financière – de son nouvel opérateur et de son projet. La Commune appuie son annonce en affichant des chiffres flatteurs du côté de son premier opus à Lyon, dans le 7e, au nord de Gerland, plus exactement dont la fréquentation, elle, ne démordrait pas : 5,3 M€ de CA en 2024 (+ 30 % par rapport à 2018), 900 clients par jour en moyenne, 60 emplois créés sur place, 20 porteurs de projets depuis 2021, 1,3 million de visiteurs cumulés, 1 250 événements grand public et, enfin, 12 restaurants ouverts depuis 2021 par ses chefs incubés. Il faudra, forcément, l’adapter au contexte – à commencer par le pouvoir d’achat local – stéphanois. Les propos de son communiqué semblent en tenir compte. Ils donnent, aussi, des objectifs pour Saint-Etienne dont l’ouverture est prévue en janvier 2026 (une ouverture partielle test est prévue dès la mi-décembre) : « 8 échoppes culinaires », « 700 clients par jour » avec une ouverture de « 12 h à minuit », « 3 à 4 événements culturels grand public hebdomadaires » et « 50 emplois générés ».

Appel aux chefs candidats

« Pour l’ouverture, 4 chefs incubés sont envisagés ainsi que 2 à 3 chefs stéphanois installés et 1 à 2 anciens commerçants. » Des travaux de réaménagement vont être lancés en septembre. Ils visent à « repenser le confort acoustique » ; « optimiser le nombre de places assises pour augmenter significativement la capacité et la qualité d’accueil » ; « réagencer le lieu pour faire durer l’expérience ». S’ajoute à l’ensemble de la future offre des possibilités de privatisation des lieux destinée aux entreprises et associations. Le montant de l’investissement par le groupe Chevrillon n’a pas été précisé et, à l’heure où nous publions ces lignes, nous n’avions pas pu encore échanger avec La Commune. Elle décrit le futur des Halles Mazerat, pensé « comme un véritable QG des Stéphanois » avec « une ambition simple mais forte : créer un lieu convivial & accessible qui révèle les talents culinaires, valorise les savoir-faire locaux, et tisse du lien entre toutes les générations autour du goût, de la culture et du partage ».

A souligner que le recrutement* de ses chefs incubés est déjà lancé. Les sélectionnés bénéficieront « d’un accompagnement complet incluant : Un espace de cuisine professionnel, entièrement équipé. Un soutien personnalisé en gestion, communication, ressources humaines et hygiène. Une visibilité accrue grâce à la programmation culturelle et à l’attractivité des Halles ». Les candidatures seront examinées sur la base de l’originalité du concept, de l’envie d’entreprendre et manager, de la qualité des produits, et de l’engagement du chef dans une démarche locale et responsable (produits frais, locaux, de saison, circuits courts).

* Candidature : hellomazerat©commune.co