Par

Chloé LENTIER

Publié le

10 juil. 2025 à 22h00

Des coups violents contre la porte, des bruits incessants, un climat de peur et d’insécurité… Et face à ça, plus d’une trentaine de mails, des dizaines d’appels, et des relances pour alerter sur la situation. En vain, selon elle.

Depuis plusieurs mois, c’est le quotidien de Manon L., arrivée il y a un an dans son appartement, quartier du Puchot, à Elbeuf (Seine-Maritime).

« Vous trouvez ça normal ? » s’indigne-t-elle. Après des dizaines d’appels à la police, plus de trente mails envoyés à son bailleur, EBS Habitat, et autant de relances restées sans suite, cette mère de deux fillettes a fini par fuir l’appartement.

« Ce n’est plus possible de vivre ici », dénonce-t-elle.

Désillusion

Juin 2024. Manon quitte son appartement rue des Martyrs, à Elbeuf, pour s’installer au Puchot. La raison est simple : à la suite d’un accident qui a altéré sa mobilité, elle a besoin d’un ascenseur.

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Mais à peine les cartons posés, les ennuis commencent : l’immeuble est squatté par des individus extérieurs. Des coups frappés violemment à sa porte, des croix noires dessinées sur le bois, des bruits jusque tard dans la nuit…

Elbeuf Puchot porte taguée
Un jour, la famille a retrouvé sa porte taguée d’une croix noire. ©Photo transmise par Manon L.

Alors, lorsque Manon décide de monter au grenier, avec sa voisine, aussi agacée par ces incivilités, c’est la stupéfaction : des déjections humaines, des canettes de bière, des cigarettes et des joints.

Et rien ne peut arrêter les squatteurs, puisque la porte coulissante en bas de l’immeuble ne fonctionne plus. « Le soir je rentrais tard après mon travail, j’ai toujours eu peur de tomber nez-à-nez avec l’un des squatteurs », confie Manon.

Des alertes sans réponses

Face à cette situation, elle tente d‘alerter tout le monde, mais chacun se renvoie la balle. « La police m’a dit qu’il n’y avait pas de patrouille et qu’elle verrait si elle passait. EBS m’a dit de voir avec la police… »

Pour se rassurer, elle installe une caméra dans son appartement. Pas sur le palier, car EBS Habitat a refusé malgré l’accord de ses voisins, mais à l’intérieur, juste pour surveiller ce qu’il s’y passe quand elle n’est pas là.

Deux drames en pleine journée

C’est grâce à cette caméra que Manon reçoit, un après-midi de juin, une alerte : des mouvements dans son logement alors qu’il est vide. Elle se connecte et voit des mouvements. Son chien, un malinois, se met à aboyer. La serrure finit par céder. Paniqué, l’animal cherche à fuir. Sa seule issue ? La fenêtre. Il saute du 11e étage.

« Quand on est arrivés avec mon conjoint, on l’a cherché partout dans l’appartement. On a regardé par la fenêtre, il était en bas. Pas une goutte de sang, mais le cœur n’a pas tenu. Le vétérinaire a parlé d’un arrêt cardiaque. Il a eu la trouille. » Le choc est immense pour la famille.

Comment expliquer à une enfant de huit ans que son chien est mort pendant qu’elle était à l’école ?

Manon L., habitante du quartier du Puchot à Elbeuf

Quelques jours plus tard, nouvelle intrusion. Cette fois, Manon est chez elle, avec ses deux filles. Deux individus vêtus de noir s’introduisent dans l’appartement. Elle n’a qu’un réflexe : mettre ses enfants à l’abri et se saisir d’un couteau de cuisine.

Elle touche l’un des intrus à la jambe. Il recule, la fusille du regard, puis s’en va. Elle appelle la police, sans réponse. Ce sont ses voisins, venus lui porter secours, qui réussiront à faire venir une patrouille.

« On paie un loyer pour vivre dans la peur »

L’insécurité n’est pas le seul problème. Les deux ascenseurs dysfonctionnent, et un s’arrête au 10e étage. Pour Manon, avec ses difficultés de mobilité, monter les marches est un défi quotidien. « J’ai harcelé l’agence pour qu’ils interviennent. On m’a répondu : pas avant le mois d’août ! » s’indigne-t-elle.

Pendant ce temps, les livreurs refusent de monter les étages pour distribuer les courses aux personnes âgées.

Aujourd’hui, Manon est partie se réfugier chez sa mère, avec ses enfants. La plus grande refuse d’entendre parler de l’appartement, traumatisée par les deux drames.

La mère de famille, elle, attend toujours une réaction de son bailleur. « Un geste, une prise en charge, une excuse… n’importe quoi. Mais je n’ai rien eu. » Selon elle, à cause de ces faits, quatre familles ont quitté l’immeuble ces dernières semaines. Les squatteurs, eux, sont toujours là.

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