Un médecin agressé, mieux sécurisé par la nouvelle loiSelon le Conseil national de l’Ordre des médecins libéraux, 1200 agressions physiques ont été recensées en 2023. © Stockking / Freepik

Chaque année en France, 20 000 signalements pour des violences à l’encontre de professionnels de santé sont recensés par l’Observatoire National des Violences en Milieu de Santé. Le phénomène n’épargne aucun secteur médico-social : infirmiers, médecins, dentistes, agents hospitaliers, secouristes… Tous sont confrontés à une augmentation régulière des incivilités.

Insultes, menaces, coups de pression… Dans bien des cas, les soignants choisissent de se taire, de minimiser, voire de ne pas porter plainte. Une forme de résignation s’installe. Dans les hôpitaux, un agent hospitalier sur deux dit avoir déjà été victime de violences verbales. Et dans les cabinets médicaux, certains professionnels installent des boutons d’alerte ou ferment leurs portes à double tour.

Cette montée des violences inquiète. Elle épuise les équipes. Elle dissuade certains jeunes de s’engager dans les métiers du soin. C’est dans ce climat tendu que la nouvelle loi sur la sécurité des soignants a été échafaudée par le gouvernement, avec un objectif clair : protéger mieux, sanctionner plus fort, réagir plus vite.

Loi sur la sécurité des soignants : un arsenal pénal renforcé Des peines de prison alourdies

Adoptée en mai par l’Assemblée nationale après un long temps d’examen (lire À SAVOIR), la loi introduit un durcissement net du code pénal pour toute personne coupable d’actes de violence à l’encontre d’un professionnel de santé.

Désormais, une agression physique ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours pourra être punie de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. En cas de mutilation, d’infirmité permanente, ou de décès non intentionnel, la peine grimpe à 20 ans de réclusion criminelle.

La loi ne s’arrête pas là. Même les vols ciblant les soignants (par exemple dans leur cabinet ou leur véhicule professionnel) sont désormais punis plus sévèrement. L’agression sexuelle sur un professionnel de santé est également requalifiée en délit aggravé, passible de jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Injures et outrages : la fin de l’impunité

Insulter une infirmière, menacer un pharmacien, vociférer dans une salle d’attente… Ces comportements, trop longtemps banalisés, entrent désormais dans le champ d’un délit d’outrage spécifique aux professionnels de santé. Il pourra être sanctionné par 6 mois de prison et 7 500 euros d’amende, voire plus si les faits sont commis dans un établissement de santé ou lors d’une intervention à domicile.

Les professionnels exerçant en libéral ne sont pas oubliés : les injures ou menaces à leur encontre pourront entraîner jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Une avancée majeure, car les libéraux restent parmi les plus exposés aux violences, notamment en milieu rural ou dans les zones dites “sous tension”.

Une protection élargie à toute la chaîne de soin Pas seulement les médecins

Un des apports essentiels de cette loi sur la sécurité des soignants, c’est l’élargissement de la protection à l’ensemble des personnels intervenant dans le parcours de soin.

Cela concerne évidemment les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, mais aussi les pharmaciens, les préparateurs en pharmacie, les agents d’accueil, les brancardiers, les secrétaires médicales, les ambulanciers… et même les professionnels libéraux qui se déplacent au domicile des patients.

Tous les lieux de soin concernés

Cette couverture légale s’applique à une large palette de lieux : hôpitaux publics, cliniques privées, EHPAD, centres de santé, cabinets libéraux, laboratoires, pharmacies, services d’urgence, établissements psychiatriques. Même les véhicules professionnels, les domiciles des patients ou les lieux d’intervention sont concernés.

En pratique, cela signifie qu’un kiné agressé chez un patient, ou une infirmière de nuit prise à partie devant un EHPAD, bénéficiera des mêmes droits que si l’incident avait eu lieu dans un hôpital.

Une procédure de plainte simplifiée L’employeur peut porter plainte

Autre mesure phare : la possibilité, pour l’établissement de santé ou l’employeur, de porter plainte au nom du professionnel agressé, avec son accord écrit. Une disposition qui vise à lever les freins administratifs et psychologiques à la plainte, et à éviter que les soignants ne soient seuls pour affronter le système judiciaire.

Cette possibilité est aussi étendue aux ordres professionnels et aux URPS (Unions régionales des professionnels de santé) pour les professions libérales. Là encore, l’idée est de faciliter l’accès au droit et de renforcer le soutien institutionnel.

Une visio-plainte en préparation

Le gouvernement a également annoncé la création prochaine d’un dispositif de visio-plainte dédié aux soignants victimes de violences. Le but : leur permettre de déposer plainte plus rapidement, sans avoir à se déplacer au commissariat ou à la gendarmerie, parfois au détriment de leur journée de travail.

Cette solution, inspirée des dispositifs de protection des victimes de violences conjugales, devrait être déployée d’ici la fin de l’année. Elle pourrait changer la donne, notamment pour les soignants isolés ou en milieu rural.

Vers une tolérance zéro pour les violences

Cette loi, attendue depuis longtemps, représente une réponse politique et symbolique à une réalité douloureuse. Elle est saluée par de nombreuses organisations professionnelles comme un signal fort envoyé aux soignants, mais aussi à la société.

Reste à voir si ce durcissement législatif se traduira par une baisse réelle des agressions. Car la violence dans le monde du soin est un phénomène multifactoriel, souvent lié à la détresse des patients, à la saturation des services ou aux tensions sociales. Et la loi, aussi nécessaire soit-elle, ne suffira sans doute pas, à elle seule, à apaiser les esprits.

À SAVOIR

La loi sur la sécurité des soignants, désormais loi n° 2025-623 du 9 juillet 2025, a vu le jour dans un contexte de recrudescence des violences envers les professionnels de santé. Portée par le député Philippe Pradal, la proposition a été déposée à l’Assemblée nationale en janvier 2024. Elle a été adoptée une première fois en mars 2024, puis débattue et renforcée au Sénat en mai 2025. Après un compromis trouvé en commission mixte paritaire, le texte a été définitivement adopté par le Parlement le 25 juin 2025. Il a été promulgué et publié au Journal Officiel le 10 juillet 2025, consacrant ainsi une réponse législative ferme à une demande ancienne du terrain.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé